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Citations sur L'expérience intérieure (99)

Je ne puis, revenant en arrière, si je refais ce chemin que l'homme a fait à la recherche de soi-même (de sa gloire), qu'être saisi d'un mouvement fort et débordant - qui se chante. Je m'en veux quelque fois de laisser le sentiment de l'existence souffreteuse. La déchirure est l'expression de la richesse. L'homme fade et faible en est incapable.

Que tout soit suspendu, impossible, invivable... je n'en ai cure! Manquerais-je à ce point de souffle ?

Convier toutes les pentes de l'homme en un point, tous les possibles qu'il est, en tirer en même temps les accords et les heurts violents, ne plus laisser au dehors le rire déchirant la trame (l'étoffe) dont l'homme est fait, au contraire se savoir assuré d'insignifiance tant que la pensée n'est pas elle-même ce profond déchirement de l'étoffe et de son objet -l'être lui-même- l'étoffe déchirée (Nietzsche avait dit : "regarder comme faux ce qui n'a pas fait rire au moins une fois"(...), en cela mes efforts recommencent et défont la Phénoménologie de Hegel. La construction de Hegel est une philosophie du travail, du "projet". L'homme Hégélien - Être et Dieu- s'accomplit, s'achève dans l'adéquation du projet. L'ipse devant devenir tout n'échoue pas, ne devient pas comique, insuffisant, mais le particulier, l'esclave engagé dans les voies du travail, accède après bien des méandres au sommet de l'universel. Le seul achoppement de cette manière de voir (d'une profondeur inégalée d'ailleurs, en quelque sorte inaccessible) est ce qui dans l'homme est irréductible au projet : l'existence non discursive, le rire, l'extase, qui lient -en dernier lieur - l'homme à la négation du projet qu'il est pourtant - l'homme s'abîme en dernier dans un effacement total de ce qu'il est, de toute affirmation humaine. Tel serait le passage aisé de la philosophie du travail - hégélienne et profane - à la philosophie sacrée, que le "supplice" exprime, mais qui suppose une philosophie de la communication, plus accessible.

Je conçois mal que la "sagesse" -la science- se lie à l'existence inerte. L'existence est tumulte qui se chante, où fièvre et déchirures se lient à l'ivresse. L'affaissement hégélien, le caractère achevé profane, d'une philosophie dont le mouvement était le principe, tiennent au rejet, dans la vie de Hegel, de tout ce qui pouvait sembler ivresse sacrée. Non que Hegel eut "tort" d'écarter les concessions molles auxquelles des esprits vagues eurent recours de son temps. Mais à confondre l'existence et le travail (la pensée discursive, le projet), il réduit le monde au profane : il nie le monde sacré (la communication)

Quand l'orage que j'ai dit se fut calmé, ma vie connut un temps de moindre dépression. Je ne sais si cette crise acheva de fixer mes démarches, mais dès lors elles avaient un objet premier. Avec une conscience claire, je me vouai à la conquête d'un bien inaccessible, d'un "graal", d'un miroir où se refléteraient, jusqu'à l'extrémité de la lumière, les vertiges j'avais eus.

Je ne lui donnai pas de nom tout d'abord. D'ailleurs je m'égarai bêtement (peu importe). Ce qui compte à mes yeux : justifier ma sottise (et non moins celle des autres), ma vanité immense... Si j'ai vaticiné, mieux encore, je m'inscris légèrement pour cela. Entre les droits qu'il revendique, l'homme oublie celui d'être bête; il l'est nécessairement, mais sans droit et se voit contraint de dissimuler. Je m'en voudrais de rien vouloir cacher.

Ma recherche eut d'abord un objet double : le sacré, puis l'extase. J'écrivis ce qui suit comme un prélude à cette recherche et ne la menai vraiment que plus tard. J'insiste sur ce point qu'un sentiment d'insoutenable vanité est le fond de tout ceci (comme l'humilité l'est de l'expérience chrétienne)
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Le silence est lui même un pinacle et mieux le saint des saints.
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Je veux bien qu'on entende plus rien, mais on parle, on crie pourquoi ai-je peur d'entendre aussi ma propre voix ? Et je ne parle pas de peur, mais de terreur, d'horreur.
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Je dirais l'occasion d'où ce rire est sorti : j'étais à Londres (1920) et devais me trouver à table avec Bergson; je n'avais alors rien lu de lui (ni d'ailleurs, peu s'en faut d'autres philosophes); j'eus cette curiosité, me trouvant au British Muséum je demandai le "Rire" (le plus court de ses livres); la lecture m'irrita, la théorie me sembla courte (là-dessus le personnage me déçut : ce petit homme prudent, philosophe!) mais la question, le sens demeuré caché du rire, fut dès lors à mes yeux la question clé (liée au rire heureux, intime, dont je vis sur le coup que j'étais possédé), l'énigme qu'à tout prix je résoudrais (qui résolue, d'elle-même résoudrait tout). Je ne connus longtemps qu'une euphorie chaotique. Après plusieurs années seulement, je sentis le chaos - fidèle image d'une incohérence d'être divers - par degrés, devenir suffocant. J'étais brisé, dissous d'avoir trop ri, tel, déprimé, je me trouvai : le monstre inconsistant, vide de sens et de volonté que j'étais me fit peur.
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Je suis fidèle en parlant de fiasco, de défaillance sans fin, d'absence d'espoir.
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De personnages divers que successivement je suis, je ne parle pas. Ils n'ont pas d'intérêt ou je dois les taire. Je suis mon propos - d'évoquer une expérience intérieure - sans avoir à les mettre en cause. Ces personnages, en principe, sont neutres, un peu comiques (à mes yeux). En rapport avec l'expérience intérieure dont je parle, ils sont privés de sens sauf en ceci qu'ils achèvent ma disharmonie.
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L'impuissance crie en moi (je me souviens) un long cri intérieur, angoissé avoir connu, ne plus connaître.
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Mais je fais l'épreuve amère de l'"impossible". Toute vie profonde est lourde d'"impossible". L'intention, le projet détruisent.
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Blanchot me demandait : pourquoi ne pas poursuivre mon expérience intérieure comme si j'étais le "dernier homme" ? En un certain sens... Cependant je me sais le relfet de la multitude et la somme de ses angoisses. D'autre part si j'étais le dernier homme, l'angoisse serait la plus folle imaginable (...) Mais l'expérience intérieure est conquête et comme telle "pour autrui"!
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Le tiers, le compagnon, le lecteur qui m'agit, c'est le discours. Ou encore : le lecteur est discours, c'est lui qui parle en moi, qui maintient en mi le discours vivant à son adresse. Et sans doute le discours est projet, mais il est davantage encore cet "autre", le lecteur, qui m'aime et qui déjà m'oublie (me tue), sans la présente insistance duquel je ne pourrais rien, je n'aurais pas d'expérience intérieure.
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