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Critiques filtrées sur 5 étoiles  
Il est difficile, voire impossible, ai-je entendu dire, d'éditer la totalité de la correspondance de Madame, princesse Palatine : d'abord parce que l'océan de lettres dont elle a couvert toute l'Europe couronnée a souffert des pertes, incendies et autres catastrophes ; ensuite, parce qu'elle s'exprime en des langues diverses, parfois mélangées, où le français, l'allemand s'affrontent et se mélangent. C'est du moins ce que j'ai entendu. Ce recueil, nécessairement partiel, présente le meilleur (selon l'anthologiste) de la correspondance de Madame, et le comique, la truculence et la verve de ce qu'on y trouve font regretter de ne pas en avoir plus à lire. Elle s'obstine à admirer Louis XIV qui a fait détruire son pays natal, le Palatinat, à haïr "la vieille s..." Mme de Maintenon, son épouse secrète, et raconte avec naturel ses journées à Versailles du vivant du Grand Roi, ou à Paris après 1715. Parmi mille exemples, on citera cette lettre où elle se vante d'avoir trouvé le remède souverain contre l'insomnie : se faire transporter dans l'église d'un couvent où elle a ses entrées et assister au sermon. Ordre de ne pas la déranger pendant qu'elle dort, comme un loir, au son de la voix du prêtre.
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Elisabeth-Charlotte, fille de l'électeur du Palatinat, dite Liselotte (1652-1722), est l'épouse de «Monsieur», titre du frère de Louis XIV, Philippe, duc d'Orléans, père de la branche d'Orléans (dont est issu Louis-Philippe) et ancêtre des dynasties belge, luxembourgeoise, bulgare, etc.
«Madame» est son titre, comme première dame après la mort prématurée de l'épouse de Louis XIV. Elle arrive à 19 ans à la cour de France, venant de Mannheim et Heidelberg, villes qu'elle eut le chagrin de voir plus tard sauvagement saccagées et pillées par les troupes de Louis XIV. Les ruines du château de Heidelberg en témoignent encore, comme «ce pauvre Mannheim, qui a couté tant de soins et tant de peines à mon père». Namur eut plus de chances, les troupes françaises devant lever le siège.
Iphigénie sacrifiée, «Madame» doit épouser un homosexuel qui lui fit certes des enfants, dont le futur régent, mais qui la laisse dans le dénuement, dépensant son temps et son argent avec ses mignons, y compris l'héritage de sa femme: «Monsieur a fait fondre toute l'argenterie qui est venue du Palatinat, et il en a distribué l'argent à ses mignons... (L'un) «est le c... le mieux payé que l'on puisse trouver sur terre... Ce qu'on lit dans la Bible sur la façon dont se passaient les choses à Sodome et Gomorrhe n'est rien à côté de la vie qu'on mène à Paris. Sur neuf jeunes gens de qualité qui dînaient il y a quelques jours avec mon fils, sept avaient le mal français... (Ils disent) que depuis Sodome et Gomorrhe, Dieu n'a plus puni personne pour ce motif». À 44 ans, «Madame», épouse délaissée, écrit «Si l'on peut recouvrer sa virginité après n'avoir pas pendant dix-neuf ans couché avec son mari, pour sûr, je suis redevenue vierge». Autre remarque désabusée: «Les princesses sont encore en état de prendre des maris, mais c'est ce que je ne leur souhaite pas, car je crois que le meilleur mariage ne vaut pas le diable».
C'est Louis XIV et non son mari qui lui donne de temps à autre un peu d'argent. Sa vie de princesse cloitrée est morne et résignée. Les moindres détails de sa vie sont décidés par d'autres. Les bals l'ennuient, comme les mêmes comédies qu'elle voit jusqu'à cent fois. «Rabâchages. On chante uniquement les vieux opéras de Lully. Il m'arrive souvent de m'endormir en les écoutant», mais elle s'endort partout:
(20.2.1695) «C'est un grand honneur d'être à côté du roi, au sermon, mais je céderais volontiers ma place car S. M. ne veut pas me permettre de dormir; sitôt que je m'endors, le roi me pousses du coude et me réveille». (16.3.1695) «Présentement, le roi me laisse de nouveau dormir au sermon».
Ses lettres sont ouvertes. Les espions sont partout. Tout décès est suspect d'empoisonnement. Les rumeurs, les disputes, les jalousies, les cancans, les intrigues et les querelles de préséance sont légion, notamment avec les «bâtard(e)s» de Louis XIV qu'il veut placer.
