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EAN : 9782072878428
178 pages
Gallimard (06/02/2020)
2.98/5   87 notes
Résumé :
Rue Rémy-Dumoncel, dans le quatorzième arrondissement de Paris, se trouve un immeuble blanc - une modeste maison de retraite baptisée Le Tiers-Temps. Au milieu de la cour recouverte d'un gazon en plastique, un arbre solitaire. Parmi les résidents venus vivre ici leurs derniers mois, un grand échalas, au visage sombre mais aux yeux encore perçants, joue avec ses souvenirs où se mêlent deux langues, l'anglais de son Irlande natale et le français de son exil littéraire... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (22) Voir plus Ajouter une critique
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".....un type qui ne croyait en rien. Qui était arrivé dans l'existence par accident, resté par négligence. Qui avait fait mine d'oublier la solitude à laquelle il était condamné depuis qu'il avait raté sa venue au monde. Lui qui flottait parmi les hommes, pas tout à fait né, pas tout à fait mort. Lui qui, plus seul qu'un rat, souhaitait l'être au-delà de tout." le type en question est Samuel Beckett, pour qui ne le connaîtrait pas, dramaturge, maître de la langue et de l'absurde, dont le fameux "En attendant Godot" .
Maylis Besserie relève le défi de le rencontrer dans ses derniers jours dans une maison de retraite "Le Tiers Temps", alors qu'il est presque devenu un des personnages de son propre oeuvre fictif, "....comment en suis-je arrivé là ? Comment l'existence m'a-t-elle mené, de manière si fourbe, à devenir l'un de ses charlots ? L'un de mes charlots. L'un de mes délires. L'un de mes cauchemars. Samy-clochard, tête penchée dans la soupe, peu de dents. le Lucky de Pozzo, n'attendant plus grand-chose."
Dans cette maison de retraite où il est traité comme un enfant il se souvient de son enfance en Irlande, de sa mère May avec laquelle il eut des relations difficiles, de sa compagne Suzanne, de Joyce et de sa fille Lucy, de la guerre, de sa femme de ménage Mme Alphonsine, de ses lendemains de Jameson 🙃, de ses personnages ......toute une vie y passe, émouvant.

Besserie a relevé un défi assez compliqué en s'attaquant à ce géant de la Littérature, qu'elle n'a finalement jamais connu, mais dont elle connait bien l'oeuvre et la vie. Étant productrice de documentaires sur France Culture, elle lui a consacré de nombreuses émissions. Ici aucun pastiche de Beckett, une prose simple, d'un rythme très agréable où elle joue sur la longueur des phrases et sur l'humour qui nous donne des passages truculents, dont celui où Beckett imagine une dame en bleue, au troisième rang du spectacle de sa pièce "En attend Godot " où il ne se passe rien, qui s'ennuyant à mourir se met à songer, remède contre l'ennui. "En attendant, je veux dire en attendant que la pièce se passe, à quoi pensait-elle?...". Celles ou ceux qui ont lu la biographie de Beckett par son ami James Knowlson, apprécieront d'autant plus ce passage qui reflète bien la personnalité du grand Sam.
Un livre sur la vieillesse, une vieillesse vécue tout en étant conscient de la décrépitude du corps, des sens, du cerveau qui nous fait essuyer de nombreuses petites humiliations. Un sujet douloureux allégé par le personnage de Beckett qui évitant de le prendre au sérieux, s'amuse avec l'autodérision , "Finissez d'entrer" dit-il à son éditeur qui ahuri regarde au seuil de sa chambre la séance de coupe de cheveux ,"spectacle pitoyable du vieux mâle renonçant à sa crinière ".

Ce livre a gagné le Goncourt du premier roman 2020. Pour être franche, moi et le Goncourt, premier roman ou non nous ne faisons pas bonne compagnie, mais ce livre je l'ai beaucoup aimé, surtout que j'aime énormément Beckett, l'homme et son oeuvre. Un très bel hommage à un des plus grands écrivains du XX iéme siècle !
Un grand bravo à Maylis Besserie !
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Se mettre dans la peau du grand poète et dramaturge irlandais que fut Samuel Beckett est un beau challenge.
Mais imaginer les derniers mois de vie du grand homme au sein d'une maison de retraite et l'écrire à la première personne comme pour un journal intime relève véritablement d'une gageure !

