Le Carnaval des vampires

Cela dit, il fallait toujours remonter à la source de la rumeur avant de conclure trop rapidement. Il s’approcha nonchalamment, faisant mine d’admirer les poulpes et les seiches dans les paniers d’osier. Il savait que son accent français le trahirait et que s’il parlait les gens cesseraient de converser devant lui.

C’est tellement mieux lorsque l’on reçoit un cadeau de s’apercevoir que la personne qui nous l’offre vous connaît si bien…

Rassurez-vous, c’est tout à fait légal. Une petite précaution contre les coups du sort, vous savez ce que c’est… Enfin, bref, nous avons fui Paris, direction le sud, un crochet pour déconcerter nos éventuels poursuivants à Genève et retirer quelques sous dudit compte, ensuite un petit tour dans les cantons suisses et direction Venise.

Violetta, vous ne devez jamais vous croire supérieure à quelqu’un à cause de votre position, de vos richesses ou de votre intelligence. Le plus petit est l’égal du plus grand. Chacun de nous a la possibilité d’aller au bout de ses aspirations. Vous vous devez de respecter la singularité absolue de chacun.

On dit qu’il y a plus de rats que de Vénitiens dans cette ville ! Mais ils ne sont pas aussi aimables qu’eux.

Jamais rêve ne parut si réel.
Du regard, il fit le tour de la pièce, sensible aux signes invisibles. Une main immatérielle semblait avoir tracé avant de disparaître quelques signes cabalistiques dans sa chambre, le conviant à les déchiffrer. Et puis un léger parfum de jasmin flottait encore dans l’air, à moins que ce ne fût le travail de son imagination.

Dans son rêve, le moine eut l’impression que des yeux noirs l’observaient. Il remua dans son sommeil et aussitôt tout se figea autour de lui. Le temps, la nature, les choses, la nature des choses… Son esprit dériva vers des temps plus anciens. Des temps où Venise était autre et où une adorable jeune femme s’accrochait à son bras. Eleonora…
Lorsqu’il rêvait, il se retrouvait pêcheur jetant au loin son filet pour remonter du plus profond de la mer des choses d’un temps oublié.
Elle était là. Eleonora…

Le silence était tel qu’il lui sembla entendre battre son cœur dans sa poitrine, sourde pompe à sang alimentant ses veines et artères.

Après tout, à la fin d’une journée, l’essentiel n’est-il pas de pouvoir compter le nombre de personne à qui l’on peut faire confiance ?

La peinture au-dessus du bureau attira son attention tant par ses couleurs que par ses perspectives ou la construction de la lumière. Le tableau représentait l’enlèvement d’Europe par Jupiter.
Sous la forme d’un taureau, celui-ci lui lèche les pieds amoureusement et invite la jeune femme, richement parée mais un sein découvert, à s’asseoir sur son dos avant de l’emporter comme on le voit sur le tableau en épisodes successifs.