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De temps en temps, il y a encore d'irréductibles fans du livre qui montent de nouvelles librairies, de nouvelles maisons d'édition ou de nouvelles associations. En l'occurrence, à l'automne 2018, c'est une maison d'édition qui se monte autour d'un nouveau roman d'Isabelle Bauthian au titre alléchant, Face au dragon !

Une nouveauté un peu particulière
Face au dragon est ainsi le premier des Projets Sillex. Cette maison d'édition se fonde sur un credo attrayant : rémunérer davantage ceux qui sont à la base de la filière du livre, les auteurs. En cela, ils espèrent « faire des étincelles » et peut-être apporter leur contribution, notamment au mouvement #PayeTonAuteur encore très porteur cette année. Pour lancer cette publication, hors les services de presse envoyés ça et là (dont nous faisons partie, merci à eux), c'est par un financement participatif que ça se passe : d'ailleurs, même si ce roman est désormais certain d'être publié et diffusé, le financement participatif (via leur site, c'est important de le souligner) se poursuit jusqu'à la fin novembre 2018. Ce roman d'Isabelle Bauthian semble avoir particulièrement attiré leur attention, pour commencer par celui-ci : l'autrice, très reconnue en bande dessinée (Alyssa, Versipelle, Je ne me suis jamais sentie aussi belle, etc.), s'est lancée dans une série de fantasy chez ActuSF (Anasterry, Grish-Mère) et passe ici à la littérature jeunesse/young adult.

Un casting restreint, mais pêchu
Face au dragon compose un casting de cinq personnages principaux : le preux Olri, la débrouillarde Menine, l'explorateur Nigel, le serviable Simon et l'ingénue Poly(xène). C'est cette dernière la véritable héroïne et qui nous fait découvrir le décor un peu particulier du roman. Mal à l'aise à l'école et globalement dans son rapport aux autres, nous trouvons Poly déprimant et se minant. Errant dans la forêt près de chez elle, elle ne reconnaît plus son chemin (qu'elle connaît pourtant par coeur) et émerge dans un lieu boisé qui lui est inconnu. Sans accès au réseau, sans davantage de repères connus, Poly se fait surprendre par une bête et seul un jeune homme lui vient en aide. Celui-ci lui part d'un camp, d'une île… Bref, très vite dans l'action et dans l'étrange, le roman nous emmène à la suite de Poly dans un monde parallèle au nôtre où elle rencontre ce petit groupe de survivants tels les naufragés de la série Lost. Comme cela nous est dévoilé extrêmement vite, leur premier intérêt est qu'ils viennent tous d'époques différentes, au point d'être très complémentaires. le tableau est complet quand l'héroïne comprend qu'elle se trouve bien dans un endroit « autre » habité par un bestiaire légèrement différent du nôtre…

Un roman plutôt young adult, voire pour adolescents
Avec sa couverture chatoyante et son héroïne engagée, Face au dragon se casera facilement sur les rayons littéraires dits « young adult ». Comme parfois dans cette littérature, les genres sont volontairement mélangés : ici, le début fait penser à un roman fantastique puisqu'on doute franchement de la réalité, puis on émerge dans un monde de fantasy où le dragon nous guette, et finalement la résolution pointe vers la science-fiction, même si toutes les réponses ne sont pas tout à fait dévoilées. L'histoire se veut très pédagogique, puisqu'un bon nombre d'action mène à des enseignements de bons sens, bien utiles, sur l'intérêt de connaître son propre corps, sur l'énorme avantage de collaborer avec ses semblables plus que de vouloir les dominer, sur bien d'autres choses encore, ce qui en fait sous bien des aspects un bon roman initiatique. Dans cette perspective, l'autrice se permet, et c'est agréable, d'aborder par petites touches quantité de sujets contemporains (racisme, sexisme, violence sociétale plus ou moins contenue, etc. ; pas trop féminisme par contre dans ce roman-ci) sans débarquer avec de trop gros sabots. Certains lecteurs pourront pointer certaines longueurs dans quelques dialogues, une fois passé le milieu du roman ; toutefois, c'est aussi une façon choisie pour que, davantage que l'action, l'intrigue tente continuellement de nous ramener vers la réflexion avant le combat. Même si es fils de l'intrigue peuvent se deviner une fois ce constat fait, la résolution est intéressante, parce qu'elle laisse tout de même des sujets à interprétation concernant l'existence de ce petit îlot particulier.

