Citations sur Le Deuxième Sexe, tome 1 : Les faits et les mythes (235)
Il est le Sujet.
Il est l'Absolu.
Elle est l'Autre
« Il m’était plus facile de penser un monde sans créateur qu’un créateur chargé de toutes les contradictions du monde »
Mais la virginité n'a cet attrait érotique que si elle s'allie à la jeunesse ; sinon le mystère en redevient inquiétant. Beaucoup d'hommes d'aujourd'hui éprouvent une répulsion sexuelle devant des vierges trop prolongées ; ce n'est pas seulement pour des raisons psychologiques qu'on regarde les "vieilles gilles" comme des matrones aigries et méchantes. La malédiction est dans leur chair même, cette chair qui n'est objet pour aucun sujet, qu'aucun désir n'a faite désirable, qui s'est épanouie et flétrie sans trouver une place dans le monde des hommes ; détourné de sa destination, elle devient un objet baroque et qui inquiète comme inquiète la pensée incommunicable d'un fou. D'une femme de quarante ans, encore belle, mais présumée vierge, j'ai entendu un homme dire avec grossièreté : "C'est plein de toiles d'araignée là-dedans..." Et en effet, les caves et les greniers où personne n'entre plus, qui ne servent à rien, s'emplissent d'un mystère malpropre ; les fantômes les hantent volontiers ; abandonnées de l'humanité, les maisons deviennent la demeure des esprits.
D'abord l'idée de possession est toujours impossible à réaliser positivement ; en vérité, on n'a jamais rien ni personne ; on tente donc de l'accomplir d'une façon négative ; la plus sûre manière d'affirmer qu'un bien est mien, d'est d'empêcher autrui d'en user. Et puis rien ne semble à l'homme plus désirable que ce qui n'a jamais appartenu à aucun être humain ; alors la conquête apparaît comme un événement unique et absolu. Les terres vierges ont toujours fasciné les explorateurs ; des alpinistes se tuent chaque année pou avoir voulu violer une montagne intouchée ou même seulement pour avoir tenté d'ouvrir sur son flanc une nouvelle voie ; et des curieux risquent leur vie pour descendre sous terre au fond des grottes jamais sondées. Un objet que les hommes ont déjà asservi est devenu un instrument ; coupé de ses attaches naturelles, il perd ses plus profondes vertus : il y a plus de promesses dans l'eau indomptée des torrents que dans celle des fontaines publiques. Un corps vierge a la fraîcheur des sources secrètes, le velouté matinal d'une corolle close, l'orient de la perle que le soleil n'a encore jamais caressée.
Le goût des Orientaux pour les femmes grasses est de la même espèce ; ils aiment le luxe absurde de cette prolifération adipeuse que n'anime aucun projet, qui n'a d'autre sens que d'être là. Même dans les civilisations d'une sensibilité plus subtile où interviennent des notions de forme et d'harmonie, les seins et les fesses demeurent des objets privilégiés à cause de la gratuité, de la contingence de leur épanouissement. Les coutumes, les modes se sont souvent appliquées à couper le corps féminin de sa transcendance : la Chinoise aux pieds bandés peut à peine marcher, les griffes vernies de la star d'Hollywood la privent de ses mains, les hauts talons, les corsets, les paniers, les vertugadins, les crinolines étaient destinés moins à accentuer la cambrure du corps féminin qu'à en augmenter l'impotence. Alourdi de graisse, ou au contraire si diaphane que tout effort lui est interdit, paralysé par des vêtements incommodes et par les rites de la bienséance, c'est alors qu'il apparaît à l'homme comme sa chose.
Le couple heureux qui se reconnaît dans l’amour défie l’univers et le temps ; il se suffit, il réalise l’absolu
Cependant les contraintes les plus difficiles à vaincre sont celles que chacun rencontre en soi-même: c'est alors que l'aventure de la liberté est la plus incertaine, la plus poignante, la plus piquante
Comme l’a dit très justement Merleau-Ponty, l’homme n’est pas une espèce naturelle : c’est une idée historique. La femme n’est pas une réalité figée, mais un devenir
Personne n’est plus arrogant envers les femmes, plus agressif ou méprisant, qu’un homme inquiet pour sa virilité.
Mais il peut se faire au contraire que la technique annule la différence musculaire qui sépare l'homme de la femme : l'abondance ne crée e supériorité que dans la perspective d'un besoin ; il n'est pas mieux de trop avoir que d'avoir assez. Ainsi le maniement d'un grand nombre de machines modernes n'exige qu'une partie des ressources viriles : si le minimum nécessaire n'est pas supérieur aux capacités de la femme, elle devient dans le travail l'égale de l'homme.