Elle lisait parce qu'elle pensait qu'il fallait lire et lisait de préférence ce que tout le monde lisait, car elle se disait que si tout le monde lisait quelque chose, ça devait être que cette chose était bonne à lire pour tout le monde.
Je rentrais en premier à la maison, surtout depuis que Benito était incarcéré à Fleury-Mérogis. Un jury d'assises l'avait condamné à cinq ans de réclusion. Nous aurions préféré plus, surtout maman.
C'était un de ces dimanches lumineux et légers qui, à la fin du mois de mai, annoncent, élégants et charmeurs, l'arrivée de l'été- premières journées où l'on enlève chaussures de ville et chaussettes en lin pour marcher orteils nus sur l'herbe, premiers déjeuners aux terrasses des cafés. Il y avait dans l'air une gaieté furtive et délicate, pareille à une odeur de croissant chaud.
Ma sœur, Cinecittà lui lavait aussi les pieds. Elle se plaignait que les hommes ne se lavent pas assez les pieds. Sous la douche, ils les laissent tremper dans l'eau, croyant qu'ils se nettoieront d'eux-mêmes, comme par magie. Dans le bain idem. A l'aide de leurs pieds, les hommes ajoutent un filet d'eau chaude, un décilitre d'eau froide, sans se douter une seconde que ces ustensiles précieux aimeraient eux aussi, comme les aisselles , l'entre-jambes être bichonnés, savonnés. "Même les hommes soigneux et coquets ont les pieds sales" disait Cinecittà. Elle n'avait jamais rencontré une homme qui eût les orteils propres.