Face au dragon est donc une découverte intéressante, rafraîchissante et qui devrait donner de bonnes idées aux lecteurs young adult.

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Je n'ai pas hésité une seconde quand on a m'a proposé ce service presse pour plusieurs raisons, l'autrice de ce roman que je voulais découvrir et surtout le projet d'édition qui est très intéressant, et veut valoriser le rôle des auteurs et autrices en leur offrant une meilleure rémunération que celle offerte par le circuit éditorial classique. Pour cela, les instigateurs de ce projet ont recourt à un financement participatif sur un site dédié que voici : Projet Sillex. Je vous invite fortement à aller le voir, tout y est clairement expliqué et très bien fait. Pour le roman de lancement du projet, le roman choisi est signé Isabelle Bauthian, autrice de plusieurs scénarios de BD et de deux romans de fantasy (Anasterry, Grish-Mère qui a obtenue le prix Elbakin.net 2018 catégorie meilleur roman fantasy français).
Une pincée de fantasy, du fantastique et une énigme

Regardons maintenant de plus près ce roman qui sera uniquement disponible pendant la campagne de financement (du 8 octobre au 23 novembre 2018) et dont la couverture est signée Qistina Khalidah. le roman mélange de très belle manière plusieurs ingrédients appartenant à différents genres: on y trouve un dragon, de l'aventure, des mystères et une énigme qui tient le lecteur en haleine. Tout commence pourtant simplement, de nos jours, Poly, jeune fille moderne, intelligente mais pas très bien dans sa peau, est en vacances dans un village où elle a passé de nombreux été. Suite à une dispute malencontreuse, elle part se promener en forêt. Ses pas vont alors la mener vers un étrange sentier puis un endroit encore plus étrange: une île au milieu de nulle part. Non, nous ne sommes pas dans la série Lost, rassurez vous. Heureusement, Poly n'est pas seule sur cette île mystérieuse et va rejoindre 4 autres jeunes gens, prisonniers comme elle de cette île. Cependant, la vie en communauté n'est pas évidente, surtout quand les personnes ne viennent pas de la même époque.

Voici le point de départ du récit qui fait un peu penser à un escape game où 5 personnes sont coincées sur une île étrange et doivent trouver comment en sortir. Et une des possibilités de sorties serait peut-être de tuer un dragon qui vient de temps à autre sur l'île. Comme dans un escape game, les 5 personnages issus de milieu différent vont devoir mettre leurs qualités en avant et se transformer en aventuriers prêts au combat. le mélange d'aventures et de surnaturel fonctionne très bien et on se laisse facilement prendre au jeu. le style très fluide de l'autrice contribue à rendre le roman très immersif et on a du mal à lâcher le roman une fois commencé.
Des thématiques et des personnages fouillés

Outre son univers intéressant et immersif, le roman est aussi porté par ses personnages qui sont très travaillés. Il ne faut pas se fier au fait que ce soit des jeunes adultes pour penser que l'on va retrouver des personnages clichés. Au contraire, ils sont tous différents, attachants, avec des qualités, des peurs. le fait que chaque personnage vienne d'une époque différente allant du Moyen-Âge à la Seconde Guerre Mondiale, renforce cette mise en valeur des personnages. En effet, chacun a connu une jeunesse très différente, et a été plus ou moins marqué par son passé. Ils vont être amenés à devoir collaborer, à s'entendre pour essayer de s'en sortir, à développer l'esprit d'entre-aide, ce qui n'est pas facile pour tout le monde. L'autrice nous offre ainsi une belle galerie de personnages, variés et intéressants.

À travers ses personnages, Isabelle Bauthian aborde des thèmes assez durs comme la guerre, le viol, le harcèlement, la perte de souvenirs, de repères, de ce qui fait un humain. On trouve aussi au coeur de ce roman une volonté de mettre en avant la tolérance, le courage, et l'intelligence. le récit est vraiment intelligemment mis en scène et tout en nous prenant dans ses filets, nous fait réfléchir à beaucoup de choses.

