À la recherche de la reine blanche

L'histoire ne correspond pas du tout à ce à quoi je m'attendais lorsque j'ai lu la 4e de couverture, cela dit je suis loin d'être déçue par ce roman, plutôt surprise!

Il s'agit bien de la relation d'un père et son fils qui vivent à leur façon bien à eux, en dehors des sentiers battus. de déménagements en déménagements, de petits boulots en petits boulots, ce père donne beaucoup de tendresse à son fils et tente de l'armer pour faire face au monde qui l'entoure. On sent qu'il fuit constamment…mais quoi ? qui ? jusqu'au jour où…
Le récit est assez décousu, on passe d'un évènement à un autre sans transition, un peu comme un fil de souvenirs qu'on déploie, qui apparaissent par flash. Ce n'est pas fastidieux à suivre, écrit à la première personne, c'est le petit garçon qui s'adresse au lecteur. Ce n'est pas un grand bavard, aussi ses souvenirs sont-ils offerts très sobrement, juste assez pour raconter. Les émotions restent implicites mais tout autant fortes.
Progressivement on apprend de quoi il est question. Cet enfant est touchant, ce père est attendrissant. La relation qu'ils ont établie n'a de sens que pour eux, personne d'autre ne peut la comprendre. Et l'épisode final en révèle toute la portée tragique : c'est un acte d'amour démesuré, comme une promesse tenue.

Je crois qu'il ne faut pas vouloir tout comprendre, décider d'analyser ; ici il est préférable de se laisser porter par la narration qui nous dévoile une expérience de vie.

Fuite incessante d'un père et son fils très attachés l'un à l'autre. Mais pour où et pourquoi? Roman troublant pouvant être lu plusieurs fois sans la même vision des choses et des actions.

Peter dessine, il remplit des cahiers entiers des instants de vie et d'intimité. Lui et son père n'ont pas de véritable maison, leurs seuls biens sont quelques sacs plastiques, leur maître mot la fuite. Lui et son père déménagent souvent, trop souvent. Ils vivent l'un pour l'autre.
Ses cahiers sont ses souvenirs et seules traces de son passé de bohème, alors que l'image du père s'efface peu à peu. Jeune adulte c'est par la peinture qu'il essaie de renouer avec ce passé devenu trop envahissant.
Une très belle histoire sur l'amour filiale, la transmission. Ce père si fragile a pour seule ambition de transmettre à son fils cette nécessiter de vivre libre, de devenir l'adulte qu'il souhaite être.

Une plongée en apnée dans les méandres de l'âme humaine. Comme le récit est raconté du point de vue du jeune garçon, il faut accepter, dans la première partie du roman, de ne pas tout comprendre immédiatement. Les pièces du puzzle s'assemblent peu à peu, et l'on devine ce que le père fuit constamment. Ce quotidien est devenu la normalité aux yeux de l'enfant narrateur, et par contrecoup à ceux du lecteur. Dans la deuxième partie, l'enfant est devenu adolescent, son regard a changé du tout au tout, et le lecteur redécouvre lui aussi sous un autre jour ce qu'il a lu jusque là. Une très belle histoire d'un amour paternel au-delà de la maladie.

Peter est un petit garçon pas comme les autres. Il ne va pas à l'école, vit seul avec son papa, ne reste jamais très longtemps dans le même logement, ne parle jamais de sa maman...Son papa est un héros, voire un magicien, tant il obtient toujours ce qu'il veut, ce dont ils ont besoin, sans pour autant avoir les moyens de se les payer. Son papa est un héros car sur le chemin de l'éducation il fait pour Peter largement appel au développement de son libre arbitre plus qu'à l'éducation arbitraire. Son papa est aussi, hélas, parfois absent, trop absent, même quand ils sont, Peter et lui côte à côte.

C'est largement ce parcours à deux qui d'abord touche juste et profondément à la lecture de ce roman, indubitablement initiatique. Un jour, ces deux-là sont séparés et c'est Peter seul que l'on suit jusqu'aux retrouvailles et jusqu'au bout de ce moment de littérature d'une finesse émotionnelle déconcertante tant elle est empreinte de simplicité forte.

On ne lâche pas ce couple étrange que l'on voudrait protéger. On se réjouit de cette forme de partage absolu fondé sur la sincérité et le respect au-delà des très nombreuses règles qui nous étouffent. On est juste avec eux et on ne veut pas que cela cesse.