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Citations sur De Kafka à Kafka (27)

Si K. choisit l'impossible, c'est que, par une décision initiale, il a été exclu de tout le possible. S'il ne peut pas cheminer dans le monde, ni emprunter, comme il le voudrait, les voies normales de la vie de société, c'est qu'il a été banni du monde, de son monde, condamné à l'absence du monde, voué à l'exil où il n'y a pas de séjour véritable. Errer, c'est là sa loi.
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D'abord, regarder le mur, c'est aussi se tourner vers le monde, c'est en faire le monde.
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La littérature est le langage qui se fait ambiguïté.
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"J'ai aujourd'hui un grand désir de tirer tout à fait hors de moi, en écrivant, tout mon état anxieux et, ainsi qu'il vient de la profondeur, de l'introduire dans la profondeur du papier ou de le mettre par écrit, de telle sorte que je puisse entièrement introduire en moi la chose écrite."

(Kafka, le 8/12/1911).
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Ecrire, c'est s'engager, mais écrire c'est aussi se dégager, s'engager sur le mode de l'irresponsabilité. Ecrire, c'est mettre en cause son existence, le monde des valeurs et, dans une certaine mesure, condamner le bien : mais écrire, c'est toujours chercher à bien écrire, chercher le bien. Et puis écrire, c'est prendre en charge l'impossibilité d'écrire, c'est, comme le ciel, être muet, "n'être écho que pour le muet" ; mais écrire, c'est nommer le silence, c'est écrire en s'empêchant d'écrire.
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Pour parler, nous devons voir la mort, la voir derrière nous. Quand nous parlons, nous nous appuyons à un tombeau, et ce vide du tombeau est ce qui fait la réalité du langage, mais en même temps le vide est réalité et la mort se fait être. Il y a de l'être – c'est-à-dire une vérité logique et exprimable – et il y a un monde, parce que nous pouvons détruire les choses et suspendre l'existence. C'est en cela qu'on peut dire qu'il y a de l'être parce qu'il y a du néant : la mort est la possibilité de l'homme, elle est sa chance, c'est par elle que nous reste l'avenir d'un monde achevé ; la mort est le plus grand espoir des hommes, leur seul espoir d'être hommes. C'est pourquoi l'existence est leur seule véritable angoisse, comme l'a bien montré Emmanuel Lévinas ; l'existence leur fait peur, non à cause de la mort qui pourrait y mettre un terme, mais parce qu'elle exclut la mort, parce qu'en dessous de la mort elle est encore là, présence au fond de l'absence, jour inexorable sur lequel se lèvent et se couchent tous les jours. Et mourir, sans doute, est-ce notre souci. Mais pourquoi ? C'est que nous qui mourons, nous quittons justement et le monde et la mort. Tel est le paradoxe de l'heure dernière. La mort travaille avec nous dans le monde ; pouvoir qui humanise la nature, qui élève l'existence à l'être, elle est en nous, comme notre part la plus humaine ; elle n'est mort que dans le monde, l'homme ne le connaît que parce qu'il est homme, et il n'est homme que parce qu'il est la mort en devenir. Mais mourir, c'est briser le monde ; c'est perdre l'homme, anéantir l'être ; c'est donc aussi perdre la mort, perdre ce qui en elle et pour moi faisait d'elle la mort. Tant que je vis, je suis un homme mortel, je ne suis plus capable de mourir, et la mort qui s'annonce me fait horreur, parce que je la vois telle qu'elle est : non plus mort, mais impossibilité de mourir.