Face au dragon est donc un roman mélangeant judicieusement l'aventure et le surnaturel en mettant en avant les qualités de courage et d'intelligence. Les personnages sont fouillés, et les thèmes abordés nombreux et durs, mais traités avec sensibilité. Alors laissez vous prendre au jeu et embarquez pour une aventure vers l'inconnu, vous ne devriez pas regretter le voyage!
Lien : https://aupaysdescavetrolls...
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Pour les spécificités du Projet Sillex, passez sur le blog ;)

Et si on parlait un peu de la première publication maintenant ? J'ai eu la chance de recevoir un exemplaire de l'épreuve non corrigée du livre, un des seuls exemplaires déjà en circulation, merci Projet Sillex ! La couverture réalisée par Qistina Khalidah est juste magnifique, et la compréhension qu'on en a évolue au fil de la lecture. Je ne connaissais pas encore l'auteure Isabelle Bauthian, mais j'avais déjà entendu beaucoup parler d'elle avec ses deux précédents ouvrages : Anasterry et Grish-mère. J'étais donc ravie d'avoir l'opportunité d'enfin découvrir son travail !

Poly vient de gifler la fille de qui elle est le souffre-douleur depuis des années. Ce n'est pas une réaction qu'elle aurait eue normalement, mais là, elle n'en pouvait plus. Alors qu'elle s'enfuit dans la forêt pour trouver refuge et calme, elle ferme les yeux un instant et lorsqu'elle les ouvre à nouveau, elle ne reconnait plus le paysage. La faune et la flore se liguent contre elle et elle ne doit son salut qu'à sa rencontre avec Simon, qui va la mener dans un camp de fortune où d'autres rescapés se trouvent.

Poly va découvrir ses compagnons d'infortune et cela va lui réserver quelques surprises : ils sont 3 garçons (Olri, Nigel et Simon) et une fille (Menine) à venir d'époques différentes. Ce détail entraîne des problèmes, notamment sur la compréhension que chacun a du monde. Par exemple, Poly a la peau noire et les cheveux teints en rouge et cela va créer des réactions inattendues chez les habitants de l'île : Menine va la croire magique alors que Nigel la considère comme une personne inutile et faible. J'ai beaucoup aimé la façon dont l'auteure travaille les relations entre les différents personnages. Bien sûr, elles évoluent au fil du roman, mais d'une façon très naturelle, avec des tensions et des crises bien sûr, mais aussi des rapprochements et des moments très forts et touchants. C'est une très belle leçon sur les relations humaines et la force d'une amitié sincère.

Poly n'a rien d'une héroïne : c'est une jeune fille intelligente, qui croit aux sciences et aux faits. Elle n'a cependant pas confiance en elle car elle n'apprécie pas son physique et qu'elle est atteinte de dyspraxie (maladresse aiguë pour faire court), ce qui ne l'aide pas lors des nombreuses activités physiques. Les dangers sur l'île sont nombreux et cette maladresse la met en danger, ainsi que ses compagnons. Elle va devoir apprendre à se battre et surtout à tuer pour survivre. Il va lui falloir beaucoup de courage pour faire face aux mystères de l'île et dépasser ses capacités, et cette force, elle la puise aussi dans sa relation avec ses compagnons. C'est un personnage très vrai, avec ses qualités et ses défauts, et surtout un caractère bien à elle !

Et l'île dans tout ça? On ne sait pas comment les jeunes y sont arrivés, mais elle ne semble pas avoir d'issue. Sa faune et sa flore sont très dangereuses et il a fallu de nombreuses expérimentations au plus ancien pour savoir ce qui était comestible ou non. Heureusement pour eux, l'île a un étrange pouvoir de guérison qui soigne les maux très rapidement. Mais est-ce que ce bienfait vient sans contrepartie? Leur campement est fait à partir d'éléments naturels et des rares objets que les jeunes gens portaient sur eux à leur arrivée. L'auteure y présente une nature sauvage et hostile, décalée par rapport à ce que nous connaissons, et peuplée de créatures étranges. D'ailleurs, Olri est persuadé grâce à un ancien livre qu'il faut tuer le dragon qui apparaît lorsque quelqu'un arrive sur l'île pour pouvoir en sortir.

