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3,67

sur 184 notes

Critiques filtrées sur 3 étoiles  
Mohamed est venu en France en 1962 à la recherche d'un travail. Aujourd'hui l'heure de la retraite approche. Mohamed devrait être heureux, mais non, il considère "l'entraite" comme l'antichambre de la mort, d'autant plus qu'il se rend bien compte que le monde autour de lui a bien changé, il ne s'est jamais vraiment senti chez lui en France, ses enfants sont devenus des étrangers, même l'Islam plus qu'une foi est devenu un instrument de pouvoir ! Il va donc devoir s'inventer une nouvelle existence. Ça se passera au bled, il va y construire une "maison aussi grande que son coeur" pour y vieillir entouré des siens...

Mohamed m'a beaucoup agacé au début : trop parfait, trop de sagesse pour cet ouvrier analphabète...mais une fois le décor planté, la retraite effective, les failles apparaissent et Mohamed devient un personnage plus attendrissant et plus vraisemblable. de même la France et le Maroc du début du roman, véritables images d'Épinal, deviennent deux sociétés plus nuancées, il me semble que Tahar Ben Jelloun a très bien croqué les travers de ces deux sociétés.

L'écriture de Tahar ben Jelloun est toujours aussi agréable et fluide, son propos toujours aussi humain. C'est vrai que j'ai craint le pire dans les premières pages mais ce livre se révèle intéressant dans ses réflexions sur le sens de la vie, la France et l'immigration,les mutations de l'Islam, l'évolution de la cellule familiale...

3,5/5.
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Ouvrier marocain immigré en France, Mohamed voit arriver le moment attendu par tant de travailleurs : la retraite. Mais il se rend compte qu'il n'a aucune envie de s'arrêter, de quitter l'usine où il travaille depuis tant d'années. Il ne se considère pas comme vieux et a l'impression qu'il pourrait travailler encore dix ans.

"Arrêter de travailler, rompre un rythme acquis depuis une quarantaine d'années, changer ses habitudes, ne plus se lever à cinq heures du matin, ne plus passer sa blouse grise, s'adapter à une nouvelle vie, changer de peau, de mentalité, faire mal à ses vieilles habitudes qui lui servaient de béquilles, qui lui donnaient ses repères, arrêter de travailler c'est apprendre à s'ennuyer gentiment, apprendre à ne rien faire sans tomber dans la tristesse."

Alors le jour où il doit s'arrêter, il décide de rentrer au pays, comme d'autres l'ont souvent fait avant lui, et de construire une immense maison dans laquelle il pourra accueillir tous ses enfants. Ces derniers, nés en France, ne lui ont pourtant rien demandé et nous assistons avec tristesse au déclin de ce vieil homme qui se construit des châteaux en Espagne pour occulter le vide qu'est sa vie.

Le récit est construit comme un long monologue de Mohammed, qui en profite pour passer sa vie en revue, de son arrivée en France à la naissance des enfants en passant par toutes ces vacances qu'ils passèrent au bled, pour ne pas oublier leurs racines, au grand dam de ses enfants. L'amour qu'il a pour ses derniers le pousse à vouloir faire un dernier acte pour eux, au détriment de toute logique alors que, parallèlement il est conscient qu'il n'a jamais été proche d'eux, qu'il ne leur a jamais vraiment parlé.

Mais il s'excuse lui-même en expliquant qu'il a respecté les rapports traditionnels qu'ils auraient eu au bled : un père lointain, qui vérifie seulement les carnets de note, bien loin du traditionnel père de famille français qui emmène ses enfants se balader en forêt le week-end … Et le modèle français veut que les enfants se dispersent, et ne restent pas auprès des aînés au bled, à écouter leurs sages paroles …

"La famille s'était dispersée. Il se consolait en se disant : c'est ça la vie, on fait des enfants, on les gâte puis un jour ils s'en vont, à peine s'il se souviennent de nous, mais que faire, si nous étions au village, ils seraient tous là, sous mes yeux, là, nous sommes dans un pays impitoyable, il faut lutter tout le temps pour vivre, pour respirer, pour dormir en paix. "

Petit à petit, on se rend compte que Mohammed n'a jamais vu l'immigration autrement que comme une longue pause à l'étranger, avant de pouvoir revenir au bled et de vivre sa vraie vie. "Le Maroc émigre avec vous, il vous suit, il vous guide et vous protège." Or, c'est là que la rupture avec ses enfants va se consommer, car eux se considèrent comme Français d'abord, allant même jusqu'à gommer leur identité marocaine en changeant de prénom.

