Mais je n’hésite plus à répéter que la vie spirituelle est la manifestation d’un attachement extrême à la beauté du monde.
Seulement, j’ai ressenti que tout homme avait envers lui-même l’obligation sacrée d’accomplir, dans la mesure du possible, le talent particulier avec lequel il naît forcément et qu’en dépit de tout il devine dans les plus simples de ses gestes. Peut-être faut-il voir dans ce talent particulier, différent pour chacun, comme une signature de l’être, qu’il faut honorer.
… lorsqu’il s’agit de traduire avec un peu de vérité la complexité de la destinée humaine, il faut que les mots en reproduisent les remous, les reculs, les secousses, les variations et les perspectives.
Car l’art justement, en l’obligeant à rectifier l’existence, le ciel et les êtres, en le pressant en quelque sorte de recréer le monde, le forçait aussi à comprendre le réel. L’art formidable mécanisme de défense face à l’insoutenable, fut peut-être le plus puissant allié de la lucidité humaine. L’homme, avant qu’il ne se condamne si stupidement à l’extinction, aura donc été non seulement le seul animal à se chercher une raison d’être, mais le seul aussi habité par la quête de la beauté.
Plus le temps passe et plus je me persuade qu’écrire équivaut pour une bonne part à chanter. Les livres dont je me rappellerai seront ceux qui m’ont bercé. Tous les autres sont oubliables, parce que je ne parviens pas à en retrouver le refrain.
Cent fois l’idée m’est venue que la haine, la stupidité et la violence de l’espèce allaient être dans l’avenir significativement repoussées par notre combat contre l’ignorance, la pauvreté et l’incurie.