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EAN : 9782070268269
640 pages
Gallimard (27/11/1969)
4.4/5   24 notes
Résumé :
« Écrire, l'exigence d'écrire : non plus l'écriture qui s'est toujours mise (par une nécessité nullement évitable) au service de la parole ou de la pensée dite idéaliste, c'est-à-dire moralisante, mais l'écriture qui, par sa force propre lentement libérée (force aléatoire d'absence), semble ne se consacrer qu'à elle-même qui reste sans identité et, peu à peu, dégage des possibilités tout autres, une façon anonyme, distraite, différée et dispersée d'être en rapport p... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (4) Ajouter une critique
"- le mot entendre, pour cet acte d'approche, conviendrait mieux que le mot lire. Derrière les mots qui se lisent, comme avant les mots qui s'écrivent, il y a une voix déjà inscrite, non entendue et non parlante, et l'auteur est, auprès de cette voix, à égalité avec le lecteur : tous deux, presque confondus, cherchant à la reconnaître."

Je n'ai pas hésité une seconde pour inclure ce livre remarquable dans ceux à emmener pour une île déserte : il est très long, inépuisable...
Blanchot sur une île déserte ? S'il m'en faut qu'un, ce sera celui-ci...

L'Entretien infini est effectivement d'emblée présenté comme un entretien : pas de narrateur unique mais des voix plurielles qui cherchent et qui questionnent... Car la pensée de Blanchot, loin de prétendre à la connaissance, questionne, soulève, intrigue et indique. C'est l'ambiguïté qui est soulignée et qui s'impose. Car

"le langage ne dit jamais seulement ce qu'il dit, mais toujours plus, et toujours moins".

Bouleversantes, la pensée et l'écriture de Blanchot essaient de nous faire entrevoir un entre-deux, un espace inconnu et infini qui est l'extériorité même, le dehors, lié au neutre.
Plus de moi, plus de je, plus d'auteur ni de livre mais "l'absence de livre", le "désoeuvrement", qui est l'exigence de l'écriture (non humaine), d'une parole désarticulée et balbutiante... Certains, comme Artaud, seront le lieu (arbitraire) de ce cri qui se fait entendre.
Il s'agit donc d'entendre, entre les mots, la proximité d'un lointain qui est ni transcendance, ni immanence... de quoi s'agit-il donc ? de cela. de ce Il y a qui provoque toutes les possibilités et qui fait de ces possibilités une lueur pour la pensée, un chemin qui dure longtemps...
Non plus la puissance et l'unité mais l'éclatement, l'irréciprocité, le malheur et la joie de l'instant.
Dans ce livre,Lévinas, Artaud, Héraclite, Nietzsche, Bataille, Sade, Novalis, Hölderlin, le surréalisme, Robert Antelme, Kafka bien sûr, Mallarmé, et beaucoup d'autres sont convoqués et évoqués en tant que leur écriture rejoint le signe et le cri. le cri qui exige l'écriture et parfois, pousse à ce que l'on nomme la folie.

A travers les chapitres intitulés La parole plurielle et L'expérience limite, l'écriture de Blanchot nous met face à une parole qui n'est ni dialectique et rationnelle, ni mystique, en tant qu'elle ne vise pas l'unité d'un tout unifiant mais l'autre comme radicalement autre et non pas comme autre du même, ce qui serait un autre même...

"Distance nue", "l'aléa qui toujours voudrait briser le livre, rompre le savoir et déranger jusqu'au désir en faisant du livre, du savoir et du désir la réponse à l'inconnu, quand il n'y a de temps qu'entre-temps" (à propos de Nadja de Breton)...

Désarrangement, désarroi, jeu, aléa et rencontre, tels sont les mots qui indiquent cet espace vide et ouvert, hasardeux, en tant que "le hasard est l'indéterminant qui indétermine"...

Vertige de la pensée, respiration saccadée, la lecture lente de L'entretien infini est une plongée dans un espace qui peine à trouver sa place. Toujours déjà décentré, ailleurs, dehors. D'où, peut-être cette sensation d'apaisement à la lecture de ce livre... Chaque page, en effet, donne lieu à une expérience de lecture étonnante et fascinante où l'essentiel est la plupart du temps entre parenthèses.... Entre deux, parenthèses, simplicité et inconnu... pour une littérature à venir ?