Lorsqu'il évoque ses enfants, il en vient aussi à parler de l'islam, qu'il a toujours respecté, même s'il n'en aime pas les dérives fanatiques. Un islam qu'il n'a pas réussi à transmettre à ses enfants.

"Ma religion est mon identité, je suis musulman avant d'être marocain, avant de devenir immigré; l'islam est mon refuge, c'est lui qui me calme et me donne la paix; c'est la dernière religion révélée, elle est arrivée pour clore un long chapitre que Dieu a commencé il y a très longtemps. Ici, ils ont leur religion et nous avons la nôtre. Nous ne sommes pas faits pour eux et ils ne sont pas faits pour nous. "

Avec simplicité et humilité, le vieil homme déroule sa vie, portant un regard lucide sur ses compatriotes, sur leur rapport à la communauté, à l'argent. Il dépeint peu à peu la fracture entre Français et immigrés, dans leurs modes de vie et leurs valeurs : ainsi il se montre choqué lorsqu'un magrébin meure seul dans son appartement, ce qui n'aurait jamais pu se produire au bled …

"Mourir de solitude, ce n'était pas tolérable : les gens pensaient que ça n'arriverait jamais à des musulmans puisqu'ils appartiennent tous au même clan, à la même maison, la maison de l'islam, celle qui réunit les pauvres et les riches, les grands et les petits."

Au final un texte tout en pudeur, original et touchant, à qui je peux néanmoins reprocher de sombrer un peu dans le fantastique à la fin, à la manière des contes africains, ce que j'ai trouvé dommage.
Lien : http://missbouquinaix.wordpr..
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Mohamed est un homme perdu : marocain de naissance il est venu avec sa femme et ses enfants en France pour leur offrir une vie meilleure, aujourd'hui proche de la retraite il ne veut pas en entendre parler et n'arrive pas à imaginer sa vie sans aller travailler à l'atelier tous les jours, d'autant plus que presque tous ses enfants ont quitté le domicile familial pour vivre une vie qu'il ne comprend pas, une vie complètement occidentalisée et loin de celle à laquelle il rêvait pour eux.
Mohamed ne sait plus ni que faire ni que penser pour faire revenir à lui ses enfants, c'est la chute de cet homme que Tahar Ben Jelloun décrit dans ce roman, une chute qui l'enfermera dans une forme de folie dont le lecteur pressent l'issue.
Mohamed porte un regard juste sur les conditions de vie des immigrés en France : regroupés dans des HLM ils font l'objet de méfiance et de racisme de la part de certains français mais également d'autres immigrés, à tel point que Mohamed ne sait plus d'où vient le racisme : "Mohamed ne savait plus si le racisme était suscité par par la couleur de la peau ou par l'extrême pauvreté.", mais que tout cela est lié au climat général qui règne dans ces cités : "Mais la pauvreté, l'insécurité et la promiscuité ne laissaient pas de place au dialogue et à la tolérance. Les gens étaient à bout et ne contrôlaient plus rien.".
Cette analyse en début de roman est particulièrement juste et donne le ton de ce que sera la suite des réflexions de Mohamed qui réussit si bien à comprendre tout ce qui est du domaine de l'impersonnel mais qui est perdu lorsqu'il s'agit de sa dimension personnelle et de sa sphère familiale.
Mohamed s'interroge beaucoup, il cherche à comprendre le comportement de ses enfants et ne les comprend pas, il a tout fait pour leur donner une bonne éducation mais ces derniers préfèrent se perdre dans la culture occidentale plutôt que de retrouver leurs racines marocaines; il se pose d'autant plus de questions que la retraite lui fait peur.
Sa femme ne dit rien, parce que c'est son éducation et qu'elle soutient son mari en tout, mais elle, à la différence de lui, a tout compris : "Elle avait compris depuis longtemps que ses filles et garçons ne leur appartenaient plus, qu'ils avaient été engloutis dans le tourbillon de la France, qu'ils aimaient leur vie et qu'ils n'avaient ni remords ni regrets.".
Ce personnage féminin restera muet en permanence mais se révélera finalement le plus clairvoyant.
Mohamed se définit également par sa religion : "Ma religion est mon identité, je suis musulman avant d'être marocain, avant de devenir immigré; l'islam est mon refuge, c'est lui qui me calme et me donne la paix; c'est la dernière religion révélée, elle est arrivée pour clore un long chapitre que Dieu a commencé il y a très longtemps. Ici, ils ont leur religion et nous avons la nôtre. Nous ne sommes pas faits pour eux et ils ne sont pas faits pour nous.", un point de vue intéressant et bien développé, tout comme j'ai apprécié de suivre ce personnage dans ses interrogations, son retour au pays, sa quête désespérée de vivre sa retraite entouré de sa famille, dans son pays et dans son village qu'il aime tant.