J'aurais très envie de vous parler de la fin, que j'ai trouvée très réussie, mais je ne vais évidemment pas le faire pour ne pas vous spoiler. :D

Une île étrange et pleine de mystères sur laquelle cinq compagnons essaient de survivre et surtout de s'enfuir. Une quête qui semble impossible. Des liens puissants se créent et rendent chacun plus fort, plus confiant. Une très belle histoire portée par un très beau projet éditorial !
Lien : https://livraisonslitteraire..
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Connaissant déjà la fantasy adulte d'Isabelle Bauthian, je partais assez confiant. Là on a un texte plus young adult qui mélange les genres, mais franchement sympa, j'ai passé un très bon moment de lecture.
Au final, je n'ai pas eu toutes les réponses aux mystères posés et pourtant sur-teasés, mais plus important que l'intrigue principale on voit bien que ce sont les personnages, leurs développements, leurs interactions et les messages qu'ils véhiculent qui semblent intéresser l'autrice, et c'est très bien mené et très chouette à lire.
C'est plus du côté éditorial que le bas semble blesser un peu : des coquilles régulières et approximations de mise en page à déplorer... Des petits détails corrigibles qui n'entravent pas la lecture mais qu'on remarque quand même. Mais c'est chouette de voir un si jeune éditeur, au projet éditorial très intéressant, publier ce genre de texte et de le faire exister dans le monde du livre, félicitations à eux !
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Découvert il y a peu à l'occasion de sa sortie en poche, une belle intrigue réussie, des personnages efficaces, tout m'a emballée, dans ce roman où des jeunes de différentes époques se retrouvent ensemble à faire clan. C'est juste, sans sexisme, et avec de bon morceaux d'aventure. Ah, si le/les éditeurs avaient mieux travaillé, je ne parlerais pas de ces quelques stupéfiantes fautes de français qui plombent le récit de temps à autre. Quand une phrase n'est pas compréhensible parce qu'il manque le verbe ou le sujet (et non, ce n'est pas une recherche stylistique) la lecture perd de sa saveur.
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C'est pas mal, mais, avec un peu plus de synthétisme, ça aurait pu être un roman beaucoup plus efficace.

J'ai beaucoup apprécié Poly, notre héroïne, qu'Isabelle Bauthian fait vivre avec maîtrise sur le papier. Sa voix particulière d'ado complexée mais intelligente est réussie, et c'est vraiment ce qui m'a attirée dans le roman.

J'ai trouvé la gestion des interactions entre cette française noire du 21ème siècle et les autres jeunes de l'île venant d'époques différentes réalisée de manière très sensible et intelligente. C'est, je pense, la force de Face au Dragon. Les autres personnages secondaires sont d'ailleurs bien réalisés, avec chacun leurs secrets, révélés au fur et à mesure.

Puis, aussi, ce qui est addictif, c'est le mystère de cette île : où sont-ils ? Pourquoi ? Quel dragon ? Comment sortir ? Les questionnement sont suffisamment efficaces pour m'avoir tenue en haleine tout du long.

Bref, ça aurait pu être une découverte vraiment sympa.

Mais ce fut lonnnnnng, très lonnnnng. Je pense que le roman pourrait être au moins 25% plus court, et n'en aurait été que plus percutant. Poly pense beaucoup. Par là je veux dire : ses pensées représentent bien 50% de la narration, et, certes cela correspond au personnage, mais cela ralentit beaucoup le rythme. J'en venais à sauter des pages sans que ma compréhension de l'intrigue en soit altérée.

De même, certaines scènes sont répétitives, avec les mêmes conflits qui se répètent sans changement. D'autres ne m'ont pas parue très utiles et aurait pu, à mon avis, être carrément supprimées sans changer l'intégrité de l'histoire.

