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Citations sur La Chambre claire (10)

Rien de tel qu’une photo objective, du genre Photomaton, pour faire de vous un individu pénal, guetté par la police.
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Un jour, il y a bien longtemps, je tombai sur une photographie du dernier frère de Napoléon, Jérôme (1852). Je me dis alors, avec un étonnement que je n'ai jamais pu réduire : "Je vois les yeux qui ont vu l'Empereur." Je parlais parfois de cet étonnement mais comme personne ne semblait le partager, ni même le comprendre (la vie est ainsi faite à coups de petites solitudes), je l'oubliai.
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Ma règle était suffisamment plausible pour que j’essaye de nommer (j’en aurai besoin) ces deux éléments, dont la co-présence fondait, semblait-il, la sorte d’intérêt particulier que j’avais pour ces photos. Le premier, visiblement, est une étendue, il a l’extension d’un champ, que je perçois assez familièrement en fonction de mon savoir, de ma culture; ce champ peut être plus ou moins stylisé, plus ou moins réussi, selon l’art ou la chance du photographe, mais il renvoie toujours à une information classique : l’insurrection, le Nicaragua, et tous les signes de l’une et de l’autre : des combattants pauvres, en civil, des rues en ruine, des morts, des douleurs, le soleil et les lourds yeux indiens. Des milliers de photos sont faites de ce champ, et pour ces photos je puis, certes, éprouver une sorte d’intérêt général, parfois ému, mais dont l’émotion passe par le relais raisonnable d’une culture morale et politique. Ce que j’éprouve pour ces photos relève d’un affect moyen, presque d’un dressage. Je ne voyais pas, en français, de mot qui exprimât simplement. Cette sorte d’intérêt humain ; mais en latin, ce mot, je crois, existe : c’est le studium, qui ne veut pas dire, du moins tout de suite, « l’étude », mais l’application à une chose, le goût pour quelqu’un, une sorte d’investissement général, empressé, certes, mais sans acuité particulière. C’est par le studium que je m’intéresse à beaucoup de photographies, soit que je les reçoive comme des témoignages politiques, soit que je les goûte comme de bons tableaux historiques : car c’est culturellement (cette connotation est présente dans le studium) que je participe aux figures, aux mines, aux gestes, aux décors, aux actions.
Le second élément vient casser (ou scander) le studium. Cette fois, ce n’est pas moi qui vais le chercher (comme j’investis de ma conscience souveraine le champ du studium), c’est lui qui part de la scène, comme une flèche, et vient me percer. Un mot existe en latin pour désigner cette blessure, cette piqûre, cette marque faite par un instrument pointu; ce mot m’irait d’autant mieux qu’il renvoie aussi à l’idée de ponctuation et que les photos dont je parle sont en effet comme ponctuées, parfois même mouchetées, de ces points sensibles; précisément, ces marques, ces blessures sont des points. Ce second élément qui vient déranger le studium, je l’appellerai donc punctum; car punctum, c’est aussi : piqûre, petit trou, petite tache, petite coupure - et aussi coup de dés. Le punctum d’une photo, c’est ce hasard qui, en elle, me point (mais aussi me meurtrit, me poigne).
Ayant ainsi distingué dans la Photographie deux thèmes (car en somme les photos que j’aimais étaient construites à la façon d’une sonate classique), je pouvais m’occuper successivement de l’un et de l’autre.
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On dit que le deuil, par son travail progressif, efface lentement la douleur : je ne pouvais, je ne puis le croire ; car, pour moi, le Temps élimine l'émotion de la perte (je ne pleure pas), c'est tout. Pour le reste, tout est resté immobile.
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Me voici donc moi-même mesure du « savoir » photographique. Qu’est-ce que mon corps sait de la Photographie? J’observai qu’une photo peut être l’objet de trois pratiques (ou de trois émotions, ou de trois intentions)
: faire, subir, regarder. L’Operator, c’est le Photographe. Le Spectator, c’est nous tous qui compulsons, dans les journaux, les livres, les albums, les archives, des collections de photos. Et celui ou cela qui est photographié,
c’est la cible, le référent, sorte de petit simulacre, d’eidôlon émis par l’objet, que j’appellerais volontiers le Spectrum de la Photographie, parce que ce mot garde à travers sa racine un rapport au « spectacle » et y ajoute cette chose un peu terrible qu’il y a dans toute photographie : le retour du mort.
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La Photographie ne dit pas (forcément) ce qui n’est plus, mais seulement et à coup sûr, ce qui a été. Cette subtilité est décisive. Devant une photo, la conscience ne prend pas nécessairement la voie nostalgique du souvenir, mais pour toute photo existant au monde, la voie de la certitude : l’essence de la Photographie est de ratifier ce qu’elle représente
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J’observai la petite fille et je retrouvai enfin ma mère. La clarté de son visage, la pose naïve de ses mains, la place qu’elle avait occupée docilement sans se montrer ni se cacher, son expression enfin, qui la distinguait, comme le Bien du Mal, de la petite fille hystérique, de la poupée minaudante qui joue aux adultes, tout cela formait la figure d’une innocence souveraine (si l’on veut bien prendre ce mot selon son étymologie, qui est « je ne sais pas nuire »), tout cela avait transformé la pose photographique dans ce paradoxe intenable et que toute sa vie elle avait tenu : l’affirmation d’une douceur.
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je me débattais au milieu d’images partiellement vraies, et donc totalement fausses.
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se voir soi-même (autrement que dans un miroir).
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ce qui ne pourra jamais plus se répéter existentiellement.
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