De Tahar Ben Jelloun, j'avais lu le très beau "Cette aveuglante absence de lumière".
Ce roman, bien que posant des questions pertinentes, n'a pas la beauté de ce dernier et ne m'a pas touchée de la même façon.
J'ai été légèrement dérangée par une construction manquant parfois de logique : le passé se mélange au présent, à un moment il est à la retraite à un autre il est question de sa retraite.
Dommage que les événements se télescopent parfois, sans perdre le fil je mettais quelques instants à retrouver le fil de la pensée de Mohamed.
Il y a de très beaux passages, extrêmement émouvants, notamment lorsque Mohamed raconte à quel point il aimait regarder ses enfants travailler leurs devoirs le soir à la maison, ou lorsqu'il aborde le sujet de son dernier enfant qui n'est en fait pas le sien mais celui de sa soeur qu'il a pris avec lui car étant handicapé il avait plus de possibilités d'étudier et de s'épanouir en France qu'au bled.
Il en ressort tout l'amour que Mohamed éprouve à l'égard de ses enfants, même si aujourd'hui il ne parle plus à une de ses filles car elle a épousé un européen, un homme qui ne lui plaisait pas du tout.
Le lecteur perçoit également très bien la complexité de l'âme de ce personnage, il cherche à imposer à autrui une vision archaïque et dépassée de la vie tel que lui la conçoit sans prendre le temps un instant de considérer que celle d'autrui est aussi valable.
Mohamed est un homme qui reste buté sur ses positions et ne se remet pas toujours de la bonne manière en cause, ce sont ses imperfections qui le rendent humain et proche du lecteur.
La plus belle partie de ce roman, mais aussi la plus dure, est à mon sens le retour au bled de Mohamed, là où son entêtement et son aveuglement atteignent des sommets, à tel point qu'il s'attire la pitié du lecteur.
J'avais mal pour lui, de le voir s'enterrer ainsi en perdant tout sens de la mesure et de la raison.
Il n'empêche que j'ai aussi trouvé qu'avant d'en arriver là il fallait trop de temps au récit pour introduire cette notion qui pourtant me paraissait essentielle et plus intéressante à développer qu'en quelques pages.
Il y a donc eu des passages où j'accrochais totalement et d'autres moins, le style de Tahar Ben Jelloun étant toujours aussi agréable à lire, d'autant plus que les questions qu'il soulève dans son roman sont toutes plus pertinentes les unes que les autres et, malgré les années qui passent, toujours d'actualité.

"Au pays" est un roman intéressant pour les réflexions qu'il porte et son côté humain, servi par la plume fluide et agréable de Tahar Ben Jelloun, mais auquel il manque, de mon point de vue, un certain degré de beauté pour en faire un réel coup de coeur.
Lien : http://lemondedemissg.blogsp..
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La belle écriture de Tahar Ben Jelloun et sa façon de dire simplement les choses sont un plaisir. le texte qui évoque les sujets de l'immigration, du déracinement, du racisme, de la différence et de la vieillesse sonne très juste. Un roman très touchant, même si on se sent un peu confondu par le manque de réalisme de tant de candeur.
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C'est le premier livre que je lis de Tahar Ben Jelloun, il m'a accompagné lors d'un périple dans le sud marocain. Lire un livre dans son contexte permet une lecture plus fine.
J'ai bien aimé le personnage de Mohamed, émigré en France et qui se retrouvant à la retraite, perd tous ses repères. Ses enfants sont nés en France et ont des projets de vie qui s'éloignent radicalement de ce qu'il a toujours connu. Il se sent perdu et ses principes de vie qu'il reproduit par automatisme car c'est la tradition, l'ont éloigné de ses enfants et de sa femme. En retournant au bled pour finir une vaste maison pour sa tribu, il pense revenir dans le chemin balisé par ses ancêtres, sans penser à se tourner vers l'avenir. Il connaîtra de grandes désillusions.
Si parfois les caractères ou réflexions semblent un chouia exagérés, ce livre est une assez bonne analyse des différences culturelles entre la France et le Maroc. Si Mohamed a beaucoup de respect pour LallaFrance , il sait au fond de lui qu'il reste un Marocain immigré, qu'on tolère par nécessité.
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Ce roman est le choix de Marjolaine pour le Prix des Lectrices.