"Champ "aux confins de l'art et de la vie", lieu de tension et de différence où tout rapport est d'irréciprocité, espace multiple que seule affirmerait, à l'écart de toute affirmation, une parole plurielle, celle qui, donnant un sens nouveau à la pluralité, recevrait en retour de celle-ci la possibilité silencieuse : la mort enfin vécue".

L'écriture, intimement liée à la mort... Ecrire et mourir se font ici du même pas...
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Blanchot ou le sheikh du Barzakh, comme je dis souvent en plaisantant à une murîd, toujours dans l'entre-deux et ne voulant point passer dans l'un ou l'autre monde. Ainsi, la relation maître-disciple serait ici, pour lui, essentiellement une infranchissable distance, une dynamique tendue entre le disciple et le maître, lequel n'a pas pour fonction d'instruire mais de dérouter au fond : un murshid dont la fonction n'est pas de guider mais d'égarer, du moins d'empêcher l'arrivée, et surtout d'arriver à sa personne, ce qui éteindrait la quête. Un lien de tension assez proche de l'amour courtois, où l'accomplissement est soit inaccessible, ou recule toujours, ou se dérobe, afin que reste le désir et la brûlure qui est le lien véritable. de même le maître est peut-être celui qui sait garder entre lui et l'élève, un pont éternel, c'est-à-dire jamais franchi totalement, jamais effondré non plus.
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A la vue, à la clarté, aux contours nets et solaires d'une vérité solaire, l'UN, Blanchot aime bien opposer la parole qui embrouille, déroute, la parole transgressive qui aveugle. le Dieu parole de l'Ancien Testament opposé à l'éternelle vérité statique de l'Image grecque. Alors que les courants iconoclastes surtout venus de la Bible et plus tard du Coran ont dénoncé l'image comme scandaleuse, Blanchot montre que c'est la Parole qui est dangereuse, effraction, transgression, source de désordre et de discorde, fitna. L'image relie, met d'accord, rassemble.
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C'est une piètre piété que celle qui demande de croire pour être, ce qui corrobore fort à propos mes doutes sur la sagesse de l'agnostique...
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Citations et extraits (83) Voir plus Ajouter une citation
Il reste que si Le Château détient en lui comme son centre (et l'absence de tout centre) ce que nous appelons le neutre, le fait de le nommer ne peut rester tout à fait sans conséquences. Pourquoi ce nom ?