C'est pourtant ce à quoi s'est attaquée Maylis Besserie pour son premier roman qui va obtenir le Goncourt du Premier roman.
Il s'agit d'un récit où l'autrice donne la parole à Samuel Beckett, alors qu'il séjournait seul après le décès de sa compagne Suzanne en maison de retraite dans le quatorzième arrondissement de Paris, ce qui est un fait en 1989.

Mais il s'agit aussi d'un double Huit clos : huit clos au sein de la maison dénommée « le tiers temps » avec ceux qu'il appelle ses « congénères » et huit clos de sa pensée aussi, puisqu'on est en permanence dans sa tête, un esprit caustique étudiant la condition humaine tandis que le corps est en train de l'abandonner.

Bien sûr on va évoquer ses pièces principales « En attendant Godot » assez naturellement , ou « Molloy », on va croiser Joyce aussi bien sûr, sachant que Beckett était un grand lecteur de Shakespeare, de Dante ou de Proust et tous les amoureux de la langue beckettienne seront ravis de ces retrouvailles.

Maylis Besserie traite des thèmes de l'absurdité et de la mort, mais aussi de l'exil entre la France et l'Irlande. Mais ce n'est jamais pesant : il y a beaucoup d'humour noir et d'ironie dans ce récit et c'est ça qui est étonnant. L'autrice s'autorise à le mettre en scène avec ce corps vieillissant (des scènes savoureuses avec les personnels soignants qui ou les kinésithérapeutes qui le font travailler) et ce n'est pas pénible du tout, alors que le texte nous donne des comptes-rendus fictifs émanant des médecins qui l'examinent. Pourtant Samuel Beckett joue sa propre « fin de partie » et rien n'est édulcoré, mais ce n'est jamais plaintif : une sorte de « déchéance joyeuse » que le grand homme vit avec ironie.

L'autrice imagine aussi qu'il « règle ses comptes » avant de partir, notamment avec sa mère May, dont on comprend que les relations entre eux n'étaient pas faciles, avec sa compagne Suzanne, et avec ceux qui lui ont été proches et qui le laissent aujourd'hui face à sa solitude.

Coup de chapeau aussi au passage consacré à Buster Keaton, qui accompagne le « troisième temps » du livre, avec une ultime sédation pendant laquelle on imagine l'esprit du grand homme s'éloigner peu à peu.

« Echoue encore, échoue mieux » disait le grand Prix Nobel irlandais.
Un grand merci à BookyCooky qui m'a guidé vers cette lecture – pour moi le deuxième de cette romancière puisque j'ai commencé avec « les amours dispersées » à propos de Yeats, un autre Prix Nobel irlandais – pour un récit peu commun et surtout très réussi.
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Lecture choisie en février 2020… Beckett en était le noyau central, ce qui a provoqué ma curiosité… toutefois j'ai abandonné, reprendrai cette lecture dans un temps plus léger…car dans le présent je trouve le ton et l'ensemble trop mortifères. ..

Une fiction qui se déroule sur au moins deux plans : d'un côté, les compte-rendus journaliers des soignants de l'EPHAD, concernant l'état de l'écrivain, et de l'autre, le récit dit- personnel de Beckett, au quotidien, vis-à-vis de la vie , de la perte de ses forces, du manque d' énergie pour écrire… et de la Faucheuse qui approche…inexorablement… Toutefois, ce qui est intéressant c'est de revisiter l'existence de Samuel Beckett, par le biais de cette astuce narrative, où l'auteure fait parler Beckett : de sa passion pour la littérature, son caractère dépressif , les fantômes du passé dont une mère toxique et si éloignée de tout amour maternel…etc.

