Directeur Général de l'AREP, une agence d'architecture propriété de la SNCF, qui se veut à l'avant-garde de l'architecture décarbonée,
Philippe Bihouix est un spécialiste des ressources minérales, qui défend le credo de sortir des impasses environnementales et sociétales « par le bas », c'est-à-dire par les basses technologies (« low tech »), au lieu de ne jurer que par l'innovation et la technique. Il développe cette thèse dans son livre
L'âge des low tech.
Le livre est structuré en 4 parties : il aborde tout d'abord le rôle central des énergies dans nos sociétés, et l'impasse du « tout technologique », avant de définir ce qu'il entend par « basses technologies » puis de rentrer dans le détail de la vie quotidienne dans une société « low tech ». Enfin, dans la dernière partie, il nous interroge sur la possibilité de cette transition.
Non, l'innovation technologique, selon
Philippe Bihouix, ne résoudra pas nos problèmes. Avec de nombreux exemples, il nous montre que nous avons tout d'abord un problème de retour sur l'investissement énergétique (il faut de plus en plus dépenser d'énergie pour en extraire), un problème de ressources tout simplement que l'économie circulaire ne sera jamais capable de résoudre et un problème du remplacement de l'existant, sans parler de l'impasse sociale et morale. Pour reprendre un exemple très actuel, « il n'y a pas assez de lithium sur terre pour équiper un parc de plusieurs centaines de millions de véhicules électriques, et pas assez de platine pour un parc équivalent de véhicules à hydrogène. Et rappelons, une bonne fois pour toutes, que l'hydrogène n'est pas une source d'énergie, mais seulement un vecteur. »
Via les basses technologies, l'auteur promeut un système qui travaille à la source, avec des produits conçus et fabriqués pour être le plus économes en ressources ; il insiste également sur la remise en cause des besoins.
Pour cela, il faudra agir sur de nombreux paramètres : les matériaux eux-mêmes, en surveillant l'utilisation d'additifs, d'alliages complexes, de composites ; la conception des objets et leur modularité, la possibilité de changer ou de réutiliser en fin de vie des pièces détachées, des modules fonctionnels ou mêmes des pièces élémentaires (comme de simples vis par exemple) ; leur « réparabilité », la facilité avec laquelle ils peuvent effectivement être entretenus localement, par l'utilisateur ou le propriétaire, ou par un réseau d'artisans, ce qui implique, nous y reviendrons, de ne plus dévaloriser les métiers manuels ; l'échelle territoriale à laquelle seront fabriqués les produits.
Il passe ensuite en revue les grands thèmes de la vie quotidienne : l'agriculture, les transports, l'urbanisme, le tourisme, l'énergie… Là encore, on trouve de nombreux exemples intéressants qui montrent à quel point la consommation frénétique actuelle n'a pas de sens et peut être remplacée par un mode de vie plus économe.
Philippe Bihouix revendique volontiers une vision « iconoclaste » de ses propositions et la difficulté à les mettre en oeuvre. Il est conscient des blocages auxquels elles peuvent faire face, et arbore certains dogmes comme « La consommation crée l'emploi ». Il prône un changement du système de valeurs pour rendre cette transition désirable, un retour à des joies simples, à davantage de métiers manuels.
J'ai trouvé ce livre vraiment très intéressant : il esquisse ce qu'un modèle alternatif peut signifier et notre rapport à la consommation. « Toujours interrogeons-nous : Est-ce que je peux faire sans ? Est-ce que je faire avec moins ? Est-ce que je peux faire plus simple ? Et d'ailleurs, pourquoi est-ce que je dois faire ? Et ne pourrais-je faire avec qui existe déjà ? » Il permet également de porter une vision critique envers notre mode de vie, de comprendre ce qu'il signifie en terme d'empreinte sur les ressources naturelles, nous invitant au « techno-discernement » dans un système économique certes « efficace » mais finalement absurde.
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