Citations sur Lettres à Trebutien : 1832-1858 (10)
Nos lettres !! C'est notre vie vraie.
Je vous demande pardon de mes éternelles demandes, mais n'avez-vous pas pris charge d'âme en m'aimant ?
Vous êtes pour moi un oreiller de satin rose orné de dentelles sur lequel j'endors tous mes scrupules, mais sur lequel (je vous le jure) mon amitié ne dormira jamais.
Je vous écris comme on se précipite du haut d'une tour (…) à la volée sans relire (…) avec la rapidité de la foudre (…)
J'ai d'ailleurs ... la faculté de blesser les gens médiocres, terrible écueil pour un homme politique.
... donner le meilleur de soi, des idées, des vues et du style à des gens qui signeront cela de leur nom, c'est trop dur, je l'ai fait une fois, mais je ne le recommencerai plus.
Nous devons être toujours Normands, fils de Rollon, dans nos oeuvres. Quand ils disent que les Nationalités décampent, plantons-nous sur la porte du pays dont nous sommes et n'en bougeons pas. Soyons Normands comme Scott et Burns furent écossais.
La poésie pour moi n'existe qu'au fin-fond de la réalité et la réalité parle patois. Les langues sont le clavier des Artistes, ils les animent, ils les idéalisent ; ils en doublent, triplent, multiplient le jeu, les fonctions, la portée et, qui le croirait ? le sens et même le son. Il ne s'agit que d'être intelligible. Quand vous l'êtes, parlez comme vous voudrez, mais parlez bien. Est-ce que les paysans dans Molière n'ont pas autant de style que les autres personnages et ils parlent tous les patois, jusqu'au suisse...Mais quand je vous accorderais, Trébutien, que ce sont des vices, des maladies de langage, des membres déjetés d'une langue qui devrait être saine, des espèces d'écrouelles, les Grands Artistes sont des Rois et les Rois touchent les écrouelles et les guérissent en les touchant !
Sur ce, mon cher Trébutien, je ferme ma lettre en vous souhaitant le bonjour pour m'occuper d'une Muchacha qui fait les plus grandes folies à mon coude pendant que je vous écris ces gravités. C'est ma maîtresse... d'espagnol. Elle est de Màlaga, brune, dorée, parfumée comme le vin de son pays. Mais elle est un peu moins douce et jouerait volontiers du cuchillo. Je me croirai incomplet tout le temps que je n'aurai pas reçu de cuchillo de cette toute petite main-là.
Sur ce, mon cher Trébutien, je ferme ma lettre en vous souhaitant le bonjour pour m'occuper d'une Muchacha qui fait les plus grandes folies à mon coude pendant que je vous écris ces gravités. C'est ma maîtresse... d'espagnol. Elle est de Málaga, brune, dorée, parfumée comme le vin de son pays. Mais elle est un peu moins douce et jouerait volontiers du cuchillo (couteau). Je me croirai incomplet tout le temps que je n'aurai pas reçu de cuchillo de cette toute petite main-là.
Paris, mardi, le 27 mars 1855,
vers 11 heures du matin.
Mon cher Trébutien,
Nos paquets ont fait, pour le coup, ce que parfois on fait nos lettres, ils se sont croisés. Le mien partait le jour même que le vôtre m'est arrivé. Vous ne m'avez pas accusé réception immediatly, ni moi non plus. Mais j'ai pensé au principe posé par vous : que l'un pouvait négliger l'autre, mais qu'il ne fallait pas nous négliger, à la fois tous les deux, et voilà pourquoi je vous galope cette lettre, ce matin.
Et maintenant, cher ami, toujours en raison des effronteries de l'amitié, je m'en vais vous demander de me faire une commission. Vous m'avez dit, je crois, l'an dernier, qu'une limousine coûtait de 12 à 13 francs à Caen. Voulez-vous m'en acheter une ? Je la voudrais blanche à larges bandes rousses, ou bleues, ou brunes (mais j'aimerais mieux rousses). Je vous enverrai le prix coûtant soit par un mandat sur la poste, soit par la voie que vous choisirez. Vous auriez soin de prendre cette limousine la plus longue et le plus large possible.
Vous allez vous récrier, mais il me semble que ce caprice n'est pas de mauvais goût. Je m'imagine qu'en doublant de soie ou de velours ce vêtement d'apparence grossière et de couleur tranchée, on aurait ce que les petites filles appellent une jolie sortie de bal. En voiture on s'arrange mal d'un manteau espagnol de douze mètres comme le mien, et c'est un dessus pour voiture que je veux. Voilà, mon très cher, l'explication de ce que vous pourriez croire une bizarrerie par trop forte. Les femmes les plus élégantes portent des laitières cette année. Je ne vois pas, moi, pourquoi je n'aurais pas un manteau de Roulier.