L'Enfant chat

Avoir résisté à l'envie de mourir donne le droit d'aimer la vie. J'ai passé l'âge d'être triste, où l'on croit ne pas faire partie de l'univers. L'expérience change les soupirs en respirations.

J'ai beau pédaler lentement, ma passagère est terrifiée, malgré les sangles qui la maintiennent sur son siège. En tournant la tête je vois ses griffes enfoncées dans la tête de son koala, sa gueule hagarde sous le bonnet-chat azur confectionné au crochet par Wendy qui regrettait de devoir faire, "à cause des oreilles", un ouvrage démodé. Cette presque adolescente, peut-être nubile déjà, porte sans amertume des nippes, à condition qu'elles soient au goût du jour. Ne pas se laisser distancer par les temps qui courent. Etre dans le vent, d'où qu'il souffle.
Quand j'arrête devant l'école, S grince : "Conne !", ce qui est un comble. Je feins de n'avoir rien entendu.

On dit de la passion pour un animal : "C'est compensatoire." Mais tout est compensatoire; on a des enfants comme remèdes contre la condition mortelle, des amis faute d'absolu.

Soizic s'installe devant le feu, dispose somptueusement sa queue autour d'elle comme une dame d'antan son boa. S'étire. Queue sur l'oeil, devient pirate borgne.

Une pie, petite pythie, traverse le chemin : une pie malheur, deux pies bonheur, trois pies mariage, quatre pies baptême, cinq pies enterrement - d'où il s'ensuit que mariage, baptême et mort ne sont ni bonheur ni malheur, ces deux derniers restant mystérieux, indéfinissables.

Son père est l'écrivain belge Christian Beck- d'origines lettone et italienne-, ami et correspondant d'André Gide. Sa mère, kathleen Spiers, issue d'une riche famille irlandaise résidatnt à Paris, est actrice le soir et bibliothécaire le jour, à la Nationale, quand elle y rencontre son futur époux autour d'une passion commune pour Claudel. (p.7 / Valérie Marin La Meslée)

La mère herbe m'a apporté un chaton blotti dans son tablier, vrai patchwork qu'elle tenait relevé à deux mains. Elle a dit :"S'appelle Soizic" en clignant son oeil unique ... J'ai protesté. N'ayant pas de souris, je ne veux pas de chat.

On plaint les morts d'être morts, compassion stupide puisqu'ils ne peuvent se regretter mais le chagrin est une taupe qui creuse de plus en plus profondément.

Autrefois le troisième âge était celui des nourrissons à partir de six mois. Curieux renversement indiquant peut-être une retombée en enfance généralisée.

Drolatique tradition qui représente la mort par un squelette, à peu près comme la publicité montre des cochons vantant la succulence de leurs entrailles et des moutons réclamant telle moutarde pour accommoder leur cadavre.