Docteur Sax, c'est à mettre sur le même rayon qu'Une saison dans la vie d'Emmanuel de Marie-Claire Blais car ces deux livres-litanies se répondent l'un à l'autre (puisant de nos afflictions et de nos manquements et de nos errances et de nos courbatures culturelles et de notre aliénation et de notre colonisation).
(J'aime bien toutefois ce que Jack écrit du coeur qu'il compare à un tube battant, très subtilement vulnérable, avec des brimborions d'artères et de veines, des alvéoles qui se ferment et « finalement, quelqu'un le mange avec un couteau et la fourchette de la méchanceté. » (...)
Kerouac était un écrivain, c'est-à-dire qu'il écrivait. De tous ceux qui se prétendent écrivains et qui ont leurs noms imprimés, il y a très peu d'écrivains et ils n'écrivent pas, et ceci réside dans ce fait, un toréador se bat avec un taureau, un matador à la con fait des véroniques sans taureau. L'écrivain est passé par là, il ne peut en être autrement. (William Burroughs)
Lors d'un colloque sur la littérature américaine, John Updike déplorait ce qu'il appelait la faillite de l'écrivain américain surestimant l'enfance. - Il disait : « Nous n'avons pas une littérature adulte. En Amérique, on a tendance à situer l'apogée de la vie beaucoup plus tôt : entre dix-sept et vingt ans. »
À trente ans, on peut figer l'enfance, il est tentant d'en faire le paradis perdu de son innocence et de sa pureté (...)
Jack, mais c'est Céline et qu'est-ce que Céline sinon l'envers de Proust?
Quoi de plus épais, dans sa longue et monotone description, que À la recherche du temps perdu de Marcel Proust? La force de l'oeuvre est dans son langage et dans l'immense patience de son créateur. - Les faits, en eux-mêmes, n'ont que peu de poids.
Et évidemment, je ne crois pas à l'autobiographie - Se souvenir est un parti-pris : de tout ce que tu laisses derrière toi, de la multitude de faits vécus, de l'onirisme qui est, fondamentalement, la grande force de l'enfance, que reste-t-il de tout cela quand tu décides, devant ta machine à écrire, de te raconter, de dire de quoi et de qui tu fus fait?
(...) les livres de Jack sont un serpent qui se mord la queue et pour aller droit au sujet, il faudrait que je coupe en plein milieu et qu'à l'aide de fiches roses ou vertes, je coagule la blessure (...)
Pourquoi passer des heures le nez dans un roman si jamais les mots ne vous renvoient à vous-même?