« Au Tiers- Temps ---29 juillet 1989
L'Irlande de May. (...) C'est très contagieux. Contagieux par la langue. J'ai mis longtemps à en guérir. de l'Irlande, de Joyce, de May. de Joyce, de ma mère, de ma langue. Y suis-je parvenu ? Je ne sais pas. Il faut dire que c'est une condamnation que nous recevons dès la naissance : être les fils de nos pères et de nos mères. (p. 27)”

Une lecture, au vu du contexte ambiant, que je préfère différer…Là, inévitablement, j'ai décroché ! Il n'est pas question de jugement sur la qualité du texte. C'est juste pas le bon moment !
Je reprendrai volontiers ce texte original à la rentrée, souhaitant emporter des ouvrages plus légers, pour cette échappée bretonne !

« Au Tiers- Temps ---30 juillet 1989
Je rassemble les dernières cellules valides de mon esprit rabougri. Travail laborieux : deux lignes, tout au plus, les jours de grand vent. J'avance si lentement que j'ai le sentiment d'avoir arrêté. D'ailleurs, conformément aux règles de la physique, il est probable qu'à force de ralentir je m'arrête. Que j'en finisse avec les mots ou eux avec moi. (p. 32)”

**** chronique d'une lecture inachevée (à reprendre en septembre 2020)





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Maylis Besserie nous propose de retrouver Samuel Beckett à la fin de sa vie à l'Ehpad "Le tiers temps" dans le 14ème arrondissement de Paris, où il a réellement séjourné.
C'était un pari audacieux pour un premier roman et c'est réussi. Elle a choisi le journal fictif que le dramaturge irlandais aurait pu tenir qu'elle alterne avec les comptes rendus de l'équipe médicale.
Le texte est construit en trois parties, de son arrivée en juillet 1989 suite au décès de son épouse Suzanne jusqu'à son décès le 22 décembre de la même année. Il ne pouvait plus rester seul, atteint d'emphysème et de la maladie de Parkinson.
Beckett raconte dans son journal son besoin de solitude pour s'évader. Alors dans l'obscurité, les lueurs du souvenir apparaissent, celles de ses proches mais aussi des personnages qu'il a inventés comme des fantômes qui lui font signe. Il raconte aussi son quotidien : l'heure des soins, celle des repas qu'il refuse souvent, celle de la promenade et le soir, quelques pages d'écriture.
Il y évoque James Joyce, son maître et ami mais aussi son enfance en Irlande avec son père et sa mère terrifiante, pour finir en pensées comme dans un film de Buster Keaton.
S'il joue parfois les vieux grincheux et se moque des coulants qui l'entourent, le Nobel de littérature 1969 ne perd pas de son mordant, ce qui fait que ce livre n'est pas triste.
Et puis, pour une fois que l'Ehpad n'est pas décrit comme une prison je trouve que c'est une belle façon de montrer le dévouement et l'attention de tout le personnel qui y travaille.