Enfin, j'ai trouvé la conclusion pas très satisfaisante. Les explications du mystère de l'île sont très limitées et pas très claires à mon goût (en frôlant parfois le "ta gueule c'est magique"). Mais bon, ça, à la limite, ça n'est pas le plus dérangeant.
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On suit Poly qui s'agace toute seule au fin fond de la forêt après avoir giflé une camarade de classe. Elle va se perdre et se retrouver sur une île à la faune inconnue...
Mon avis
Un roman surprenant qui nous permet de suivre plusieurs jeunes gens pris au piège d'une île aux particularités surnaturelles. Mais que se passe-t-il dans ce huis clos ?
J'ai apprécié de suivre Poly, Olric, Nigel, Simon et Ménine, des personnages fort différents mais fort attachants. En mode survie en milieu hostile, ils s'en sortent plutôt bien.
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A chaque fois qu'une amie m'offre un livre, je me fais inévitablement la même promesse : celle de le lire le plus rapidement possible. En apparence, une résolution qui semble plutôt simple à réaliser. Mais bien sûr, inévitablement, il y a toujours quelque chose pour m'empêcher de tenir cette promesse : un service presse impromptue, une lecture commune oubliée, une crise de migraine, l'arrivée inopinée du cousin ou encore un devoir urgent à rendre … Et c'est horriblement frustrant, d'avoir atrocement envie de découvrir un livre, et de devoir sans cesse en repousser la lecture ! Et c'est d'autant plus frustrant quand le résumé est fort prometteur, et que vous pressentez au fond de vous-même que ledit livre va être un coup de coeur : alors même que la raison ne cesse de vous rappeler qu'il y a plusieurs auteurs et éditeurs qui comptent sur votre retour pour un service presse, qu'il y a des copinautes qui vous attendent pour débuter une lecture commune, que l'échéance de votre plus gros devoir de l'année approche à grands pas, vous ne pouvez pas vous empêcher de lorgner ce livre qui semble vous faire signe dans la bibliothèque. Alors, à force de l'imaginer sautiller en secouant ses petits bras de papier pour attirer votre attention, vous finissez par craquer : après tout, décaler une autre lecture de quelques petits jours, ce n'est pas bien grave, n'est-ce pas ?

Poly ne serait sans doute pas d'accord avec moi : Poly est une jeune fille très raisonnable, très rationnelle, très mature pour son âge, qui « arrive toujours aux bonnes conclusions » (selon sa mère) et ne laisse jamais, ô grand jamais, ses émotions prendre le dessus. du moins, pas en temps normal. Car après des années et des années à subir passivement le harcèlement de cette bimpèche de Marion, face à une remarque plus méchante et blessante que toutes les autres réunies, Poly a craqué : elle lui a mis une baffe. Sans réfléchir. Mais surtout, et cela la choque plus encore qu'avoir agi sans réfléchir, sans le moindre remord. Tandis qu'elle quitte précipitamment les lieux, sous les regards éberlués et quelque peu apeurés du petit troupeau d'adolescents, Poly n'a en réalité qu'un seul regret : celui de ne pas avoir réagi plus tôt, celui d'avoir toléré toutes ces années ces insultes sans mot dire, celui de s'être écrasée face à cette horrible gamine adulée de tous. Laissant derrière elle son premier acte de bravoure – et de violence, ne cesse de lui répéter la petite voix désapprobatrice dans sa tête –, Poly va se réfugier en forêt, aux alentours des ruines du vieux château. Ce n'est que lorsqu'une bête qui ne ressemble absolument à rien de ce qu'elle connait lui saute dessus que Poly se rend compte … qu'elle n'est absolument pas là où elle aurait dû être. Pour percer les mystères de cet endroit énigmatique et hostile, et surtout pour comprendre comment en sortir, Poly ne peut compter que sur sa plus grande fierté : cette fameuse faculté à « arriver si vite aux bonnes conclusions ». Mais cela suffira-t-il ?

