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Critique de Calimero29


Passionnée par le féminisme, ses thèses, ses évolutions, ses théoriciennes, ses actions depuis mes vingt ans (qui sont fort loin !) , je ne pouvais passer à côté de ce livre qui a, de plus, le mérite d'aborder un sujet qui a fort peu intéressé les féministes et qui, pour ce que j'en sais, n'a jamais fait l'objet d'un essai complet.
Je ressors très partagée de cette lecture passionnante, fort bien documentée et très engagée.
J'ai découvert des concepts qui m'étaient peu connus (les Pick Me, les Manic Pixie Dream Girls, les Karen, les Becky, le token ou le syndrome de la Schtroumpfette, la queen bee ou la reine des abeilles ) et dont, au passage, il est à noter qu'ils ont pratiquement tous été forgés aux États-Unis où la rivalité entre êtres humains semble être un marqueur social important.
Racha Belmehdi analyse les mythes qui ont construit l'image d'une femme fourbe, manipulatrice que les femmes ont intériorisée ce qui les rend méfiantes à l'égard de leurs congénères. Les femmes qui rentrent en rivalité avec d'autres, ont une image dépréciative d'elles-mêmes et les mythes ne sont pas les seuls responsables mais aussi la littérature, les arts, la science… Elle passe en revue de nombreux domaines de rivalités féminines : l'enfance où les petites filles cherchent à avoir l'amour exclusif de leurs parents, l'adolescence où le besoin de s'intégrer à un groupe passe parfois par la rivalité entre filles, la maternité où on se doit d'être la meilleure mère et condamner ce qui vous semble un comportement non maternel, le milieu du travail où les femmes en position de pouvoir sont parfois les pires cheffes à l'égard des autres femmes, la relation mère-fille où la mère peut se sentir dévalorisée par la jeunesse, la beauté de sa fille.
Pour elle, la rivalité a été construite et est maintenue par le patriarcat et le capitalisme dont elle fait un mot-valise, le patriarcapitalisme. Tant que les femmes se battent entre elles, le pouvoir des hommes n'est pas menacé. Même si cette explication est certainement vraie, elle est loin d'être la seule mais Racha Belmehdi n'en évoque aucune autre. Est-ce que le patriarcapitalisme a déjà fait son oeuvre lorsque de tout petits-enfants qui ne parlent, ni ne marchent encore, jalousent le jouet du voisin ou de la voisine ? La rivalité est-elle uniquement féminine ? N'est-elle pas très présente, bien que sous des formes différentes, entre les hommes ?
Tout un chapitre (22 pages) est consacré à ce que l'auteure nomme « le féminisme blanc bourgeois, outil d'oppression des femmes précaires et racisées ». Elle remet en cause et doute de l'honnêteté du féminisme des femmes blanches, aisées et instruites, en considérant qu'elles ne défendent qu'elles-mêmes, comme s'il fallait être prolétaire, de couleur pour porter des valeurs féministes. Je m'inscris totalement en faux contre ce discours de racisme inversé, ce mépris pour les luttes de toutes les féministes blanches, parfois au mépris de leur vie, depuis Olympe de Gouges, les suffragettes, Simone de Beauvoir, Simone Veil pour n'en citer que quelques-unes qui nous donnent la possibilité d'exercer des libertés essentielles (voter, travailler, avoir des enfants ou pas….). Racha Belmehdi se comporte ainsi comme ce qu'elle condamne, le rejet de femmes par d'autres femmes. Ces femmes ne seraient dignes d'intérêt que lorsqu'elles se seront « déconstruites » pour éradiquer leurs penchants capitalistes et leur racisme systémique !!! L'auteur prône l'empathie, la sororité mais ce paragraphe n'est que rejet, exclusion de tout un ensemble de femmes uniquement à cause de la couleur de leur peau.
Les derniers chapitres du livre sont consacrés à des conseils : s'écouter, se faire passer en premier, cultiver l'estime de soi car un sentiment d'infériorité ou d'insécurité peut conduire à une compétition féroce avec les femmes, ne pas se définir à travers un homme mais affirmer son identité (je note que la possibilité de garder son nom de jeune fille lorsqu'on se marie, geste symbolique chargé de sens, permet à la femme de ne pas diluer son identité dans celle d'un autre). Autant je suis assez d'accord avec ces conseils, autant je n'adhère pas à celui, donné par l'auteure, de se retrouver entre femmes, dans des espaces de non-mixité ; n'est-ce-pas en se confrontant à ce qui est différent que l'on s'enrichit ? La fermeture à l'autre, quel qu'il soit, ne fait que nous assécher.
Le discours est parfois abscons : "quand on veut empower une tranche de la population, le principe, c'est de ne pas imposer ses "coping mechanisms" de manière à silencier "l'empowerment" des autres"!!!, crypto-lesbienne, soul-cycle? rendant la compréhension un peu ardue.
Malgré mes divergences de vue avec Racha Belmehdi sur certains points, ce livre a suscité ma réflexion, m'a appris des choses, m'a profondément intéressée. Je remercie Babelio et les éditions Favre pour cette découverte.
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