Citations sur S.P.Q.R. (41)
C’est là que la fameuse louve nourricière se porta à leur secours avant qu’ils ne soient emportés et noyés. Tite-Live était l’un de ces Romains que leur scepticisme poussait à vouloir rationaliser cet aspect particulièrement invraisemblable de la légende. Le mot latin lupa, qui nomme la louve, était aussi un terme familier servant à désigner les prostituées (d’où le mot lupanar, maison de prostitution, passé tel quel en français) : était-il possible qu’une de ces femmes, et non une bête sauvage, eût pu découvrir les jumeaux abandonnés et en prendre soin ?
En faisant appel au savoir-faire des savants alexandrins, César trouva une solution au problème et instaura l’année de trois cent soixante-cinq jours, un jour supplémentaire lui étant ajouté tous les quatre ans, fin février. La portée de cette réalisation, qu’il devait à sa visite en Égypte, fut d’une ampleur bien plus considérable que son badinage avec la reine Cléopâtre.
Sous le règne de l’empereur Néron, lorsque quelqu’un eut l’idée brillante de faire porter aux esclaves un uniforme distinctif, elle fut rejetée au motif que la population servile aurait alors vu la puissance de son nombre.
Mais le taux de mortalité important chez les très jeunes avait aussi des conséquences sur la condition des femmes et sur la taille des familles. Rien que pour maintenir le niveau de la population, chaque femme devait, en moyenne, donner naissance à cinq ou six enfants. En pratique, si l’on tient compte d’autres facteurs, comme la stérilité et le veuvage, il faudrait même parler de neuf enfants. Il n’y avait guère de quoi favoriser un vaste mouvement de libération des femmes.
C’est donc vers les conflits internes du pouvoir impérial que nous nous tournons à présent : le problème des successions, la place du Sénat et le statut − divin ou non − de l’empereur. Ils sont aussi importants pour la compréhension du système politique impérial que les colossales réalisations architecturales, les campagnes militaires et les largesses publiques des différents empereurs ; et bien plus importants que toutes les histoires de crimes, de conspirations ou de chevaux faits consuls.
Le panneau le plus « redoutable » montre une scène de sexe explicite, qu’il est difficile de bien lire aujourd’hui, des moralistes de l’époque moderne ayant mutilé l’image ; dans cet ordre de choses, il y a aussi un certain nombre de graffitis, notamment celui où l’on peut lire : « J’ai baisé la patronne » (déclaration factuelle, vantardise, insulte, il est impossible de le savoir), et plusieurs peintures montrant des clients jouant aux dés, probablement pour de l’argent.
L’histoire romaine continue de s’écrire, et n’a jamais cessé de s’écrire. À certains égards, nous savons plus de choses sur la Rome antique que n’en savaient les Romains eux-mêmes. En d’autres termes, l’histoire romaine est un travail toujours en cours. Ce livre représente ma contribution à ce vaste programme ; il propose ma vision de l’importance du sujet. Reprenant les initiales de la célèbre formule romaine Senatus Populusque Romanus, « le Sénat et le peuple romain », SPQR est animé par la curiosité personnelle que l’histoire romaine m’inspire, par la conviction qu’un dialogue avec la Rome antique continue de nous être utile, par le souci, aussi, de savoir comment un petit village parfaitement ordinaire du centre de l’Italie a pu devenir une puissance à ce point dominante, exerçant son autorité sur un vaste territoire déployé à travers trois continents.
On peut estimer de façon très approximative que les esclaves présents en Italie au milieu du Ier siècle av. J.-C. étaient entre 1,5 et 2 millions, ce qui veut dire qu'ils représentaient peut-être 20% de la population totale. Ils avaient tous pour caractéristique commune d'être la propriété d'un maître. Mais hormis cela, ils avaient des origines et menaient des existences aussi variées que les citoyens libres. Il n'y avait pas un seul type d'esclave. Parmi ceux de Cicéron, certains avaient été réduits en esclavage à l'étranger, à la suite de défaites militaires. D'autres étaient le fruit d'un commerce impitoyable qui tirait profit du trafic d'êtres humains aux marges de l'empire. D'autres encore, avaient été « sauvés » dans les dépotoirs où on les avait abandonnés à la naissance, ou bien ils étaient nés esclaves, mis au monde par des femmes esclaves dans la maison de leur maître.
Dans l'un des traits sarcastiques les plus cités du monde romain, le satiriste Juvénal, qui écrivait à la fin du Ier siècle, prenant la « populace de Rémus » pour cible de son mépris, prétendait que celle-ci ne voulait que deux choses : "panem et circenses", « le pain et le cirque ». Comme en témoigne la popularité dont jouit encore cette phrase de nos jours, c'était une manière brillante de caractériser défavorablement les horizons limités de la multitude, présentée ici comme la descendance du jumeau assassiné : elle ne s'intéressait qu'aux courses de chars et aux distributions alimentaires au moyen desquelles les empereurs la corrompaient et la dépolitisaient.
Ce sont les auteurs romains qui ont concu la meilleure critique du pouvoir impérial romain, en la mettant eux-mêmes dans la bouche des insurgés défaits par Rome.