Citations sur S.P.Q.R. (41)
Dans l'un des traits sarcastiques les plus cités du monde romain, le satiriste Juvénal, qui écrivait à la fin du Ier siècle, prenant la « populace de Rémus » pour cible de son mépris, prétendait que celle-ci ne voulait que deux choses : "panem et circenses", « le pain et le cirque ». Comme en témoigne la popularité dont jouit encore cette phrase de nos jours, c'était une manière brillante de caractériser défavorablement les horizons limités de la multitude, présentée ici comme la descendance du jumeau assassiné : elle ne s'intéressait qu'aux courses de chars et aux distributions alimentaires au moyen desquelles les empereurs la corrompaient et la dépolitisaient.
Ce que l'affrontement de l'an 133 revelait de façon spectaculaire, c'était un désaccord sur la nature du pouvoir populaire. Quand Tiberius persuada le peuple de voter la destitution du tribun qui s'opposait à lui, son argument tenait en quelques mots : « Si le tribun de la plèbe ne sait plus ce que la plèbe veut, alors il doit être déposé. » C'est un débat familier dans les systèmes électoraux de notre temps. Les membres du Parlemen doivent-ils être considérés comme des délégués de ceux qui les ont élus, et tenus en tant que tels de suivre la volonté de leur électorat ? Ou bien ne sont-ils pas plutôt leurs représentants, élus pour exercer leur propre jugement dans les circonstances changeantes qui échoient au gouvernement ? Pour autant que nous puissions le savoir, c'était la première fois que la question se posa explicitement à Rome, et la réponse n'était pas plus aisée à donner qu'aujourd'hui.
On aurait du mal a imaginer l'histoire romaine sans se figurer Néron "occupé" à jouer de la lyre pendant que Rome brûle" (plus précisément, pendant que la cité était réduite en cendres, en 64, sous l'effet d'un immense incendie), ou en train de formenter le meurtre de sa mère avec, pour instrument du crime, un bateau préparé pour qu'il se disloque dans l'eau - mélange particulier d'ingéniosité , de cruauté et d'absurdité -, ou encore de torturer des chrétiens en les accusant d'avoir mis le feu à la Ville - première manifestation de la nouvelle religion.
Ceux qui paraissaient faibles ou infirmes étaient "exposés", ce qui souvent signifiait qu'ils étaient jetés dans le dépotoir local.
La corruption, l'extorsion de fonds et le tourisme sexuel faisaient l'objet des protestations publiques ; des adversaires politiques étaient régulièrement accusés de s'uy livrer et on s'en servait comme d'arme efficaces pour détruire des carrières.
Il est vrai que la culture romaine accordait à la victoire militaire un prix considérable - chose à laquelle nous ne sommes pas à l'aise.
Le mot moderne "candidat" dérive d'ailleurs du latin candidatus, qui signifie "blanchi" et désigne les toges particulièrement blanches que les Romains portaient durant les campagnes électorales pour impressionner les électeurs.
Nous avons également reçu d'elle une partie de notre vocabulaire politique, puisque nous parlons toujours, notamment, de "sénateurs" et de "dictateurs".
Les empereurs romains et leurs conseillers ne parvinrent jamais à résoudre le problème de la succession. Ils furent mis en échec en partie par les aléas de la biologie, en partie par les incertitudes et les désaccords sur la meilleure manière de constituer l'héritage impérial. Au bout du compte, telle qu'elle advenait, la succession résultait toujours d'un mélange de chance, d'improvisation, de manoeuvres, de violence et d'accords secrets. Le moment où le pouvoir devait être transmis était toujours celui où il était le plus vulnérable.
L'assassinat de Caius fut un cas particulièrement sanglant de changement de régime, mais la transmission du pouvoir impérial à Rome était souvent meurtrière. Bien que la longévité des empereurs soit, en moyenne, impressionnante (quatorze souverains en près de deux cents ans sont une preuve de stabilité), les successions donnaient lieu à des accès de violence et à des accusations de traîtrise.