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Citations sur La Préparation du roman I et II : Cours et séminaires au .. (4)

Ce sont là, si l’on peut dire, des fantasmes de civilisation, le livre y étant un mythe collectif : origine, guide ou reflet (sens) ⟶ Faut en revenir à des formes plus modestes, plus pragmatiques : quelle forme est-ce que je désire pour l’œuvre que je veux entreprendre ? J’ai dit qu’en ce qui me concernait, cette forme se situait par rapport au continu / discontinu du discours. Je retrouve ici une opposition avancée par Mallarmé, entre deux types d’œuvre (il s’agit de théorie et non pas seulement de classement empirique) : 1) Le livre : « architectural et prémédité », « un livre qui soit un livre » ou « le Livre, persuadé au fond qu’il n’y en a qu’un, tenté à son insu par quiconque écrit ». 2) L’Album : « recueil des inspirations de hasard, fussent-elles merveilleuses ».
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Blanchot (une fois de plus, lui) a dit ce tournant d’écriture d’une façon à la fois pacifiée et désespérée, à sa manière : « Il y a un moment dans la vie d’un homme – par conséquent des hommes – où tout est achevé, les livres écrits, l’univers silencieux, les êtres en repos. Il ne reste plus que la tâche de l’annoncer : c’est facile. Mais comme cette parole supplémentaire risque de rompre l’équilibre – et où trouver la force pour la dire ? où trouver encore une place pour elle ? – on ne la prononce pas, et la tâche reste inachevée. On écrit seulement ce que je viens d’écrire ; finalement, on ne l’écrit pas non plus. » j’ai eu, j’ai encore d’une façon récurrente, et j’aurai sûrement encore la tentation, ou l’image de décision décrite par Blanchot : le cours de l’année dernière porte la trace de cette tentation : la dilection du Neutre, de la Retraite. car face au « ronron » de la gestion, deux voies s’ouvrent : 1) ou bien le silence, le repos, le retrait (« Assis paisiblement, sans rien faire, le printemps vient, et l’herbe croît d’elle-même ») ; 2) ou bien reprendre la marche dans une autre direction, c’est-à-dire batailler, investir, planter, avec le paradoxe bien connu : « Passe encore de bâtir, mais planter à cet âge ! » Pourquoi ? A ce niveau, toute explication de décision est incertaine car on ne sait la part d’inconscient – ou : la nature véritable du désir engagé. Je dirai, en toute conscience : parce que sentiment de danger ⟶ Société française actuelle : idéologiquement, montée puissante de la petite bourgeoisie : elle prend le pouvoir, règne dans les médias ; il faudrait ici une analyse esthétique de la Radio, de la TV, de la grande presse, montrer quelles valeurs implicites y sont promues, et quelles rejetées (en général : valeurs aristocratiques). Danger, me semble-t-il, plus manifeste depuis quelque temps : signes concordants d’une montée de l’anti-intellectualisme (toujours contigu au racisme, au fascisme), attaques contre le « jargon » (le langage) mass-médiatisé, contre le cinéma d’auteur, etc. ⟶ Sentiment qu’il faut se défendre, que c’est une question de survie. Sollers : l’écrivain, l’intellectuel, s’il veut survivre, devra accepter de s’injecter un peu de paranoïa : « Pas de cadeau ! » ⟶ Défense nécessaire de l’Artiste (Nietzsche).
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Revenons, pour terminer, à l’écriture, à ce complexe projectif – et prospectif – que j’ai essayé de nouer entre deux pôles, l’un explicite tout au long du Cours, l’autre sans cesse présent aussi, mais d’une façon indirecte : la Notation (le Haiku, l’Épiphanie, l’Incident, et aussi le Moment de vérité) et le Roman.
Tout d’abord ceci : il ne serait pas impossible de théoriser une lecture – et donc une analyse, une méthode, une critique – qui s’occuperait ou partirait des moments de l’œuvre : moments forts, moments de vérité ou, si l’on ne craint pas le mot, moments pathétiques (nous savons le lien avec le Tragique) ⟶ Critique pathétique : au lieu de partir d’unités logiques (analyse structurale), on partirait d’éléments affectifs ⟶ on pourrait aller jusqu’à une discrimination des valeurs (de la valeur) de l’œuvre selon la force des moments – ou d’un moment : tout le Casanova de Fellini (que je n’aime guère) sauvé parce que l’automate a fait tilt en moi bien entendu, alors aucune acception de goût culturel : je sais que pour moi il y a dans Monte-Cristo des éléments pathétiques qui me permettraient de reconstruire l’œuvre (j’ai pensé à un cours sur ce roman) ⟶ comme si nous acceptions de déprécier l’œuvre, de ne pas en respecter le Tout, d’abolir des parts de cette œuvre, de la ruiner – pour la faire vivre.
