Mort d'un magicien

C’est là que se trouve, pour moi, toute la beauté de la photo en noir et blanc. Cette façon de réduire les êtres à leur essence, de faire tomber le masque, de montrer le débat interne entre le bien et le mal.

J’aurais pu être cassée de partout, on aurait pu me violer, me sodomiser, que sais-je. Et le pire, c’est que le risque existe encore, parce que je n’ai aucune envie d’obéir à des injonctions si grossières. Mais maintenant je vais faire très attention. Je ne risque plus de me laisser surprendre. Le seul vrai embêtement, c’est l’appareil. Évidemment j’en ai plusieurs autres, mais le Contax et moi, nous vivions en osmose.

Je suis en pleine forme, j’ai envie de bouger, je ne sais pas pourquoi, peut-être à cause de cette apparition dans la rue. Je suis un peu esseulée aussi, j’aimerais me retrouver au milieu d’un groupe de gens que j’aime bien, boire et parler avec eux, j’adorais ça quand j’avais vingt ans. Ça me manque. En fait, ce qui me manque le plus, bien entendu , c’est d’avoir quelqu’un à aimer, quelqu’un que je serre dans mes bras, qui me serre dans les siens, quelqu’un que je pourrais embrasser à loisir.

En fait ce style de vie me heurte, je préfère l’austérité à la profusion, le noir à l’or. Elle aime la haute couture, moi ce sont les jeans. Je finis par me rappeler tout de même que ce n’est pas le sujet. C’est surtout son pâle mari qui m’intéresse, celui que j’ai surpris dans le quartier du Canyon à la recherche d’une aventure masculine et juvénile.

En vérité, je n’ai jamais couché avec une femme mais si je ne l’ai pas dit carrément c’est que je préfère éluder la question pour ne pas entrer dans le jeu des confidences. Elle s’est beaucoup dévoilée ce soir, elle m’a montré de quoi elle était capable, de manipuler les gens, de nouer des alliances par opportunisme, elle peut agir sous l’empire de la colère, de l’ambition, de la soif de reconnaissance. Quant à moi, je suis sûre de ne pas avoir montré que mon meilleur profil non plus. Mais je me rappelle soudain l’un des préceptes de ma prof d’arts martiaux, Rita Reese : Ne jamais présenter son visage tout entier à l’adversaire.

Je deviendrai l’héroïne de la bande, l’un de ces flics dont on parle dans les journaux, dont l’opinion se préoccupe, en qui elle a confiance. Si je reste dans la police, les postes élevés deviennent accessibles. Si je n’y reste pas, je finis dans la politique assez facilement. »

On sent palpiter là toute une jeunesse qui déborde d’énergie sexuelle. Les gens prudes ne supportent pas, justement à cause de ça. C’est l’énergie qui les agace, et la liberté qu’elle suppose. Moi, je crois qu’ils ne détestent pas les homosexuels à cause de leurs pratiques horizontales. Ce qu’ils ne supportent pas, c’est qu’ils s’amusent autant.

Papa est le type le plus méticuleux que je connaisse, un homme d’une rigueur parfaite, dès qu’il s’agit de biens, d’argent, de toutes les démarches et procédures à suivre : de l’automobile à la fabrication du pain, c’est un maniaque. Il paie ses factures le jour même. Il calcule ses impôts au centime près. Il rembourse ses dettes le plus vite possible. Il rend scrupuleusement ce qu’on lui prête. Il ferme les portes derrière lui, il range ses papiers, il m’a inculqué le respect de la vérité et de la parole donnée.

On dit que San Francisco appartient à tout le monde. Pas seulement aux gens qui y vivent, mais aux visiteurs qui viennent de partout l’admirer. La ville sur la baie. La reine du Pacifique. La ville des Lumières. La perle de la côte Ouest. C’est aussi la ville de tous les déséquilibres, celle de la luxure, de l’artifice. Pour Conan Doyle, c’était la ville du rêve et elle possédait tous le charme d’un objet littéraire. John Steinbeck en parlait comme d’une « acropole blanc et or, dressée sous le ciel bleu du Pacifique ».

...je pense plutôt à mon infirmité, à mon incapacité de voir les couleurs et à toutes les légendes qui s’y rattachent. On prétend, par exemple, que seuls les garçons en sont atteints et qu’ils héritent cela de leur mère. En fait, le gène responsable, comme dans le daltonisme, est plus fréquent chez les hommes, et la mère peut le transmettre par son chromosome X. Si la mère est porteuse et si le père est affecté par l’anomalie, alors leur fille peut très bien hériter du gène anormal par ses deux chromosomes X et développer l’anomalie à son tour.