Un premier roman qui se laisse lire gentiment bien qu'ayant en toile de fond la Seconde guerre mondiale et ses dramatiques conséquences.
Dans la première partie qui débute en mai 1943, on découvre le quotidien d'Alice alors âgée de cinq ans, "orpheline" de père, confiée par sa mère à la garde d'une nourrice (se faisant passer pour sa grand-mère), dans un petit village du Béarn. Un quotidien d'enfant cachée fait de bruit de bottes, de peurs de l'ennemi, de craintes de la délation et de l'arrestation, d'incompréhensions et de questionnements de la part de cette enfant qui se demande où a bien pu passer sa mère qui l'a laissée là. Une mère qui, bien que l'ayant abandonnée, sans autre explication sinon une vieille valise remplie d'objets mystérieux, reste fantasmée et sublimée.
On mesure dans cette première partie toutes les peurs que peut générer le fait de ne pas expliquer aux enfants le pourquoi du comment des choses. Alice n'en peut plus de ce "Parce que c'est la guerre" que sa nourrice lui répond continuellement quand elle l'interroge. Elle se désespère de comprendre, mais les adultes font tout pour lui cacher une réalité que, in fine, elle interprétera à la façon.
La seconde partie se situe en septembre 1946, à Paris. La mère d'Alice est venue la rechercher dans le Béarn, en compagnie d'une assistante sociale. Très brutalement, Alice (elle a alors huit ans) doit abandonner sa nounou Jeanne, ses copines d'école, son petit chat Crème et aller avec cette inconnue, très pâle et très maigre, quasi chauve qui ne ressemble en rien au souvenir qu'elle avait de sa sublime maman et qui ne semble pas, non plus, lui témoigner beaucoup d'intérêt ni d'amour maternel. A Paris, elle loge avec sa mère chez Marcel, un ami rescapé des camps qui ne semble pas avoir toute sa tête. Dans cette partie, le lecteur comprend toutes les difficultés qu'ont eu les rescapés des camps de concentration (sa mère y était pour faits de résistance, mais on l'apprendra plus tard) pour se réinsérer dans la société, mais également toute la difficulté pour les enfants cachés revenus dans leur foyer pour comprendre la finalité de celles-ci. Et puis, comment pourraient-ils comprendre leurs agissements bizarres (dormir au sol, faire des cauchemars, lécher leurs assiettes, faire des allers-retours au Lutétia...) dès lors que le non-dit est total. Alors que la guerre est à présent finie, Alice se heurte frontalement à une injonction de sa mère : ne plus lui poser la question "pourquoi ?" car elle est incapable d'y apporter réponses. du coup, une fois encore, elle interprètera de travers et même, souvent, deviendra le parent de sa maman qui n'est pas (ou plus) capable de faire face à ses obligations. Jusqu'au drame : sa mère tuberculeuse doit être hospitalisée.
Dans la troisième partie, on découvre que le père inconnu d'Alice existe finalement. Il a été retrouvé par les services sociaux sur indications de la mère d'Alice. Il est riche, mais il y a un hic, il vit aux Etats-Unis (à New-York). Là encore, Alice n'a pas le choix. Elle doit abandonner sa vie (sa mère, son école, son ami Jean-Joseph) pour aller vers l'inconnu. On verra dans cette partie, toute la difficulté d'Alice à s'adapter à son nouvel environnement, dès lors qu'elle comprend vite qu'elle n'est acceptée ni par son père, ni par sa compagne et encore moins par le demi-frère de son père, blessé de guerre et aveugle de son état, dont elle occupe la chambre. Confiée aux domestiques, elle se réfugie dans les lettres qu'elle écrit régulièrement à sa maman et à son ami Jean-Joseph, jusqu'à s'apercevoir que celles-ci n'ont jamais été envoyées !
Elle décide donc de reprendre son destin en mains (fuguer et retourner à Paris) avec l'aide de Vadim (le demi-frère) qui s'avèrera bien plus proche qu'il n'y paraissait.
Une belle histoire donc, avec des personnages bien caractérisés et attachants. Ce sera dans une longue lettre adressée par sa mère à Alice, au moment de sa mort, que cette dernière aura, enfin, les réponses aux trop nombreuses questions qui ont jalonné son parcours d'enfant et qui lui permettront, peut-être, de se reconstruire en tant qu'adulte.
Sur la forme, rien à dire. L'écriture est simple et fluide. C'est parfois frustrant de ne pas avoir immédiatement les réponses aux questions que se pose Alice (en cela, on ressent ce qu'elle peut ressentir). On suit avec intérêt les nombreux rebondissements de l'intrigue et on a vraiment hâte de savoir quelle sera l'issue de cette histoire de vie.
J'ai vraiment bien aimé suivre Alice dans son cheminement et j'aurai, à présent, intérêt à suivre
Sarah Barukh dans son cheminement d'auteure.