"Pourquoi ce nom ? Et est-ce bien un nom ?
- Ce serait une figure ?
- Alors une figure qui ne figure que ce nom.
- Et pourquoi un seul parlant, une seule parole ne peuvent-ils jamais réussir, malgré l'apparence, à le nommer ? Il faut être au moins deux pour le dire.
- Je le sais. Il faut que nous soyons deux.
- Mais pourquoi deux ? Pourquoi deux paroles pour dire une même chose ?
- C'est que celui qui l'a dit, c'est toujours l'autre."
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Et Héraclite a dit avant les autres : " Si toutes choses devenaient fumée, on les discernerait avec les narines." Mais il ne faisait pas du nez un organe théologique. Je n'ai rien, notez-le, contre l'odeur de fin de temps. Il est possible que cette mixture de vague science, de confuse vision, d'incertaine théologie, telle qu'on la trouve chez Teilhard, ait aussi une valeur de symptôme, et même de pronostic : Dans les périodes de transition, on voit se développer ce genre de littérature. Ce qui est pénible, c'est que cet homme sincère et courageux ne se rend pas compte de l'horrible mélange dont il doit se contenter, parlant au nom du savoir, alors qu'il parle en auteur de science-fiction.
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Il ne faut pas douter de l'essence dangereuse du quotidien, ni de ce malaise qui nous en saisit, chaque fois que, par un saut imprévisible, nous nous en écartons et, nous tenant en face de lui, découvrons que rien précisément ne nous fait face : "Comment ? C'est cela, ma vie quotidienne ?" Non seulement, il n'en faut pas douter, mais il ne faut pas la redouter, il faudrait bien plutôt chercher à ressaisir la secrète capacité destructrice qui est là en jeu, la force corrosive de l'anonymat humain, l'usure infinie. Le héros, pourtant homme de courage, est celui qui a peur du quotidien et qui en a peur, non pas parce qu'il craint d'y avoir trop à son aise, mais parce qu'il redoute d'y rencontrer le plus redoutable : une puissance de dissolution. Le quotidien récuse les valeurs héroïques, mais c'est qu'il récuse bien davantage, toutes les valeurs et l'idée même de valeur, ruinant toujours à nouveau la différence abusive entre authenticité et inauthenticité. L'indifférence journalière se situe à un niveau où la question de valeur ne se pose pas : il y a du quotidien (sans sujet, sans objet), et tandis qu'il y en a, le "il" quotidien n'a pas à valoir et, si la valeur prétend cependant intervenir, alors "il" ne vaut "rien" et "rien" ne vaut à son contact. Faire l'expérience de la quotidienneté, c'est se mettre à l'épreuve du nihilisme radical qui est comme son essence et par lequel, dans le vide qui l'anime, elle ne cesse de détenir le principe de sa propre critique.
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L'homme tout à fait malheureux, l'homme réduit par l'abjection, la faim, la maladie, la peur, devient ce qu'il n'a plus de rapport avec soi, ni avec qui que ce soit, une neutralité vide, un fantôme errant dans un espace où il n'arrive rien, un vivant tombé au-dessous des besoins. Ce malheur peut être particulier, mais il concerne surtout le grand nombre. Qui a faim pour soi seul et vit dans le dénuement de l'injustice, au milieu d'un monde encore heureux et tranquille, a une chance d'être renvoyé à une solitude violente, à ces sentiments qu'on appelle mauvais, envie, honte, désir de se venger, de tuer, de se tuer, où il y a encore de l'espoir. La faim dont nous parle Knut Hamsun est une faim que l'orgueil peut nourrir. Il semble que l'infini du nombre soit la vérité de cette autre sorte de malheur, mais il y a un point où ce qui est souffert ensemble, ne rapproche pas, n'isole pas, ne fait que répéter le mouvement d'un malheur anonyme, qui ne vous appartient pas, et ne vous fait pas appartenir à un espoir, mais c'est une dissemblance infinie, une oscillation sans niveau, une égalité sans rien d'égal. Et il n'est pas sûr qu'il soit nécessaire, pour s'approcher d'une telle situation, de recourir à ces exemples bouleversants et si vastes qu'a produits notre temps. Il est une fatigue dont on ne peut se reposer, qui consiste en ceci que l'on ne peut plus interrompre ce qu'on fait, travaillant toujours plus et, en somme, à la satisfaction générale : on ne peut plus être fatigué, se séparer de sa fatigue pour la dominer, la déposer et atteindre le repos. Ainsi la misère : le malheur. Il devient invisible et comme oublié. Il disparaît en celui qu'il a fait disparaître (sans porter atteinte à son existence), intolérable, mais toujours supporté, parce que celui qui le supporte n'est plus là pour l'éprouver en première personne.
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L'immensité intime, dialectique du dehors et du dedans Phénoménologie du rond. Que cette image nous loge et nous déloge, nous donne un sentiment du séjour heureux ou malheureux, nous resserre et nous abrite, nous déporte et nous transporte, cela ne veut pas seulement dire que l'imagination s'empare des expériences réelles ou irréelles de l'espace, mais que nous approchons, par l'image, de l'espace même de l'image, de ce dehors qu'est son intimité, "cet horrible en dedans-en dehors qu'est le vrai espace", selon les termes de Michaux qu'on ne peut guère oublier, lorsqu'on les a saisis.
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Acceptez-vous une expérience de lecture un peu particulière ? Un livre hermétique mais qui peut vous procurer un immense plaisir…
« Thomas l'obscur » de Maurice Blanchot, c'est à lire chez Gallimard dans la collection L'Imaginaire.
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