Il me serrait fort, fort, fort. Et à mesure qu'il intensifiait son étreinte, je me sentais aimée, aimée, aimée. Comme s'il mettait dans cet étau plus que les mots ne pouvaient en dire. Parfois, la vérité commence là où la parole s'arrête.
Puisque la mort rode, vite vivons! Puisque le malheur nous guette, vite rions! Puisque l'amour existe, vite aimons!
La vie m'a appris que le bonheur n'est pas un état durable. Il fuit dès qu'on veut l'enfermer. Comme le désir, c'est un furet insaisissable. Avec une longueur d'avance, il court toujours devant nous. "Le bonheur est dans le pré. Cours-y vite. Il va filer". On n'en attrape que des bribes, comme la poudre d'une comète. Mais que la course est belle, galvanisante. Le chemin vers le Graal vaut plus que la saisie de l'objet, impossible de toute façon.
Certains parlent de papillons dans le ventre. Je me demande s'ils ont jamais désiré. Je veux dire : ressenti la violence d'un désir fort. Rien à voir avec le battement d'ailes de papillons. Pour ma part, cela ressemble davantage à des essaims de guêpes en furie, cherchant à se libérer et à foncer vers leur cible. Dans ma vie, quand j'ai désiré vraiment, j'ai eu l'impression d'une déferlante, d'un torrent furieux, indomptable, capable de m'emporter au-delà de toute raison. Oui, il m'est parfois arrivé d'éprouver un désir si puissant qu'il en était effrayant. Mais ô combien j'ai aimé ces moments où la peau palpite, où la chair vibre, où la vie pulse avec fracas dans tout le corps.
Alfred de Musset a écrit : "Et vous aurez vécu, si vous avez aimé". J'ajouterais : "Et vous aurez vécu, si vous avez désiré".
Les baisers sont des promesses. Une antichambre dans laquelle il fait bon patienter. Saturés d'un désir à nul autre pareil, que le passage à l'acte sexuel épuisera, ils sont parfois le moment le plus délicieux de l'amour. Il arrive que le désir, enserré dans un baiser, supplante en intensité la jouissance d'un orgasme. La force du désir tient à complexion. Elle implique un autre que soi. Pour jouir, une main droite, solitaire suffit. Pour désirer, autrui est requis. L'orgasme relève d'une certaine mécanique ; le désir d'un certain mystère, voire d'un certain art. Le premier sans le second est de peu de prix. Aujourd'hui, je sais combien j'ai attendu d'un homme qu'il me fasse désirer plutôt que jouir. A aucun je ne l'ai confié. Le demander en aurait sapé la possibilité même.
" A vingt ans, j'avais cru qu'une fois lancée dans la vie, je filerais le parfait amour pour toujours, que ma carrière professionnelle serait une sereine ascension. De ces espoirs, à trente ans, je ne gardais que le souvenir."
"Seuls les instants privilégiés d'une vie sont figés sur image. La banalité ou les désagréments du quotidien font rarement l'objet de clichés." p. 57
"Mais non, elle continua sa diarrhée verbale. Cette femme ne savait pas se taire. Peut-être par peur qu'on ne découvre le vide qui l'habitait. Mais on le percevait d'autant plus. Son caquetage s'avérait si creux." p. 49
Les couples qui durent ne sont pas ceux qui n'ont connu aucune épreuve, mais ceux qui ont su les surmonter ensemble.
Est-ce cela vieillir ? Se rendre compte que ses rêves sont restés accrochés à ses vingt ans ? C'était douloureux.