Je connaissais l'auteur, donc j'ai déjà lu quelques livres.


Je l'ai placé dans lecture agréable, parce que je n'ai pas passé un mauvais moment avec ce roman et que j'ai trouvé plusieurs thèmes intéressants…mais à présent qu'il faut le critiquer…je me rends compte que je n'ai pas été passionnée. J'ai bien aimé, mais c'est tout. Je crois que je ne suis tout simplement pas sensible à l'écriture de Tahar Ben Jelloun. J'ai donc été assez indifférente à l'histoire et aux personnages.


Mohammed est un homme juste. Franchement, on ne peut que dire cela. Il a toujours fait ce qu'il fallait faire, a toujours été porté par l'amour, l'envie de faire du bien, la vérité. C'est un homme bien, comme il y en a finalement peu.


Il fait partie de la première génération d'immigrés, celle qui souvent n'a pas réussi / voulu faire le lien avec la France. Ils n'étaient là que pour le travail, ne se mélangeaient pas plus que nécessaire à la population et comptaient fermement sur un retour au pays.
Mais les enfants de cette génération se sont beaucoup plus intégrés au pays et certains sont devenus plus français que marocains. Mohammed a du mal à le voir, mais il a perdu ses enfants depuis un long moment.


Il regrette de n'avoir aucun lien avec ses enfants, de les voir s'éloigner de leurs racines…mais je me demande bien à quoi il s'attendait. Il ne les a pas élevé, les voyait à peine quand il rentrait du travail et en plus il ne s'en occupait absolument pas. Il ne faut pas s'étonner.
Il a cru pouvoir maintenant ses traditions dans un pays étranger, mais il n'y est pas parvenu. Des traditions, cela s'entretient, sans cesse, sinon ça disparait.


Encore une fois, le personnage Mohammed est un homme profondément bon, qui s'interroge régulièrement sur lui-même, qui ne veut qu'une chose : pouvoir travailler et vivre sa religion comme il l'entend. S'il a pas mal de préjugés stupides et arriérés, on ne peut pas réellement lui en vouloir, tellement il tente de se remettre en question, de comprendre, de ne pas juger.


Mais franchement, cette maison, où il vivrait entouré de tous ses enfants et petits-enfants est un fantasme irréalisable.
Comment vivraient-ils ? Comment se nourrir, se loger? Comment espérait-il réellement plonger ses enfants dans la vie du bled 24 heures sur 24, dans un village sans électricité ni eau courante? Comment penser que ses enfants puissent passer d'une vie occidentale quand même très individualistes à une vie en communauté?


Mais il s'y plonge à 100%, sûrement parce que cela lui permet d'avoir un projet, de ne plus être seulement un bon à rien qu'il a l'impression d'être depuis qu'il a quitté son emploi. C'est là qu'on s'aperçoit que son travail, cela a été en gros toute sa vie. A part la religion, bien évidemment. Mais il n'a pas eu d'autres occupations sinon. Pas de loisirs, de passe-temps, rien. C'est assez affolant je trouve.

[Attention, je dévoile la fin]


—————————————————–

Pas une grande découverte pour moi donc, même si je ne regrette pas ma lecture. Je crois vraiment être imperméable au style de Tahar Ben Jelloun.

Je remercie encore une fois Marjolaine pour cette découverte!
Lien : http://writeifyouplease.word..
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Un roman sur la sagesse et la nostalgie, avec cet humour bienveillant bien que moqueur ...
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lu bibli sept09
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