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Critique de Merik


Merik
15 février 2022
Il aura fallu un fait réel en 2015, la découverte de papiers jaunis au fond d'une malle châtelaine, pour lancer le scandale sur la dépouille de William Butler Yeats. Et si ce n'est le déclic même pour l'écriture de ce roman, il tient lieu en tout cas de fil directeur dans la narration. le Victor Hugo d'Irlande, prix Nobel qui plus est, enterré dans un premier temps à Roquebrune-Cap-Martin en 1939 et dont la dépouille a été rapatriée à Sligo en 1948, a-t-il réellement quitté le cimetière de Roquebrune ? le doute est permis, surtout à la connaissance de la fosse commune et son pêle-mêle d'ossements divers : « impossible de restituer quoi que ce soit ayant un caractère absolu d'authenticité », déclare l'agent Cailloux.
C'est Madeleine qui sera notre instigatrice principale dans l'affaire. À peine remise d'un enterrement à ce même cimetière de Roquebrune, là voilà surprise dans les limbes du sommeil matinal de croiser le spectre de sa grand-mère, encore plus surprise de se réveiller et d'entendre parler de Roquebrune sur les ondes nationales, pour la révélation du mystère sur les restes de Yeats. Coïncidences romanesques, certes. Toujours est-il, voilà notre roman lancé et Madeleine en quête de vérité, d'autant que la fosse recueillait peut-être des ossements secrets de famille. Elle fondera l'association des Dispersés, mais surtout déploiera ses antennes du côté de l'au-delà où décidément il y a du grabuge : « Qui donc remue mes cendres ? Mes restes de poète mal ensevelis, ma poussière. Cherchent-ils ce que j'ai moi-même longtemps cherché avant que de l'atteindre ? le monde cousu de rêves, la toile brodée des cieux, dans laquelle se reflétaient mes cartes ? »
Vous l'aurez sans doute reconnu, même si vous l'avez pas lu. William Butler Yeats himself. Principal personnage spectral de ce roman, il diffusera son esprit de poète mystique dans des monologues venus d'outre-tombe, mais aussi à Sligo durant la visite de son bled irlandais par l'association des Dispersés. Il évoquera aussi sa vie d'artiste, et surtout son amour déçu de toujours : «  le désespoir qu'engendre l'amour, quand il n'existe que d'un côté. J'ai jeté mes vers dans cet amour hémiplégique. Éconduit, Maud m'a conduit jusqu'à l'ourlet de la souffrance sur lequel pousse la poésie». Maud Gonne, autre personnage d'influence (spectrale) de ce roman.

Nous voilà en présence d'un roman sur Yeats, avec une intrigue sur le mystère de ses restes presque comme.... Un prétexte. Prétexte à un hommage au grand poète irlandais, prétexte à ressusciter son esprit dans des pages contemporaines, poétiques et imagées. le tour de magie est une nouvelle fois réussi, dans un subtil mélange d'audace et de mysticisme. Après Beckett dans « Le tiers temps » – récompensé du Goncourt du premier roman, Maylis Besserie pose la deuxième marche de sa trilogie irlandaise.

« Depuis Sligo, depuis le cimetière, il lui semble que l'esprit du poète les suit autant qu'eux-mêmes le poursuivent, que la chasse s'est inversée, que sur les pistes désormais brouillées leurs pas s'entrecroisent. Marchent-ils, sans s'en rendre compte, sur les chaussures du fantôme, attendant qu'il les soulève à chacun de ses pas, qu'il les mène à leur objectif, leur trace la route ? »

Merci à Babélio ainsi qu'aux Éditions Gallimard pour l'envoi de ce roman dans le cadre de Masse critique.
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