Le Roman, en effet (puisqu’il s’agit de lui), dans sa grande et longue coulée, ne peut soutenir la « vérité » (du moment) : ce n’est pas sa fonction. Je me le représente comme un tissu (= Texte), une vaste et longue toile peinte d’illusions, de leurres, de choses inventées, de « faux » si l’on veut : toile brillante, colorée, voile de la Maya, ponctuée, clairsemée de Moments de vérité qui en sont la justification absolue ; ces moments : Rari (Rarus : épars) : apparent rari (nantes) ⟶ Quand je produis des Notations, elles sont toutes « vraies » : je ne mens jamais (je n’invente jamais), mais précisément, je n’accède pas au Roman ; le roman commencerait non au faux, mais quand on mêle sans prévenir le vrai et le faux : le vrai criant, absolu, et le faux colorié, brillant, venu de l’ordre du Désir et de l’Imaginaire ⟶ le roman serait poikilos, bigarré, varié, tacheté, moucheté, couvert de peintures, de tableaux, vêtement brodé, compliqué, complexe ; racine pingo (peindre), broder avec des fils différents, tatouer ; cf. pigmentum > indo-européen peik, orner, soit en écrivant, soit en étendant de la couleur ⟶ le poikilos du roman = un hétérogène, un hétérologique de Vrai et de Faux.
Peut-être donc : parvenir à faire un roman (telle est la perspective – le point de fuite – de notre cours), c’est au fond accepter de mentir, parvenir à mentir (ce peut être très difficile, de mentir) – mentir de ce mensonge second et pervers qui consiste à mêler le vrai et le faux ⟶ En définitive, alors, la résistance au roman, l’impuissance au roman (à sa pratique) serait une résistance morale.
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Mais, selon mon vœu, ce travail sera à l’articulation indécidable du Technique et de l’Éthique. Et si l’on pense que dans le champ de l’Écriture, le Technique a pour assomption une Esthétique, ce travail (ce Cours) : situé à l’entrecroisement, à l’enchevêtrement de l’Esthétique et de l’Éthique.
C’est un problème kierkegaardien (Ou bien, ou bien). Énonçons-le (et rectifions-le) avec Kafka (conversations avec Janouch) : « Kierkegaard est confronté au problème suivant : ou bien jouir de l’être sur le mode esthétique, ou bien vivre l’être sur le mode moral. Mais il me semble que c’est là une façon erronée de poser la question. Cet « ou bien, ou bien » n’existe que dans la tête de Soren Kierkegaard. En réalité, on ne parvient à une jouissance esthétique de l’être qu’à travers une expérience morale et humble. »
Le « Technique » : c’est au fond l’expérience morale et humble de l’Écriture ⟶ pas très éloignée en somme du Neutre. Y prendrez-vous de l’intérêt – même ceux qui n’écrivent pas, ou même ceux qui, écrivant, ne sont pas en proie aux mêmes problèmes que moi ? Mon espoir repose sur une expérience personnelle : je ne m’ennuie jamais quand les gens parlent de leur métier, des problèmes de leur métier, quel qu’il soit. Malheureusement, la plupart du temps, ils se croient obligés de s’en tenir à une conversation générale. Combien de fois j’ai été agacé et frustré parce que dans une conversation, que les autres rendent « générale », un spécialiste que j’aimerais tant entendre parler de sa spécialité, me tient des banalités culturelles et philosophiques, au lieu de me parler de sa profession ! – En particulier, les Intellectuels ne parlent jamais de leur métier, comme s’ils n’en avaient pas : ils ont des « idées », des « positions », sans métier ! Ironie amusée et indulgente avec laquelle a été accueillie l’enquête de Rambures (par lui-même d’ailleurs). Quoi ! Ces écrivains s’intéressent à leur stylo, à leur papier, à leur table ! Ils sont dingues, etc.
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