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Critique de 4car


4car
04 novembre 2014
L'affaire Kravtchenko , c'est le procès en diffamation intenté par Viktor Andreïevitch Kravtchenko aux Lettres Françaises ( comité de bienfaisance des écrivains méritants , chapeauté et avalisé par le PCF , sous l'égide de Louis Aragon , celui du délicat " Il nous faut un Guépéou " .)
Déjà très critique sur Staline ( il a été témoin de la grande famine organisée , Holodomor , 6 millions de morts) , Kraventchko occupe divers postes de haut fonctionnaire en URSS , pour finalement , se sentant menacé , demander l'asile politique aux USA .
Il publie " J'ai choisi la liberté ", dans lequel il témoigne des dégâts de la collectivisation de l'agriculture et des déportations au Goulag . Il est traîné dans la boue et accusé de trahison et de mensonge à coups d'articles signés par les Lettres Françaises ; il porte plainte contre Claude Morgan, directeur et André Wurmser, rédacteur .
Le procès commence le 24 janvier 1949 .
Pour représenter ou soutenir les Lettres Françaises : un prix Nobel , Frédéric Joliot-Curie , quatre ministres dont D Astier de la Vigerie , des philosophes , des écrivains , Roger Garaudy , Jean Baby , Roger Vercors , Jean Paul Sartre , Simonne de Beauvoir , Elsa Triolet , un général ...
On invente un certain Sim Thomas qui aurait juré mordicus que Kraventchko était un espion , un ivrogne et un quasi-illettré .

Maître Georges Izard fait défiler les témoins de Kraventchko à leur tour , ils sont passés par le goulag , ils racontent et tout particulièrement Margarete Buber-Neuman qui , communiste allemande réfugiée à Moscou a passé 2 ans de goulag en Sibérie ( purges staliniennes ethniques de 1937-38 )puis , après l'accord germano -soviétique Hitler/Staline de 1940 a été remise à l'Allemagne nazie et internée 5 ans à Ravensbrück pour " rééducation ".
Évidemment , les zélateurs des Lettres Françaises poussent des cris d'orfraie , mais la majorité du public et la Cour sont estomaqués par ces révélations . Kravtchenko gagne son procès le 4 avril 1949 mais c'est surtout un tournant capital dans la vision que peut avoir le monde du communisme en général et du stalinisme en particulier , les débats sont encore ouverts , d'ailleurs .

Nina Berberova était alors journaliste , son livre est un reportage , inutile donc de chercher ici sa veine romancière : il s'agit d'un témoignage historique , ce qui ne l'empêche pas d'instiller sa propre vision , en particulier au sujet de Me Izard et Margarete Buber-Neuman ..

Extrait d'un commentaire de Hubert Nyssen , au sujet de ce livre ( éditions Actes Sud )
Nina Berberova (qui passe sa dernière année en France) se trouve sur les bancs de la presse. Elle a compris ce qui se joue dans ces débats : non pas le sort de Kravtchenko, auquel elle ne s'intéresse guère, mais… la vérité. Sa stupeur d'émigrée consternée par l'aveuglement des témoins de la défense, sa révolte contre le prestige usurpé d'un pouvoir criminel, et sa détermination à saisir l'occasion du procès pour contribuer, si peu que ce soit, à l'émancipation de l'opinion occidentale, lui inspirent des portraits, de petits commentaires incrustés dans le compte rendu, parfois simplement des sous-titres – mais ils sont acérés comme des fléchettes d'acier. (…)
C'est cela, l'effet Berberova : la rigueur du compte rendu, l'acuité du regard, la nécessité de la justice et l'efficacité du style.
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