Balzac ne pouvait souffrir le tabac, sous quelque forme que ce fût ; anathématisait la pipe et proscrivait le cigare. II n'admettait même pas le
léger papelito espagnol; le narguilhé asiatique trouvait seul grâce devant
lui, et encore ne le souffrait-il que comme bibelot curieux et à cause de
sa couleur locale. Dans ses philippiques contre l'herbe de Nicot, il n'imitait
pas ce docteur qui, pendant une dissertation sur les inconvénients du tabac, ne cessait de puiser d'amples prises à une large tabatière placée près de lui : il ne fuma jamais... Il réservait toutes ses prédilections pour le café qui lui fit tant de mal et le tua peut-être, quoiqu'il fût organisé pour devenir centenaire...
La contenance de Balzac à table tenait du Gargantua. Ses biographes citent un menu d'un dîner qu'il commanda chez Véry pour lui seul. Sur cette carte figurait un cent d'huîtres. d'Ostende, douze côtelettes de présalé au naturel, un caneton aux navets, une paire de perdreaux rôtis, une sole normande sans compter les hors-d'œuvre, les entremets et les fruits; puis vins fins, vins renommés, café et liqueurs. C'était une noce, et cependant tout y passa sans miséricorde.
Le romantisme, on le retrouvera dans ces anecdotes, non seulement par la tournure des gens qu'elles mettent en scène, mais par leurs sentiments et leur tour d'esprit. C'est ainsi que Balzac épris du bibelot, Balzac antiquaire, Balzac amoureux du grand luxe, un luxe extravagant, chimérique, digne des Mille et une Nuits, Balzac halluciné par la vie brillante de l'élite de Paris, c'est, avant tout, Balzac romantique.