AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
>

Critique de Marti94


Bien que je n'aime pas du tout le titre « En guerre » j'ai accepté de lire le dernier roman de François Bégaudeau dans le cadre d'une opération masse critique pour la rentrée littéraire de l'été 2018. Ce qui m'a motivée c'est le résumé en quatrième de couverture car je suis adepte des romans sociaux.
J'ai vraiment été touchée par ce livre dont la lecture a été un grand plaisir.
Au départ il y a un très beau travelling sur la ville où Romain et Louisa vivent dans des quartiers différents et dont le milieu social rend peu probable leur rencontre et encore moins une histoire amoureuse.
Louisa Makhloufi est une jeune femme courageuse qui doit son salut au travail qu'elle accepte dans des conditions très difficile, notamment à la préparation de commandes dans les entrepôts d'Amazon. Fille d'émigrés ayant vécu dans une cité et sans qualification, sa volonté est sa force vive qui la mène à vivre en lointaine banlieue pavillonnaire pour acquérir une maison. Boxeuse, elle a cette force d'accepter des emplois précaires sans baisser la tête comme sa mère a fait toute sa vie. Elle n'a aucune conscience politique contrairement à Romain Praisse qui est un jeune intellectuel lucide de la condition sociale des gens qui l'entourent, ceux de sa ville qu'il aimerait ouvrir à la culture. C'est son métier, il est animateur culturel et s'engage parfois sans hésiter en donnant du temps au mouvement Nuit debout par exemple. Il a fait des études supérieures, vit en centre-ville modestement, peu attaché aux choses matérielles.
J'aime beaucoup ces deux personnages pourtant très différents. D'ailleurs, alors que Romain a peur de s'engager avec une femme, Louisa vit en couple avec Cristiano Cunhal, outilleur à l'usine Ecolex.
Leurs histoires décrites en parallèle vont se rejoindre, centrés autour de la défense de l'usine. Car le premier traumatisme de la ville c'est l'annonce de la fermeture d'Ecolex et des licenciements. La lutte va s'organiser sans succès. On se croirait dans un livre de Gérard Mordillat qui n'a pas son pareil pour décrire les mouvements sociaux.
Si Louisa et Romain sont concernés directement ou indirectement par la situation, ils se rencontreront physiquement pour des faits tout à fait différents. Après le vol de son blouson, Romain ne peut plus rentrer chez lui. Il va se retrouver dans une boîte de nuit fréquentée occasionnellement par Louisa. L'attirance physique va dépasser leurs convictions qu'ils ne sont pas faits l'un pour l'autre. Ils vont devenir des amants passionnés. Pourtant Louisa était heureuse avec Cristiano, qui depuis son licenciement de l'usine est tombé dans la dépression. Elle a eu beau faire tout ce qui est en son pouvoir pour l'aider, leur vie est devenue cauchemardesque.
Romain et Louisa sont encore jeunes et ils ont besoin de donner un sens à leur vie. Leurs rendez-vous secrets vont les faire vibrer malgré la violence du monde, sur fond d'attentats de novembre 2015 ou lutte des sans-papiers abusés.
Malheureusement le drame personnel de Cristiano va l'amener au suicide. Drame personnel, drame social, tout cela se mélange pour un tableau sombre mais décrit toujours avec une pointe d'humour par François Bégaudeau. Il n'est pas cynique et sait parler des autres.
J'ai aussi aimé son texte ponctué de références. Il cite, entre autres, « Vous n'aurez pas ma haine » d'Antoine Leiris et fait un clin d'oeil à Signoret et Montand tout en se moquant des vendéens donc de lui-même.
Avec une tentative de révolte face aux riches qui déforment la ville, j'ai trouvé la fin du roman un peu fantaisiste mais j'aime beaucoup les happy ends alors j'ai refermé ce livre avec le sourire toujours convaincue que le titre n'est pas approprié. Pour moi, les protagonistes sont en colère, sont révoltés, sont violents mais ne sont pas « En guerre ».
Ceci-dit c'est vraiment un bon livre que je trouve particulièrement bien construit. A lire donc sans hésiter.

Ce livre m'a été offert par les éditions Gallimard dans le cadre d'une opération masse critique et je les en remercie.

Commenter  J’apprécie          124



Ont apprécié cette critique (8)voir plus




{* *}