J'entrepris d'écrire, à l'intention de ma mère adoptive, une lettre de suicide, que j'enverrais peu avant de me donner la mort, dans trois jours, une semaine, un mois, je ne savais, mais enfin ce serait chose faite, je veux dire écrire cette lettre.
Tout se passa avec une atroce facilité. L'horreur et l'atrocité ne se disssumulaient plus, mais s'offraient à moi.
Je ne pensais pas à Michèle, pourtant la pensée de Michèle m'occupait tout entier.
Je me mis à suer comme une bête. La bière. Et une forte envie de pisser m’étreignit. J’allai me soulager. Je tirai la chasse. Hélas, elle n’aurait pas inquiété une fourmi malade rampant au fond de la cuvette. De pire en pire. Encore quelques semaines et les lieux d’aisance refouleraient les excréments dans la maison, où ils se répandraient et développeraient de nonchalantes et capricieuses figures, bien plutôt qu’ils ne les aspireraient droitement dans les entrailles de la terre.
Je tirai la porte de mon réfrigérateur délabré. En ruine. Miracle, elle s'ouvrit. Le réfrigérateur contenait en tout et pour tout deux bières. J'en empoignai une. Le moteur de l'engin, accablé lui aussi par la chaleur, s'épuisait en un vacarme grasseyant et irrégulier de mauvais augure. La rage impuissante de l'agonie
Je le remerciai du fond du coeur.
Si jamais tu étais tué, me dit-il d'un ton léger, je ne m'en remettrais jamais. Je lui répondis que moi non plus.
Les plaisanteries sonnaient décidément mal. Nous devions nous retenir de pleurer comme des veaux.
Silence terrifiant. Quelque chose vous tombait sur les épaules comme des hauteurs du ciel. Je sortis de la voiture, bouger dans ces conditions tenait de l’exploit forain, j’imaginai une foule terrassée par l’été, incapable d’applaudir, incapable d’exprimer son admiration apitoyée fût-ce par quelque éclat même fugitif des regards, l’éclat du soleil tuait tout. Une personne saine et enjouée, me dis-je, n’aurait pas fait ce que je faisais. Je devais avoir quarante de fièvre. Ou pas de fièvre du tout.
En sortant, j’étais méconnaissable. Anne aurait affaire à un autre homme en ce proche début d’après-midi, un autre homme vêtu comme un pape et fourni comme un nabab, puis j’oubliai Carrefour-Vénissieux, j’oubliai Anne aussi, à chaque heure, à chaque minute suffisait sa peine, avant c’était avant, après après, je repassai chez moi où je laissai blouson, chapeau, pipe, gants, sous-vêtements et victuailles, et me rendis aussitôt à mon rendez-vous avec Rainer von Gottardt.
Le diable nous emporte sournoisement avec lui,
Le diable nous emporte loiiiiiin de nos belles amies,
Nous nous saluâmes au même moment d’un geste de la main, le sien ample, très ample, à chasser les nuages s’il y en avait eu, depuis qu’il me savait seul dans l’appartement ses manifestations amicales devenaient plus intenses et moins brefs ses discours, et plus amples ses saluts lointains.