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Citations sur Grammaire des arts du dessin (27)

L’homme, avons-nous dit, est un résumé de toutes les créations antérieures. La science moderne nous enseigne que l’embryon humain passe, dans le cours de son développement, par la forme des animaux inférieurs. C’est là ce qui explique, selon toute apparence, les ressemblances animales de certains visages. Quand le principe humain n’a pas suffisamment primé tous les autres en les effaçant, l’image des races inférieures reparaît plus ou moins sensible, et nous retrouvons alors, dans nos semblables, tantôt la tête du lion, tantôt la physionomie du renard, tantôt l’expression du tigre ou le caractère du vautour. Mais ces accidents individuels n’empêchent pas que l’humanité ne domine absolument toutes les races, et que l’homme ne soit l’intelligent abrégé du monde, dont il réunit tous les traits. Son squelette est l’image de ces rochers qui sont les ossements de la terre. Sa charpente osseuse est reliée par des nerfs, qui sont soumis à l’action de l’électricité comme les métaux ; elle est revêtue de muscles qui, par leurs saillies et leurs dépressions, rappellent les montagnes et les vallées, et tout son corps est arrosé par des ruisseaux de pourpre qui transpirent à travers la peau, comme les fleuves transpirent à travers la surface du globe. Enfin la chevelure qui ombrage l’organe de sa pensée est, suivant l’expression poétique de Herder, un emblème des bois sacrés où l’on célébrait jadis les mystères. L’homme, considéré dans sa vie organique, est donc un abrégé de l’univers. Il renferme dans ses entrailles toute la nature, mais cachée sous un appareil de beauté, c’est-à-dire enveloppée des organes de cette vie animale qui, chez lui, signifie proprement la vie de l’âme, animus. A l’intérieur, le corps humain est diapré, comme la nature, de mille couleurs, ainsi que l’annoncent déjà le vermeillon de ses lèvres, l’ivoire de ses dents, les tons bleu, brun, jaune et orangé de sa prunelle ; maïs, au dehors, sa peau ne présente guère qu’une teinte dont les nuances sont si fines que, même aux yeux d’un Titien ou d’un Corrège, elles se perdent à distance dans une chaude et lumineuse unité, dans un riche camaïeu.

(fallait en connaître des choses pour être Académicien...)
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Enfin le corps humain est une machine d’autant plus admirable, que le mécanisme en est évident pour l’esprit, mais voilé au regard. A chaque instant cette géométrique vivante est dissimulée par le mouvement, rompue par la perspective, masquée par la grâce. La figure humaine est donc une parfaite image de cette eurythmie qui, chez les Grecs, signifiait l’ensemble de toutes les mesures, la variété des accords contenue dans l’unité du concert.
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Mais entre ces deux extrêmes, l’imitation pure et l’idéal, il y a un double péril à éviter ; car, en imitant la nature de trop près, l’artiste court le danger d’en reproduire les pauvretés, et, en s’éloignant trop de la nature, il peut perdre de vue les accents de la vie.
La juste définition de l’art se trouvera donc entre la traduction littérale et la paraphrase éloquente, et nous dirons : l’art est l’interprétation de la nature.
...
L’artiste qui se borne à imiter la nature n’en saisit que l’individualité : il est esclave. Ce-lui qui interprète la nature en voit les qualités heureuses ; il en démêle le caractère : il est maître. L’artiste qui l’idéalise y découvre ou y imprime l’image de la beauté : celui-là est un grand maître.
...
C’est ici que va éclater la supériorité de l’art. La nature, en effet, ne produit que des individus : l’art s’élève à la conception de l’espèce. On voit, sur la terre, des arbres, des chevaux,... mais on n’y voit ni le cheval ni l’arbre. Nous vivons avec des hommes qui s’appellent Pierre ou Jean : nulle part nous n’avons rencontré ce personnage sans nom propre, qu’on appelle l’homme.
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Pour se faire une idée de l’importance des arts, il suffit de se représenter ce que seraient les grandes nations de la terre, si l’on supprimait de l’histoire les monuments qu’elles ont élevés à leurs croyances, les ouvrages où elles ont laissé la marque de leur génie. Il en est des peuples comme des hommes : il ne reste d’eux après leur mort que les choses émanées de l’esprit, c’est-à-dire la littérature et l’art, des poèmes écrits et des poèmes de pierre, de marbre ou de couleur.
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L’art est-il un pur délaissement de l’esprit, une manière d’orner la vie ? Son but, Dieu merci ! est plus sérieux et plus noble. L’artiste est chargé de rappeler parmi nous l’idéal, c’est-à-dire de nous révéler la beauté primitive des choses ; d’en découvrir le caractère impérissable, la pure essence. Les idées que la nature manifeste sous une forme embrouillée et obscure, l’art les définit et les illumine. Les beautés de la nature sont soumises à l’action du temps et à la loi universelle de destruction, l’art les en délivre ; il les enlève au temps et à la mort. Voyez la Niobé antique : elle est toujours jeune, même auprès de sa plus jeune fille. Une femme belle passe sa vie à devenir belle ou à cesser peu à peu de l’être ; elle n’a, pour bien dire, qu’un instant de vraie beauté, de pleine existence ; mais, en ce moment suprême, sa beauté est absolue, elle manifeste le divin mystère, elle rend visible à nos regards l’invisible beauté. Vienne l’artiste : il arrêtera le soleil, il suspendra le cours des années humaines, et il écartera de cette beauté ce qui n’est pas essentiel, le temps, pour la faire paraître dans l’éternité de sa vie.
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L’histoire, disons-nous : c’est elle qui va nous offrir ici un exemple frappant. Tout homme intelligent l’a remarqué : les événements mémorables sont plus vrais dans les livres d’un Tacite ou d’un Tite-Live qu’ils ne le seraient dans la bouche de ceux-là mêmes qui furent témoins des événements racontés. L’historien de nos jours connaîtra mieux telle séance de la Convention que les représentants qui furent mêlés à ses débats tragiques ; il connaîtra mieux telle bataille de l’empire que les officiers qui prirent part au combat. Débrouillant, épurant les faits, l’historien voit l’ensemble de l’événement, le plan de la bataille ; il démêle les intentions qui ont dirigé tous les mouvements, il connaît la pensée qui a plané sur ces grands drames, tandis que les acteurs n’en connaissent guère que les accidents et les coups. Devenu artiste à sa manière, l’écrivain distingue les détails caractéristiques et les apparences illusoires ; il saisit et met en lumière ce qu’il y a de plus significatif dans les circonstances, et il arrive ainsi à posséder une grande vérité, plus claire, plus élevée et plus vivante que les petites vérités dont se composait la réalité même.
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Tout homme apporte en naissant une idée plus ou moins confuse de la beauté. Est-ce un pressentiment? est-ce quelque souvenir d’une vie antérieure?... Toujours est-il que, lorsqu’il nous arrive d’apercevoir la beauté dans ce monde, elle nous frappe à l’instant comme une forme donnée à nos rêves ; nous croyons, non pas la découvrir, mais la reconnaître. D’où nous vient cet avertissement secret? que s’est-il passé au fond de notre conscience, quand nous avons reconnu la beauté?... Au sein du réel nous est apparu l’idéal, qui en est l’essence. Dans ce qui est, nous pensons avoir vu ce qui doit être. La beauté humaine, emprisonnée dans une forme personnelle, a laissé transparaître un instant la beauté infinie, la beauté divine.
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