AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
>

Critique de Eve-Yeshe


Nous retrouvons dans ce roman, les héros qui ont fait la joie des lecteurs qui ont aimé « Les déracinés ». le récit alterne toujours les faits et le journal des ressentis, émotions du héros principal, qui est Ruth, la fille de Wilhelm et Almah Rosenheck.

Un drame est survenu à la ferme, Wilhelm est décédé à la suite d'un accident de la route, idiot comme souvent : sa voiture a percuté une vache, dans la nuit, à peine quelques secondes d'inattention et c'est le grand voyage…

Ce drame traumatise tout le monde, on s'en doute, mais Ruth, « le premier bébé » de la colonie, dont le visage a été photographié, a même été utilisé pour des timbres-poste éprouve le besoin de quitter sa famille pour aller faire des études de journalisme à New-York. Nous sommes en 1961.

Elle part en bateau, refaisant à l'envers le voyage que ses parents ont fait des années plus tôt, comme un pèlerinage. Elle fait la connaissance d'Arturo sur le steamer, un jeune Dominicain qui part faire des études aussi.

Ruth découvre ainsi la sinistre Ellis Island qui depuis ne retient plus personne en quarantaine, et comprend ce que ses parents ont dû ressentir quand les US ont refusé de les accueillir.

Elle vient vivre chez sa tante Myriam, qui tient une école de danse, et dont le mari Aaron a bien réussi dans son métier d'architecte, et une relation forte se noue avec leur fils Nathan, épris de danse lui-aussi. Leur réussite est teintée de tristesse, car Myriam pense à son frère Wil et à Almah qui n'ont pas peu réaliser leur rêve.

« Je voulais vivre ma vie comme je l'entendais sans m'encombrer des bagages pesants de l'histoire familiale. J'allais écrire une page de la vie des Rosenheck en Amérique. Ma propre page. »

Ce roman évoque surtout le statut difficile des enfants de la deuxième génération : ses parents sont des êtres tellement exceptionnels pour Ruth, qu'elle se sent nulle, ne pouvant jamais leur arriver à la cheville. Comment faire son chemin quand les parents ont tant souffert, ont dû supporter tellement de désillusions, travailler la terre, construire leur colonie ?

« Qui étais-je, moi Ruth Rosenheck, née en république Dominicaine de parents juifs autrichiens, parachutée à New-York ? Juive, Autrichienne, Dominicaine, américaine ? Avais-je fait le bon choix ? Je me sentais perdue… »

Un autre élément entre en ligne de compte : ils n'ont jamais parler de leurs propres parents, de l'antisémitisme, de la Shoah pour préserver leurs enfants, car c'était trop lourd à porter, alors ils les ont élevés dans la liberté, l'insouciance : Ils étaient « les petits princes de la colonie » dit Ruth.

Alors dans ce cas, comment savoir qui l'on est et d'où l'on vient ? Comment se construire ? Ruth a choisi le journalisme comme son père, après avoir abandonné ses études d'infirmière, (dans la famille d'Almah, ils étaient médecins depuis des générations) et le virus était entré en elle lorsqu'elle avait couvert le procès d'Eichmann…

A l'université, elle se rend compte qu'il y a des clans, l'élite et les autres dont elle fait partie, ce qui ne facilite pas l'intégration… les US n'ont guère fait de progrès depuis l'arrivée de ses parents, la fermeture d'Ellis Island n'est qu'un symbole et encore…

Ruth a idéalisé aussi le couple formé par ses parents, en mettant la barre aussi haut, comment s'engager dans une histoire d'amour, construire un couple ou une famille ?

Elle se cherche, s'égare dans des amours sans lendemains, comme si elle voulait se perdre elle-même, seul Arturo son ami est fidèle au poste. Avec lui, elle va assister, à l'assassinat de JFK, le racisme, Johnson et la guerre au Vietnam, et la marche des droits civiques avec Martin Luther King, le plus jeune prix Nobel, ne l'oublions pas… en passant par les jeunes hippies, la drogue, l'amour libre, (où elle retrouvera Lizzie qui faisait partie de la bande des quatre copains autrefois.

Même si le récit qui s'étend jusqu'à 1966, allume un projecteur sur Ruth, on ne perd pas de vue les autres personnages, Almah, Marcus, Svenja, Frizzie entre autres, ni l'évolution de la situation politique et sociale de la République Dominicaine, ou la construction d'Israël.

J'ai aimé la manière d'aborder la recherche de l'histoire familiale pour savoir ce que l'on veut transmettre, le besoin de se connecter avec les grands-mères qu'elle n'a pas connues, pour continuer le chemin tout en partant à la quête de son identité. Mettre de la distance, géographiquement parlant, ne rend pas forcément plus autonome. Cette jeune femme est intéressante, même si l'on parfois envie de la « secouer un peu » pour qu'elle avance…

Catherine Bardon, nous fait parcourir les US par le biais de tous les évènements importants qui se sont déroulés sur cette période, et pointe le traitement des Noirs, le rejet dont ils sont victimes. Elle n'est pas tendre dans sa description et tout ce qu'elle évoque résonne tristement avec la période actuelle. En choisissant de faire participer Ruth et Arturo à la marche pour les droits civiques pour écouter le discours de Martin Luther King : « I have a dream », elle donne au lecteur la possibilité de « revivre » cette manifestation pacifique.

J'ai bien aimé ce roman, même s'il manque quelque chose de la magie du premier tome « Les déracinés », cela reste une belle histoire, qui étrille « l'Amérique » et sa société qui ne brille pas par sa tolérance, et se comporte comme le gendarme du monde, n'hésitant pas à envoyer des soldats pour maintenir à tout prix une dictature en République dominicaine par exemple…

Ce roman est dense, il ne s'étend que sur six années et pourtant il se passe tant de choses ! j'espère que l'auteure nous proposera une suite car il est difficile de se détacher des personnages…

Un grand merci à NetGalley et aux éditions Les Escales qui m'ont permis de découvrir ce roman et d'apprécier une nouvelle fois son auteure.

#Laméricaine #NetGalleyFrance


Lien : https://leslivresdeve.wordpr..
Commenter  J’apprécie          540



Ont apprécié cette critique (49)voir plus




{* *}