Leurs visages pourraient se frôler mais c'est comme s'ils s'ignoraient. Leurs mains pourraient se rejoindre mais ils optent, inconsciemment ou pas, pour l'immobilité, les peaux pourraient entrer en contact mais ils prennent garde de ne pas faire, surtout pas, un faux mouvement. Et, au fond, lorsqu'ils vivaient ensemble, ils se comportaient déjà ainsi, toujours au bord de s'enlacer et toujours jaloux de leur indépendance. C'est vrai qu'ils n'ont pas changé, qu'ils ressemblent à ceux qu'ils ont été.
Les arrière-saisons ont parfois quelque chose de déchirant.
Dans cette affaire, c'est encore Louise qui s'en tire le mieux. Elle est au centre de tout mais comme elle ne dit presque rien, elle ne court pas le risque de commettre des erreurs. Alors que les deux hommes, eux, les pauvres bougres, ils s'enfoncent gentiment sans qu'une main songe à les secourir. Ça n'est pas facile, des retrouvailles : il s'en doutait.
Nous sommes ainsi faits : une fois qu'on nous a indiqué quel cadeau nous allons recevoir, nous ne brûlons que d'une seule envie, c'est de le recevoir, et au plus vite.
Les intimités les plus violentent demandent à être apprivoisées à nouveau dès lors qu'elles ont été quittées. Il faut refaire tout le chemin une fois qu'on s'en est écartés, repartir de zéro lorsqu'on a perdu la partie, ne serait-ce qu'une fois.
Il comprend un peu cette affaire de renoncement, le regret de ce qui n'a pas été accompli, ce deuil de la jeunesse.
Elle voudrait juste retenir un peu, tant qu'elle s'en sent capable, ce temps qui file, et demeurer une femme qui accroche quelques instants les regards.