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Critique de Tachan


Une mythologie inconnue, une malédiction, une ambiance de conte à l'ancienne : voici les ingrédients qui m'ont fait m'intéresser et plonger avec délice dans l'univers imaginé par Melissa Bashardoust, dans la droite ligne d'autres comme Naomi Novik (Déracinée, La Fileuse d'Argent) ou Pascaline Nolot (Rouge).


En s'inspirant directement des contes de son enfance, Raiponce et La Belle au bois dormant, l'autrice a imaginé une histoire à l'univers qui me parlait totalement. J'aime les récits revisitant de manière plus mature et moderne ces récits un peu dénaturés par le vernis de Disney. Ils ont un habillage ancien qui me donne la sensation d'être dans un cocon un peu hors du temps et en même temps je trouve une réelle actualité à leurs thématiques. Ici, c'est donc du sujet de l'enfermement des femmes qu'il est question et l'autrice y va avec tact et doigté.

Pour questionner cela, elle imagine une héroïne : Soraya, princesse sous le poids d'une malédiction qui rendrait son toucher mortel à n'importe qui. C'est dans la culture Perse que l'autrice a puisé son inspiration pour mettre en scène cette malédiction, ses origines, son poids et ses conséquences. le lecteur peu familier à la chose comme moi va donc se retrouver plongé, voire noyé, dans une ambiance totalement dépaysante, étrange, entêtante et envoûtante, presque capiteuse avec son héroïne qui a toujours vécue cachée dans la solitude et la peur de son propre corps.

J'ai eu un peu de mal au début à entrer dans le récit, la faute à de nombreux concepts en lien avec la culture perse qui cheminaient les pages et qui n'étaient pas expliqués, ce qui rendait compliqué de comprendre de quoi il était question et de me familiariser avec cet univers. J'ai certes découvert plus tard quelques pages explicatives à la fin mais le mal était fait et ce n'était tout de même pas suffisant, certains mots n'y étant pas expliqués. C'est pour moi un gros problème côté édition. On me dira qu'avec internet, je n'avais qu'à chercher. J'estime que cela devrait être le travail de l'éditeur d'accompagner son lecteur avec notamment des notes de bas de pages, ce qui se faisait couramment avec l'omniprésence d'internet et était bien mieux !

La compréhension fut donc difficile mais la curiosité est heureusement restée. J'ai toujours été curieuse de découvrir le destin de Soraya, de voir ce qu'il allait advenir d'elle et de comprendre d'où venait cette malédiction et ce qu'elle représentait. Cela m'a ainsi entraînée dans une aventure sombre et pleine de nuances où des femmes se retrouvent contraintes à de terribles choix pour échapper aux hommes les pourchassant, humains et créatures mythologiques. Cela m'a entraînée dans une culture totalement inconnue pour moi où j'ai pris plaisir à découvrir la mythologie sombre qu'elle refermait faite de divs (démons physiques et spirituels) pouvant changer de forme, de pariks (démons femelles malveillants), du shahmar (démon dragon à trois têtes qui connaîtra malchances sur malchances) ou encore du simorgh (oiseau mythologique). Ensemble ils tissent une belle toile étrange et malaisante où rien ne sera jamais simple.

L'héroïne n'est pas de celles qui brillent par son caractère, son courage, son évolution. Je l'ai longtemps trouvée fade, peu aidée qu'elle était par une écriture assez pauvre des dialogues, mais j'ai aimé suivre sa quête d'émancipation. Avec elle et avec cet univers perse, l'autrice imagine l'histoire de la quête d'une femme cherchant à échapper à son destin : celui de rester enfermée. A l'heure où on régresse énormément sur le droit des femmes de part le monde, j'ai trouvé ça pertinent et puissant. L'héroïne va se battre sa famille, contre sa propre histoire telle qu'on lui a conté et même contre ses sentiments pour se défaire de cette malédiction et de ses conséquences. le message est clair : on n'a pas à enfermer une femme sous quelque prétexte que ce soit, même celui de la protéger.

Pour autant la mise en scène de cette quête émancipatrice manque peut-être de finesse. L'autrice va trop vite lors des scènes clés leur faisant perdre de leur impact, alors que le message passe bien pourtant et est important. Elle brosse aussi des sentiments assez superficiels chez les personnages. Aucune des pseudo relation n'a su résonner en moi et m'impacter, que ce soit la première tentative de romance de Soraya, la poussant à chercher à rompre sa malédiction, ou sa relation compliquée à sa mère et son frère qui l'ont un peu beaucoup abandonnée et qui lui ont menti, sans parler de l'ultime romance qui sort un peu de nulle part et est surtout là comme caution pour montrer que l'autrice est dans l'air du temps. Bof. L'ensemble aurait mérité mieux.

Il y a un réel potentiel dans cette réécriture de conte mélangeant ambiances européennes et perses sur fond d'émancipation des femmes, potentiel un peu gâché parfois par une écriture qui manque de force et d'ancrage. J'ai aimé le dépaysement. J'ai aimé la noirceur et les nuances de ce conte où rien n'est ce qu'il semble être et où la morale est complexe. J'aurais aimé que l'écriture des relations et des personnages soit à la hauteur de ces ambitions. Intéressant, pertinent dans le fond mais peut mieux faire dans la forme.
Lien : https://lesblablasdetachan.w..
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