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Critique de blanchenoir


"- le mot entendre, pour cet acte d'approche, conviendrait mieux que le mot lire. Derrière les mots qui se lisent, comme avant les mots qui s'écrivent, il y a une voix déjà inscrite, non entendue et non parlante, et l'auteur est, auprès de cette voix, à égalité avec le lecteur : tous deux, presque confondus, cherchant à la reconnaître."

Je n'ai pas hésité une seconde pour inclure ce livre remarquable dans ceux à emmener pour une île déserte : il est très long, inépuisable...
Blanchot sur une île déserte ? S'il m'en faut qu'un, ce sera celui-ci...

L'Entretien infini est effectivement d'emblée présenté comme un entretien : pas de narrateur unique mais des voix plurielles qui cherchent et qui questionnent... Car la pensée de Blanchot, loin de prétendre à la connaissance, questionne, soulève, intrigue et indique. C'est l'ambiguïté qui est soulignée et qui s'impose. Car

"le langage ne dit jamais seulement ce qu'il dit, mais toujours plus, et toujours moins".

Bouleversantes, la pensée et l'écriture de Blanchot essaient de nous faire entrevoir un entre-deux, un espace inconnu et infini qui est l'extériorité même, le dehors, lié au neutre.
Plus de moi, plus de je, plus d'auteur ni de livre mais "l'absence de livre", le "désoeuvrement", qui est l'exigence de l'écriture (non humaine), d'une parole désarticulée et balbutiante... Certains, comme Artaud, seront le lieu (arbitraire) de ce cri qui se fait entendre.
Il s'agit donc d'entendre, entre les mots, la proximité d'un lointain qui est ni transcendance, ni immanence... de quoi s'agit-il donc ? de cela. de ce Il y a qui provoque toutes les possibilités et qui fait de ces possibilités une lueur pour la pensée, un chemin qui dure longtemps...
Non plus la puissance et l'unité mais l'éclatement, l'irréciprocité, le malheur et la joie de l'instant.
Dans ce livre,Lévinas, Artaud, Héraclite, Nietzsche, Bataille, Sade, Novalis, Hölderlin, le surréalisme, Robert Antelme, Kafka bien sûr, Mallarmé, et beaucoup d'autres sont convoqués et évoqués en tant que leur écriture rejoint le signe et le cri. le cri qui exige l'écriture et parfois, pousse à ce que l'on nomme la folie.

A travers les chapitres intitulés La parole plurielle et L'expérience limite, l'écriture de Blanchot nous met face à une parole qui n'est ni dialectique et rationnelle, ni mystique, en tant qu'elle ne vise pas l'unité d'un tout unifiant mais l'autre comme radicalement autre et non pas comme autre du même, ce qui serait un autre même...

"Distance nue", "l'aléa qui toujours voudrait briser le livre, rompre le savoir et déranger jusqu'au désir en faisant du livre, du savoir et du désir la réponse à l'inconnu, quand il n'y a de temps qu'entre-temps" (à propos de Nadja de Breton)...

Désarrangement, désarroi, jeu, aléa et rencontre, tels sont les mots qui indiquent cet espace vide et ouvert, hasardeux, en tant que "le hasard est l'indéterminant qui indétermine"...

Vertige de la pensée, respiration saccadée, la lecture lente de L'entretien infini est une plongée dans un espace qui peine à trouver sa place. Toujours déjà décentré, ailleurs, dehors. D'où, peut-être cette sensation d'apaisement à la lecture de ce livre... Chaque page, en effet, donne lieu à une expérience de lecture étonnante et fascinante où l'essentiel est la plupart du temps entre parenthèses.... Entre deux, parenthèses, simplicité et inconnu... pour une littérature à venir ?

"Champ "aux confins de l'art et de la vie", lieu de tension et de différence où tout rapport est d'irréciprocité, espace multiple que seule affirmerait, à l'écart de toute affirmation, une parole plurielle, celle qui, donnant un sens nouveau à la pluralité, recevrait en retour de celle-ci la possibilité silencieuse : la mort enfin vécue".

L'écriture, intimement liée à la mort... Ecrire et mourir se font ici du même pas...
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