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J'avoue être totalement passé à côté de l'oeuvre de Beckett. J'ai le vague souvenir d'avoir vu il y a longtemps (probablement sur le petit écran) l'une de ses pièces, "Oh les beaux jours" , qui narre les élucubrations d'une dame d'un certain âge enterrée dans le sable jusqu'au cou et affublée d'une ombrelle, pièce qui m'avait semblé assez tartouille, pour tout dire. Eh bien, en dépit de mes préventions, le livre de Maylis Besserie m'a paru plutôt original. Un auteur qui se met dans la peau d'un de ses aînés, ce n'est pas fondamentalement nouveau. Or, la peinture de cette homme en fin de vie sonne juste, elle a d'ailleurs fait écho, au moment de ma lecture, aux événements survenus en temps de confinement dans nos maisons de retraite (ou Ehpad, en langage chic). Plusieurs passages sur la vie de l'écrivain irlandais nécessitent une consultation de Wikipedia pour le non initié, ils ne m'ont pas semblé nuire pour autant à la lecture de l'ouvrage. Et puis surtout, on découvre le style très singulier de Maylis Besserie, à la fois dense et coloré, qui invite à suivre de près cet auteur (ou de cette auteure, si ces dames y tiennent...) à qui les jurés Goncourt ont attribué à juste titre leur prix du premier roman. Bref, une découverte.
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critiques presse (1)
Bibliobs
03 mars 2020
Dans son premier roman « le Tiers temps », Maylis Besserie raconte les cinq mois où l’auteur de « Malone meurt » a attendu Godot. Désespéré, mais plein d’espoir pour la littérature.
Lire la critique sur le site : Bibliobs
Citations et extraits (21) Voir plus Ajouter une citation
Pourquoi faut-il que même dans ses vieux jours, à l’hiver de son existence –hiver de son déplaisir –, l’homme qui n’aspire pourtant plus à grand-chose, si ce n’est à un peu de paix, soit confronté, bien malgré lui, à tant de bêtise ? Je veux dire : comment se fait-il que le vieux –dès lors qu’il se voit contraint de fréquenter une population qu’il tentait de fuir jusqu’alors : personnel médical, garçon coiffeur, etc. –devienne un animal de compagnie devant lequel on déblatère ? Pas tellement différent du caniche ballot, le vieux auquel on confie ses petites opinions sur les choses. Réceptacle des déchets du langage et de la pensée. Victime des niaiseries de tous, et en prime, devant témoin. Un privilège de plus.
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Oui, d’accord sur ce point, le veston suffit. C’est peut-être même trop, eu égard aux circonstances pénibles, au calvaire conjugal – le pléonasme – qui les guette. Qui nous guette tous. Raison pour laquelle je n’en portais pas, le jour du mien. Mon mariage. Jamais pu me résoudre à employer ce mot pour qualifier ma liaison – en l’occurrence il n’y en a pas, hasard de la phrase – avec Suzanne. Tant il me semble impropre. Je veux dire le mariage. Enfin, impropre, disons que ce qui me chiffonne, c’est le fossé – décidément -, le fossé qu’il y a entre le mariage tel qu’on l’entend d’ordinaire et le mariage tel qu’il nous phagocyte. Tel qu’il nous digère et finalement nous rejette. Se rejette lui-même, comme une mauvaise greffe. Jamais aucune information à ce sujet dans les actualités. Aucune alerte sur ce fléau qui depuis des millénaires fait pourtant d’innombrables victimes. Pas un seul mot avant d’y être soi-même confronté.
Avant qu’il soit trop tard. Alors même qu’on nous bassine chaque jour avec le prix du baril – autour de dix-neuf dollars, me semble-t-il ? Passons. Toujours est-il que le jour de mon mariage, je ne portais pas de veston.
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L’Editeur, ami fidèle parmi les fidèles, s’approcha le plus naturellement du monde, feignant de n’être en rien décontenancé par ma position qui, au moment précis de son entrée dans la chambre, était la suivante : tête en arrière, abandonnée comme sur l’échafaud aux mains du figaro, regard au plafond et reste du corps drapé dans une blouse noire tel le grand prêtre de Tullow Church pendant l’office.
Me vient alors une formule complètement désuète, qui me sembla adaptée sur le moment :
- Finissez d’entrer.
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Like a fish out of water. Ne mélange pas tout, tu as choisi ta langue. Seul comme un poisson hors de l’eau. Fin inexorable. Et te voilà, asphyxiant loin de la mer d’Irlande, loin de la mer éternelle qui me racontait toujours la vieille histoire au fond du jardin. La mer au bord de laquelle, enfant, tu rôdais déjà comme un fantôme. Enfant déjà mort. Presque pas né. Vieillard, pas encore mort.
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Au Tiers- Temps ---30 juillet 1989

Je rassemble les dernières cellules valides de mon esprit rabougri. Travail laborieux : deux lignes, tout au plus, les jours de grand vent. J'avance si lentement que j'ai le sentiment d'avoir arrêté. D'ailleurs, conformément aux règles de la physique, il est probable qu'à force de ralentir je m'arrête. Que j'en finisse avec les mots ou eux avec moi. (p. 32)
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