Un roman qui commence de façon relativement classique : nous faisons la connaissance d'une adolescente un peu différente (trop grande, trop intelligente, trop empotée ... trop noire) qui subit, qui encaisse, quotidiennement les moqueries et les insultes des autres jeunes, sans jamais se révolter, sans jamais contre-attaquer … Jusqu'au jour où sa rivale de toujours prononce la phrase de trop, cette horrible goutte qui fait déborder le vase. Tout comme Poly (en qui je me reconnais beaucoup, même si j'espère être un tantinet plus débrouillarde qu'elle), je ne suis pas violente de nature, mais il faut bien reconnaitre que je n'ai pas pu m'empêcher de songer que Marion n'a eu que ce qu'elle méritait … Dans le sens où les mots font parfois et souvent tout aussi mal, si ce n'est plus, que les coups, et que nul ne peut être attaqué constamment sans finir par se rebiffer un jour où l'autre. C'est une réaction purement instinctive, viscérale, lorsque notre inconscient se rappelle que l'être humain est un prédateur et non pas une proie, et qu'il a de quoi se défendre plutôt que de sans cesse fuir se terrer loin du danger. C'est un peu comme si notre corps prenait soudainement le contrôle pour éliminer la menace, avant même que l'esprit ait eu le temps d'analyser posément la situation et de décider comment il faut réagir … Pour Poly, c'est le choc : elle qui ne fait jamais rien sans peser le pour, le contre, sans anticiper les conséquences, elle qui est si fière d'être plus mature que les autres et de ne jamais répliquer, voilà qu'elle vient d'agir comme une véritable écervelée …

Alors Poly s'enfuit. Elle s'en défend, bien sûr, elle a besoin de croire qu'elle est plus forte que cela. Mais Poly s'enfuit. Elle ne fuit pas Marion et ses suiveurs, Marion et ses mots savamment choisis pour faire le plus mal possible. Non, Poly fuit sa propre réaction, elle fuit la marque rouge sur la joue de Marion, la preuve qu'elle a baissé la garde et s'est abaissé à gifler une autre fille comme n'importe qu'elle chiffonnière. Et plus encore, elle fuit le plaisir qu'elle a pris à le faire, la fierté qu'elle a ressenti en se rebellant, pour la première fois de sa vie. Poly est à la fois fière et honteuse de son comportement, fière de découvrir qu'elle a la force de faire face à ses adversaire, honteuse d'avoir cédé à la violence. A vrai dire, Poly ne sait plus vraiment où elle en est … et elle ne sait plus non plus où elle est. Sa seule certitude, lorsqu'elle relève enfin les yeux après cette fuite, c'est qu'elle n'est clairement pas là où elle s'attendait à être. Se pourrait-il qu'après s'être égarée à la violence, elle se soit également perdue dans une forêt qu'elle explore depuis sa plus tendre enfance ? Que lui arrive-t-il donc ? « Heureusement » pour elle, il s'avère finalement que non, elle n'y est pour rien … mais ce n'est pas forcément une bonne nouvelle. Car Poly doit faire face à l'impensable, à l'inconcevable pour une jeune fille rationnelle comme elle : la voici prisonnière d'une île jalousement gardée par un dragon, en compagnie de quatre autres jeunes ... dont un chevalier du Moyen-Age, une paysanne du seizième siècle, un maquisard et un explorateur dandy du dix-neuvième siècle.

Une fois encore, Poly ne réagit pas exactement comment elle l'aurait espéré : elle s'était toujours dit que s'il lui arrivait quelque chose d'anormal, elle saurait garder la tête sur les épaules et analyser la situation avec rigueur et sang-froid. Mais Poly est tout simplement incapable d'accepter ce que lui affirment ces compagnons d'infortune : ce n'est tout simplement pas possible, c'est un mauvais rêve, ou bien une mauvaise blague. Elle ne peut pas réellement être coincée sur une île surgie de nulle part, aux côtés d'un chevalier (certes séduisant et sympathique) persuadé qu'il va tuer le dragon à l'aide d'une Bible et d'une potion ! C'est impossible. Et pourtant … Si l'obstination de la jeune fille à nier l'évidence peut agacer, elle n'en reste pas moins terriblement humaine : on a beau s'en défendre, on réagirait très assurément comme elle. Et c'est bien là ce que j'ai le plus apprécié dans ce récit : il est juste. Poly n'est pas une héroïne, c'est une adolescente de notre époque comme toutes les autres, quand bien même elle a toujours affiché ouvertement, peut-être pour se rassurer, qu'elle est différente. Elle avait besoin de croire qu'elle valait mieux que les autres, besoin de s'en convaincre, car elle manque en réalité cruellement en confiance en elle. Elle se dévalorise encore plus que les autres ne la dévalorise. Et alors même qu'elle déteste qu'on lui fasse remarquer sa maladresse … elle est la première à se cacher derrière sa dyspraxie pour justifier qu'elle est inutile, incapable.

