C’est chez les animaux que la séduction prend la forme la plus pure, dans le sens que la parade séductrice semble chez eux comme gravée dans l’instinct, comme immédiatisée dans des comportements réflexes et des parures naturelles.
Il faut aimer pour séduire, et non l’inverse. La séduction est une parure, elle fait et défait les apparences, comme Pénélope fait et défait sa toile et le désir lui-même se fait et se défait sous sa main.
Ce qui tue les gens et les fatigue, c’est le sens qu’ils donnent à leurs actes – or la séductrice n’accorde pas de sens à ce qu’elle fait, elle ne supporte pas le poids du désir.
La séduction vise toujours la réversibilité et l’exorcisme d’une puissance. Si la séduction est artificielle, elle est aussi sacrificielle. La mort y est en jeu, toujours il s’agit de capter ou d’immoler le désir de l’autre.
Toute la séduction consiste à laisser croire à l’autre qu’il est et reste le sujet du désir, sans se prendre elle-même à ce piège. Elle peut aussi consister à se faire objet sexuel « séduisant » si le « désir » de l’homme est celui-là : la séduction passe aussi bien à travers la « séduisance » – le charme de la séduction passe à travers l’attrait du sexe. Mais justement, il passe à travers, et le transcende.
L’amour même et l’acte sexuel peuvent redevenir traits de séduction, pour peu qu’ils soient repris dans la forme écliptique de l’apparaître/disparaître, c’est-à-dire dans la discontinuité du trait qui coupe court à tout affect, à tout plaisir, à toute relation, pour réaffirmer l’exigence supérieure de la séduction, l’esthétique transcendante de la séduction en regard de l’éthique immanente du plaisir et du désir. L’amour même et l’acte de chair sont une parure séductrice, la plus raffinée, la plus subtile de celles qu’invente la femme pour séduire l’homme.
Séduire, c’est fragiliser. Séduire, c’est défaillir. C’est par notre fragilité que nous séduisons, jamais par des pouvoirs ou des signes forts. C’est cette fragilité que nous mettons en jeu dans la séduction, et c’est ce qui lui donne cette puissance.
Être séduit, c’est être détourné de sa vérité. Séduire, c’est détourner l’autre de sa vérité.
Il n’y a pas de temps de la séduction, ni de temps pour la séduction, mais elle a son rythme, sans lequel elle n’a pas lieu. Elle ne se distribue pas comme le fait une stratégie instrumentale, qui chemine par des phases intermédiaires.
C’est dans le secret que se noue la séduction, dans cette lente ou brutale exténuation du sens qui fonde une complicité des signes entre eux, c’est là, plus que dans un être physique ou la qualité d’un désir, qu’elle s’invente. C’est aussi ce qui fait l’enchantement de la règle du jeu.