Alors, elle avait planté là l’explorateur – qui avait semblé ravi de se retrancher dans une remise pour s’occuper de l’extraction du miel tout seul – et s’était précipitée jusqu’à sa couchette, sur laquelle elle s’était jetée, tremblante, comme ces héroïnes de soap opera après avoir appris que leurs maris étaient en réalité leurs demi-frères, qu’elles croyaient morts, vingt auparavant, dans un accident de voiture le long d’un virage traître d’une route de Californie.
Poly n’avait aucune idée de quoi dire ou faire pour alléger la tension. Elle n’avait jamais été une grande experte des relations sociales, plus la reine des petites phrases qui installaient des silences gênés durant les dîners familiaux. Alors, face à un jeune homme des années quarante, sur une île mystérieuse peuplée d’aventuriers de toutes les époques, d’un chevalier en armure, de mouettes roses, d’une faune et d’une flore belliqueuse et, a priori, d’un dragon, il ne fallait pas trop lui en demander.
-Tu n'es pas grosse, insista Simon. Nigel ! Dis-lui qu'elle n'est pas grosse !
Demander au gars qui me méprise. Excellente idée.
-Tu n'es pas grosse du tout. J'aime bien les femmes grosses et je ne t'aime pas.
Euh... Merci ?
Cela semblait à la fois si logique et tellement absurde.
Elle avait l’impression de croire en la magie.
Mais tout ce qui lui était arrivé, jusqu’à présent, était en parfaite adéquation avec cette explication.
– Tu te rappelles, quand on a exploré le fond du jardin, que tu as vu des fées, et que ton père t’a dit que tu étais trop vieille pour croire à ces bêtises?
Elle fit la moue avant de réponde :
– Oui.
– Je veux que tu retournes dans le jardin, tous les jours, et que tu cherches encore des fées. Je veux que tu penses à moi en le faisant, et que tu te rappelles que tu ne seras jamais trop vieille pour rêver. Ne deviens pas une de ces tristes petites filles sérieuses pendant mon absence, promis?