Et que ça nous plaise ou non, on est parfois comme elle : on s'offusque quand on pointe du doigt une de nos particularités, mais quand celle-ci peut nous apporter des « avantages » (ne serait-ce que pour se faire plaindre), on n'hésite pas à la brandir haut et fort … Et bien sûr, on condamne l'hypocrisie chez les autres, ce qui est quelque peu le comble de l'hypocrisie, sur le coup ! Ce qui fait le plus peur à Poly sur cette île, finalement, ce n'est donc pas le dragon qui ne vient que de temps en temps, ce n'est même pas les singes à grandes dents ou les sables mouvants … C'est qu'elle est bien obligée de se confronter à elle-même. Elle ne peut plus faire l'autruche et continuer à croire qu'elle est irréprochable. Elle est bien obligée d'admettre qu'elle est certes la première à clamer haut et fort que la discrimination, c'est mal … mais qu'elle est aussi la première à juger les autres, à les prendre de haut quand ils ne correspondent pas aux « critères » selon laquelle une personne est digne de respect selon elle … Poly est bien forcée de reconnaitre ses propres défauts … mais aussi ses propres forces, ce qui est peut-être plus difficile encore. Pour survivre et sortir de cette prison, nos cinq compagnons d'infortune ne doivent donc pas seulement apprendre à s'entendre (voire même à s'apprécier), ils doivent également accepter de tout remettre en question, en particulier eux-mêmes, pour se faire enfin confiance à eux-mêmes et en leurs capacités. Car pour devenir soi-même, il ne faut pas seulement prendre conscience de nos limites, de nos faiblesses, des mensonges qu'on se fait à soi-même, il faut aussi être prêt à reconnaitre qu'on est capable de faire bien plus que ce qu'on imaginait.

Ma chronique étant déjà outrageusement longue, même si je n'ai pas dit la moitié de ce que je souhaitais dire, je pense que je vais m'arrêter là car, vous l'aurez bien compris, c'est un roman incroyablement profond, puissant, pour lequel j'ai inévitablement eu un énorme coup de coeur ! On est vraiment dans un récit fort atypique malgré les apparences, pour la simple et bonne raison que c'est un récit à la limite du contemplatif : il y a beau avoir quelques passages de grande tension avec de l'action et du suspense, on est avant tout dans une quête existentielle et initiatique. L'accent est mis sur les relations entre les différents personnages, mais aussi et surtout sur les blessures et les rêves de chacun, sur ce qu'ils voulaient être, sur ce qu'ils regrettent d'avoir été, sur ce qu'ils sont réellement. C'est un récit qui appelle, certes, à la tolérance envers les différences d'autrui, mais qui invite aussi et surtout à l'acceptation de soi, pour le meilleur et pour le pire … Alors bien sûr, certains regretteront assurément qu'on n'en sache pas plus sur le pourquoi du comment de l'île et du dragon, certains regretteront surement les quelques longueurs ou la précipitation du dénouement … mais ce ne sont que des détails pour les lecteurs qui ne cherchent qu'à pinailler, qu'à chipoter. Car ce n'est finalement pas le plus important. le plus important, c'est que c'est un récit particulièrement saisissant, poignant, bouleversant même, qui aborde avec douceur et justesse des réalités très dures, qui transmet de beaux messages sans jamais être moralisateur ou condescendant. C'est beau, c'est fort, que demander de plus ?
Lien : https://lesmotsetaientlivres..
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Premier texte d'Isabelle Bauthian que je lis, j'ai ouvert ce livre en m'attendant à une aventure de fantasy épique pour finalement me retrouver dans un huis clos fantastique et survivaliste.