De l'impossibilité de la mort, certaines religions ont fait l'immortalité. C'est-à-dire qu'elles ont essayé "d'humaniser" le fait même qui signifie : "Je cesse d'être un homme." Mais seul le mouvement contraire rend la mort impossible : par la mort, je perds l'avantage d'être mortel, parce que je perd la possibilité d'être homme ; être homme par-delà la mort ne pourrait avoir que ce sens étrange : être, malgré la mort, toujours capable de mourir, continuer comme de rien n'était avec, comme horizon et le même espoir, la mort qui n'aurait d'autre issue qu'un "continuez comme si de rien n'était", etc. C'est ce que d'autres religions ont appelé la malédiction des renaissances : on meurt, mais on meurt mal parce qu'on a mal vécu, on est condamné à revivre, et on revit jusqu'à ce qu'étant devenu tout à fait homme, on devienne, en mourant, un homme bienheureux : un homme vraiment mort. Kafka, par la Kabbale et les traditions orientales, a hérité ce thème. L'homme entre dans la nuit, mais la nuit conduit au réveil, et le voilà vermine. Ou bien l'homme meurt, mais en réalité il vit ; il va de ville en ville, porté par les fleuves, reconnu des uns, aidé de personne, l'erreur de la mort ancienne ricanant à son chevet ; c'est une condition étrange, il a oublié de mourir. Mais un autre croit vivre, c'est qu'il a oublié sa mort, et un autre, se sachant mort, lutte en vain pour mourir ; la mort, c'est là-bas, le grand château que l'on ne peut atteindre, et la vie, c'était là-bas, le pays natal que l'on a quitté sur un faux appel ; maintenant, il ne reste plus qu'à lutter, à travailler pour mourir complètement, mais lutter c'est vivre encore ; et tout ce qui rapproche du but rend le but inaccessible.
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Il en coûte certes beaucoup de vouloir faire de l'humain à tout prix.
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« Notre salut est la mort, mais non pas celle-ci. » Nous ne mourons pas, voilà la vérité, mais il en résulte que nous ne vivons pas non plus, nous sommes morts de notre vivant, nous sommes essentiellement des survivants. Ainsi la mort finit-elle notre vie, mais elle ne finit pas notre possibilité de mourir ; elle est réelle comme fin de la vie et apparente comme fin de la mort.
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Quand Kafka écrit au hasard la phrase : "Il regardait par la fenêtre", il se trouve, dit-il, dans un genre d'inspiration telle que cette phrase est déjà parfaite. C'est qu'il en est l'auteur – ou, plus exactement, grâce à elle, il est auteur : c'est d'elle qu'il tire son existence, il l'a faite et elle le fait, elle est lui-même et il est tout entier ce qu'elle est. De là sa joie, sa joie sans mélange, sans défaut . Quoi qu'il puisse écrire, "la phrase est déjà parfaite." Telle est la certitude profonde et étrange dont l'art se fait un but. Ce qui est écrit n'est ni bien ni mal écrit, ni important ni vain, ni mémorable ni digne d'oubli : c'est le mouvement parfait par lequel ce qui au-dedans n'était rien est venu dans la réalité monumentale du dehors comme quelque chose de nécessairement vrai, comme une traduction nécessairement fidèle, puisque celui qu'elle traduit n'existe que par elle et en elle. On peut dire que cette certitude est comme le paradis intérieur de l'écrivain et que l'écriture automatique n'a été qu'un moyen pour rendre réel cet âge d'or, ce que Hegel appelle le pur bonheur de passer de la nuit de la possibilité au jour de la présence, ou encore la certitude que ce qui surgit dans la lumière n'est pas autre chose que ce qui dormait dans la nuit. Mais qu'en résulte-t-il ? À l'écrivain qui tout entier se rassemble et se renferme dans la phrase "Il regardait par la fenêtre", en apparence nulle justification ne peut être demandée sur cette phrase, puisque pour lui rien n'existe qu'elle. Mais, elle, du moins, existe, et si elle existe vraiment au point de faire de celui qui l'a écrite un écrivain, c'est qu'elle n'est pas seulement sa phrase, mais la phrase d'autres hommes, capables de la lire, une phrase universelle.
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Pourquoi, plus on s'approche de son cœur, semble-t-on s'approcher d'un centre inconsolé d'où parfois jaillit un éclair perçant, excès de douleur, excès de joie ? Qui a le droit de parler de Kafka sans faire entendre cette énigme qui parle avec la complexité, la simplicité des énigmes ?
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