Louis XIV eut de multiples maitresses et un médecin «à qui l'on demandait pourquoi les enfants de la reine n'étaient pas sains répondit: C'est que le roy n'apporte que la rinsure de ses veres à la reine».
Malheureuse et désabusée, «Madame» témoigne de son quotidien dans ses lettres, sa principale occupation, surtout à sa famille palatine et à Leibnitz (plus de 60.000 lettres en plus de 50 ans, de 1672 à sa mort en 1722, dont 1/10ème a subsisté), envoyées de St Germain, Fontainebleau, Versailles, Port Royal, Meudon, Rambouillet, St Cloud, Paris, Marly et Trianon, au gré des déplacements décidés par le Roi. Les historiens parlent souvent des intrigues à la cour de France. Ici, on quitte l'abstraction pour les cas concrets vécus au jour le jour. «Je vois tant de vilaines choses que cela me dégoute de la vie».
Selon son contrat de mariage, à sa mort, elle aurait dû aller au couvent ou au château de Montargis, mais Louis XIV la garda à la cour. Elle mourra à St Cloud, à 70 ans, après un demi-siècle d'une forme de captivité.
«Madame» s'entendait bien avec le roi, avec qui elle chassait souvent, mais pas avec Mme de Maintenon, qu'avec son franc-parler, elle appelle la «vieille ratatinée» et le plus souvent la «vieille ordure» Ainsi, «Les ministres, pour la plupart, n'étaient que des créatures de la vieille ordure... (qui) s'entend à la guerre comme mon chien Titi».
Elle était révoltée par la débauche à la cour. Convertie au catholicisme à cause de son mariage, elle a la nostalgie de la religion de son enfance. Elle lit la Bible assidument, mais fustige les prêtres et leurs éloges de Louis XIV qui persécute ses anciens coreligionnaires protestants alors que la religion est «instituée pour entretenir l'union entre les hommes... Ce n'est pas pour ça qu'il (Dieu) les a mis sur le trône... C'est une chose bien fâcheuse que les prêtres fassent que les chrétiens soient obligés d'être à couteau tiré les uns vis-à-vis des autres. Les trois religions chrétiennes... devraient se considérer comme n'en formant qu'une et (considérer) uniquement si l'on vit selon l'Évangile... Il me fâche de voir des gens qui professent la même religion être tellement ennemis, se haïr et se persécuter... Si tous les hommes étaient de la même religion, évêques et prêtres n'auraient plus rien à dire». (Le Roi devrait) «les forcer à s'en tenir à leurs prières sans se mêler d'autre chose» Quant aux femmes, ce n'est que lorsque «elles ne sont plus d'âge à avoir des amants, elles deviennent dévotes». À propos d'Adam et Êve, «Qu'avait-il besoin de leur défendre de toucher à un arbre, et ensuite d'étendre sa malédiction à tous ceux qui n'avaient pas péché, puisqu'ils n'étaient pas nés». Elle s'insurge aussi contre les «querelle d'évêques» à propos des piétistes, des jésuites, des jansénistes, des quiétistes, comme de la querelle Fénelon-Bossuet. Les prêtres «font maintenant comme les docteurs et les apothicaires, c'est-à-dire s'arrangent de manière à s'entendre seulement entre eux, sans que personne autre puisse les comprendre». le roi «croit tout ce que disent les prêtres et les faux dévots». «Les couvents sont tellement remplis de vices et de débauche qu'on frémit d'horreur rien que d'y songer... Une jeune nonne entendit parler de viols et quelque temps après, demanda à l'abbesse: Ma révérende mère, quand violera-t-on donc?». «Une fille [la duchesse de Berry] n'a pas honte de procurer à son père une jolie femme de chambre, afin qu'il se montre indulgent quant à ses propres débauches. La mère laisse faire pour qu'on lui passe quelques frasques à elle aussi». Quant au futur régent, «c'est malheureux que tous les bâtards de mon fils soient des garçons, et ses enfants légitimes, des filles». Et à propos de la marquise de Richelieu, «horriblement débauchée... un jour, elle se mit dans le lit de M. le dauphin sans qu'il l'eût priée, pour coucher avec lui. Quand il entra dans sa chambre... il alla vers le lit, et coucha avec elle, mais le lendemain, il le raconta à tout le monde». Pour conserver leurs positions à la cour et ne pas être mutés, prêtres et évêques ferment les yeux et se rabattent sur des querelles théologiques auxquelles personne ne comprend rien.
