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Critique de Franz


La pensée en marche.
Il faudrait croire à l'idée de la perfectibilité humaine pour imaginer un changement de paradigme afin d'éviter la catastrophe provoquée par le néolibéralisme qui "assujettit" toute vie sociale mais aussi la nature, la politique, la pensée, le langage pour en tirer profit sans aucune limite. Il conviendrait de repartir de l'individu, sans dissocier l'esprit du corps, allant à l'inverse du dualisme qui oppose la pensée et la matière et innerve la religion et la philosophie occidentale. Ensuite, l'activité de chacun deviendrait une "puissance agissante". L'acquisition d'un geste qui est un ensemble de mouvements accordés irait s'améliorant jusqu'à être effectué avec de l'esprit, habité, en somme, comme au yoga, dans la Salutation au Soleil où mouvement, position, concentration, respiration et pleine conscience sont concomitants et en phase. Pour Jean-François Billeter, quand le geste mécanique est intégré, le passage correspond à un changement de régime de l'activité. le corps porte le geste ("aplomb, équilibre, respiration...") et "rend naturel ce qui a d'abord été artificiel". L'auteur va plus loin. Pour lui, l'individu ne peut se connaître qu'en étant attentif aux modifications issues du "perfectionnement" de son activité. "L'activité est première, la conscience seconde". La connaissance de soi et le besoin de s'améliorer oeuvrent pour la liberté de la personne. Tel apparaît le nouveau paradigme. Il n'est pas sans soulever une montagne de questions comme celle de la perfectibilité humaine ou encore le besoin de croire au dualisme et d'espérer que l'esprit éternel s'émancipe du corps putrescible. Billeter convoque Descartes et son cogito erroné. Surtout, il remet en lumière Blaise Pascal : "Le plus lucide et le plus profond des moralistes" avec sa définition de trois ordres gradués : charnel, spirituel et charité, le plus élevé, étanches et distincts. Billeter remarque des similitudes entre les trois ordres et les régimes de l'activité. La dernière partie de l'essai brosse à grands traits la dérive politique et humaine quand la pensée s'estompe et le langage s'étiole, la liberté meurt dans une société informatisée où l'enrichissement matériel sans frein et l'égoïsme outrancier priment.
Le sinologue suisse Jean-François Billeter poursuit ses fécondes réflexions dans la continuité de ses études sur Tchouang-tseu. Simple, bref, construit, clair et argumenté, le petit livre édité avec classe par Allia se parcourt sans lassitude et invite à de nouvelles plongées tant le propos accessible mais dense suscite réflexion, critique et ouverture. 
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