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Critique de Michel69004


Ma liseuse en panne, il était hors de question de partir sans munitions . J'ai pioché quelques livres de poche qui attendaient sagement leur heure dans une sorte de PAL de secours. Bien m'en a pris.
Damian Barr n'est pas très connu. Son essai autobiographique sur les difficultés d'être un écossais gay pendant l'ère Thatcher(Maggie & Me) n'a pas été traduit en français. Je ne savais donc pas trop quoi en attendre.
Mais Tout ira bien. Ok,ok, tout ira bien....
Mais non, bien sur, en fait tout ira très très mal dans cette histoire inspirée de faits réels.
Cet excellent premier roman est une petite merveille.
L'auteur réussit un tour de force peu commun en réécrivant 2 pages de l'histoire sud-africaine et en faisant l'hypothèse que l'une découle de l'autre. Tant sur le plan historique, généalogique , sociologique que sur le plan romanesque...
Comme dit l'autre, "On ne va pas se mentir": je ne connaissais l'histoire "sudaf" qu'à travers les polars de Déon Meyer (j'ai honte), le rugby et l'épopée mandélienne.
J'avais vaguement entendu parler des 2 guerres des boers.
L'hypothèse que les crispations identitaires des afrikaners d'aujourd'hui puissent leurs racines dans la profonde maltraitance dont ils ont été les victimes en 1900/1901,m'a littéralement scotché.
Les anglais adoptent une stratégie de terre brulée pour combattre les farouches indépendantistes du Transvaal et de l'Etat libre d'Orange et enferment femmes et enfants, noirs et blancs dans les premiers camps de concentration de l'ère moderne. Damian Barr décrit l'univers du camps de Bloemfontein où Sarah van der Watt, sa jeune héroïne ,va être enfermée avec son fils Fred.
20 à 30 000 civils vont y périr.
Mais la boucle narrative commence par un étrange prologue: le 1er octobre 2010 Willem Brandt,16 ans, est conduit dans le bush au camps d'Aube Nouvelle pour un séjour de "conversion". Lui aussi sera enfermé dans la folie concentrationnaire.
Toute l'histoire va se déplier entre ces 2 moments(1901/1910), ces 2 camps de détention, ces 2 groupes victimaires.

Damian Barr a une écriture exceptionnellement fluide qui ne masque rien de la complexité des personnages et des situations et qui joue sur le tempo, sur le rythme .
C'est passionnant de bout en bout mais c'est parfois éprouvant.
L'horreur nous guette au coin de la virgule.
La question de l'apartheid sera évidemment omniprésente mais, narrativement, comme une sorte de liant des fondus enchainés .
Et puis on devine, en négatif, des spéculations sur l'origine des fachosphéres. Et là Damian Barr mouille le maillot, nous invite à réfléchir sur le poids anthropologique des traumatismes de masse et de la colonisation, dilué dans une sorte d' impensé sociétal parce qu'il faut malgré tout "faire nation".

Pour en revenir au roman: Mention spéciale pour le personnage de Willem, finement croqué....et, j'imagine, assez proche de l'auteur...

Vive les livres de poche!!


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