Autre sujet de ces lettres: les remèdes qu'on s'envoie d'une cour à l'autre pour soigner ses maux: «Poudre de milady de Kent», «Eau de Westphalie», etc., car les médecins ne connaissent que la saignée, au point qu'à la mort de la Trémoille, «quand on l'ouvrit, on n'a découvert d'autres causes de sa mort que celle-ci: il n'avait plus une goutte de sang dans les veines».
En résumé, un témoignage de la vie pas si heureuse, à la cour du Roi, pas si Soleil que ça.
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Le récit (épistolaire) de la princesse palatine, belle soeur du Roi Soleil (elle épouse Monsieur, frère du Roi, dont la première épouse était décédée dans des circonstances troubles, auquel on prêtait des amours masculines, et qui lui donnera un fils, Philippe, passé dans l'histoire, en tant que Régent de France, comme un homme de transition annonçant les lumières mais se complaisant dans une débauche scandaleuse pour l'époque) est un chef d'oeuvre d'observation fine des phénomènes de cour , souvent peu reluisants. Avec l'acuité d'une entomologiste, elle décrit les relations de pouvoirs, les petitesses et bassesses dans lesquelles se compromettent les différents protagonistes de la Cour à Versailles, sans jamais se départir de la grandeur qu'elle pense être la sienne, issue de son rang auquel elle est très attachée. La mésalliance de Louis avec la Maintenon ("la vieille guenon" selon ses termes, qui la fâcheront définitivement avec le Roi Soleil) métra à rude épreuve la très haute estime dans laquelle elle tient le sang bleu...Passé ces vues datées, le livre reste un témoignage extraordinaire de la vie à la Cour du Roi Soleil où Charlotte Elisabeth conjugue un humour rare et une insolence de bon ton qui font défaut dans les mémoire de Saint Simon dont l'envie et l'aigreur altèrent parfois le jugement.
Un excellent livre très distrayant et remarquablement écrit.
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Il m'aura fallu plus d'un an pour finir ces lettres, non pas parce qu'elles étaient ennuyeuses mais bien parce que j'ai préféré les savourer : il m'a été très agréable de passer chaque soir quelques minutes en compagnie de la princesse palatine, cette femme souvent très drôle (en témoigneront les nombreuses citations que j'ai postées ici), parfois touchante, parfois trop fière, dont le point de vue d'étrangère à la cour de Louis XIV (façon Lettres Persanes de Montesquieu) est un excellent témoignage de la vie de cour de la fin du XVIIe au début du XVIIIe. Je conseille vraiment la lecture de ce recueil à toutes celles et ceux qui ont un jour rêvé d'être prince ou princesse ou ont des enfants qui en rêvent aujourd'hui, parce qu'être une vraie princesse, tout particulièrement à la cour du Roi Soleil, n'a absolument rien d'un conte de fées !
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Une femme passionnante, consciente de son époque et de son statut, mais à la fois moderne et pleine d'humour. Cette princesse qui va tous les jours à la messe doute fortement de l'existence de Dieu, et, délaissée par son mari homo, se demande si au bout d'une vingtaine d'années de chasteté elle n'est pas redevenue techniquement vierge. Il est particulièrement intéressant de comparer son récit et celui de Saint-Simon sur des évènements comme le mariage du duc d'Orléans.
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Le site Babelio ne prenant pas les images dans ses critiques, merci de bien vouloir consulter la fiche de cette passionnante correspondance à l'adresse ci-dessous :

http://notabene.forumactif.com/journaux-memoires-et-correspondances-f17/lettres-princesse-palatine-t102.
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j'étais un amateur de la collection "le temps retrouvé". J'aime particulièrement l'élégance et la sobriété des couvertures. mais quand Gallimard a voulu relancer cette collection, il l'a trivialisé, format poche, couverture criarde. je ne m'y retrouve plus.
Passé mon accès de mauvaise humeur, les lettres de la Palatine pour me remettre. Saint-Simon en a donné une célèbre description pour le mariage de son fils. Elle déboule comme une furie, le gifle, pleure, se réconcilie. Quel personnage alors que l'étiquette rigoureuse régnait à Versailles.
Elle se savait laide et n'en faisait pas un drame; Au contraire. Elle était peine d'Esprit, cet art de la conversation qui tuait plus surement qu'un mousqueton. Même Saint-Simon qui avait la dent dure la respectait à sa façon.
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