La Petite Dame en son jardin de Bruges

Pressentant sans avoir lu Hamlet qu'il y a plus de choses dans le ciel et sur la terre que n'en peut rêver notre philosophie, elle vivait dans la certitude excitante que tout est possible à tout moment et croyait dur comme fer à tous les -Peau d'Ane- qu'on lui contait. (p. 110)

j'atteste que cette connivence était réelle. J'atteste qu'à l'âge où je commençais à épeler la vie, une élection fabuleuse, qui dut à l'essentiel de son pouvoir au génie de ma grand-mère, a transformé cette demeure en un théâtre de bonheur et de songe. (p. 117)

O Thérèse- augustine, ma grand-mère des groseilles de juin qui tricotiez en
me racontant votre vie sur le perron aux capucines, bien des poètes, c'est
vrai, firent moins que vous. (p. 133)

Curieusement, en contemplant la vitre de la lucarne surchauffée le motif des trois tours groupées en faisceau, dont la composition était si parfaite qu'elle semblait concertée, j'avais l'impression de retrouver la même minutie amoureuse dans le traitement des architectures lointaines, comme si, en application d'une justice posthume qui eût désormais contraint la réalité à imiter l'art, la ville où Memling avait bâti son oeuvre eût à coeur, quatre siècles après sa mort, d'offrir à sa mémoire une image d'elle-même inspirée de sa manière. (p. 80)

Depuis que vous avez quitté le monde des hommes, votre mémoire a continué de briller en moi comle une petite lumière.

Le temps glisse sur ces bonheurs : il ne les altère pas. Maintenant que j'atteins au dernier décan de ma vie, c'est toujours la mémoire de cet instant de grâce que je retrouve avant toute autre lorsque j'interroge mon amour de la mer.

En fait, c'est très exactement la tâche qui l'occupait : débrouiller cet écheveau de rêves, de désirs, de bonheurs et d'épreuves où s'étaient emmêlées sa vie et celle de ses proches, retrouver le fil presque indiscernable unissant la petite fille d'un autre siècle à cet enfant d'aujourd'hui qui écoutait avec beaucoup de gravité les discours de sa grand-mère au seuil de la soirée d'été.

le temps glisse sur ces bonheurs : il ne les altère pas. Maintenant que j'atteins au dernier décan de ma vie, c'est toujours la mémoire de cet instant de grâce que je retrouve avant tout autre lorsque j'interroge mon amour de la mer.

Avec leurs quatre vaches et leurs vingt-cinq moutons, mes arrière-grand-parents, qui se prénommaient joliment Donatienne et Nicolas-Cyprien, n'auraient sans doute pas été plus mal lotis que beaucoup d'autres, si mon bisaïeul n'avait succombé à la tentation malencontreuse de faire en sept ans sept enfants à sa femme....Ma grand-mère subit durement pendant toute sa jeunesse la triste infortune d'être fille, d'avoir vu le jour la première, et d'avoir des frères .

Page 47 Le volume à l’aigrette de pissenlit semée au vent représentait pour ma grand-mère une manière d’oracle qui était censé avoir réponse à tout. Elle le consultait non seulement pour apaiser ses anxiétés orthographiques lorsqu‘elle entreprenait d’écrire à l’une de ses multiples correspondants, mais chaque fois que la vie lui posait un problème dont la solution ne se trouvait pas dans son livre de cuisine. Elle entretenait avec lui des rapports de déférence précautionneuse qui unissent une dévote à son missel, elle savourait le texte de ses définitions comme des friandises.
description Dictionnaire le petit Larousse