Pourtant, loin d'être déçue, j'ai tout de suite été happée et n'ai pas décroché de l'histoire avant la dernière page, fascinée par les secrets de l'île et les liens entre les personnages.

Une très bonne surprise !

[...]

La force (et le coeur) de ce roman réside dans ses personnages, leur évolution et leurs relations. Car, finalement, bien que l'histoire se déroule en plein air, elle a tout d'un huis clos, avec ses protagonistes contraints de vivre ensemble, sans possibilité de communiquer de quelque manière que ce soit avec l'extérieur.

Sont donc enfermés ensemble :

Poly, l'héroïne qui va nous faire vivre l'histoire à travers ses yeux, est une jeune fille de 17 ans intelligente, dyspraxique, adoptée et renfermée sur elle-même.

Simon est un jeune résistant du XXème siècle plein d'empathie et à la langue bien pendue. Accueillant et drôle, c'est lui qui trouve Poly à son arrivé sur l'île et lui également qui va l'aider à s'adapter à sa nouvelle vie. Cependant, Simon garde pour lui un secret qu'il refuse de partager.

Nigel est un gentleman britannique du XIXème siècle, à mi-chemin entre le savant et l'aventurier. Il est par ailleurs raciste et misogyne.

Menine est une solide paysanne du XVIème siècle, indépendante et joyeuse. Enjôleuse et moqueuse, elle aime la vie et les autres.

Olri est un preux chevalier du Moyen Age. Chef par défaut du groupe, il s'est donné pour mission de terrasser le dragon afin de retourner chez lui et épouser celle qu'il aime.

Forcément, avec une telle galerie, les frictions ne vont pas manquer. Par exemple, l'arrivée de Poly, jeune fille d'origine éthiopienne, provoque quelques remous : Nigel râle, peu ravi de la venue d'une personne qu'il considère comme inférieure sur tous les plans, et Ménine, fascinée par la couleur de sa peau, la submerge de questions.

[...]

Si les personnages sont le moteur de l'histoire, l'île en est le carburant. Autant alliée qu'ennemie, elle constitue avant tout un mystère.

Elle est l'ennemie, car elle abrite de nombreux dangers, notamment le dragon, adversaire personnel d'Olri, qui apparaît à chaque fois que le portail avec la Terre s'ouvre pour empêcher les adolescents de s'échapper.

Elle est alliée car elle soigne ses occupants, les guérissants des blessures infligées et des poisons ingérés. Elle leur permet également de communiquer dans une langue commune.

Elle est mystérieuse car les adolescents ne savant pas ce qu'elle est, ni comment elle fonctionne. S'en échapper relève de la résolution d'une énigme aux multiples inconnus.

[...]
Lien : https://vaisseaulivres.wordp..
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🤓 Polyxène est une adolescente assez maligne qui, pour une raison mystérieuse, se retrouve sur une île étrange. Les animaux et les plantes y sont dangereux et pour survivre elle va devoir s'allier aux jeunes gens déjà présents. Ils prétendent venir d'époques différentes et affirment qu'un dragon est le gardien de cette étrange prison.

🖤 J'ai adoré ce roman. Il m'intriguait depuis longtemps, attendant gentiment dans ma PAL que je daigne m'intéresser à lui. Et ce fut une belle découverte ! Ce livre traite avant tout de survie, de confiance, de résilience, de racisme, de féminisme...

✒️ La plume de l'autrice est fluide et agréable, les protagonistes évoluent au fil de l'histoire et chacun va devoir faire preuve de communication et de tolérance, leur survie en dépend. Teintées de gris, les personnalités s'affirment, se heurtent et se retrouvent pour s'unir face à une menace commune.

✨ le mystère omniprésent est fascinant et on se demande parfois si on aura les réponses aux questions que l'on se pose... J'ai aimé chacun des personnages, j'ai aimé l'univers créé par l'autrice et j'ai été très satisfaite de la fin écrite. C'est un livre que je vous recommande !
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