AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
Citations sur Arènes sanglantes (10)

Cependant le taureau, après avoir couru encore un peu en boitant, s’était arrêté, afin de moins souffrir. Alors Gallardo prit une autre épée et vint se placer devant la bête, avec l’intention de procéder au descabello. Il appuya le bout de la lame entre les deux cornes, tout en agitant le chiffon avec la main gauche, pour obtenir que l’animal baissât le mufle jusqu’à terre ; et, d’un coup de poignet, il poussa l’épée. Mais le taureau, piqué, secoua la tête et rejeta l’arme.
Commenter  J’apprécie          90
Comme toutes les fois qu’il y avait course de taureaux, Juan Gallardo déjeuna de bonne heure. Il mangea une simple tranche de viande rôtie, sans boire une seule goutte de vin : car il fallait être en pleine possession de
son sang-froid. Il prit deux tasses de café noir très fort, et, après avoir allumé un cigare énorme, il resta là, les coudes sur la table et la mâchoire appuyée sur les mains, regardant avec des yeux somnolents les personnes qui,
peu à peu, arrivaient dans la salle à manger.

Depuis quelques années, c’est-à-dire depuis qu’on lui avait donné l’alternative au cirque de Madrid, il venait loger à cet hôtel de la rue d’Alcalá, où les patrons le traitaient comme s’il avait été de la famille, où les garçons de salle, les portiers, les marmitons et les vieilles servantes l’adoraient comme une des gloires de l’établissement. C’était là aussi qu’à la suite de deux blessures il avait passé de longues journées enveloppé de linges, dans une atmosphère chargée d’iodoforme et de fumée de tabac ; mais ce fâcheux souvenir ne l’affectait guère. Avec sa superstition de Méridional exposé à des dangers continuels, il croyait que cet hôtel était de bon augure et que, logé là, il n’aurait à redouter aucun accident grave : peut- être quelqu’un des moindres risques de la profession, par exemple une déchirure dans le costume ou dans la peau, mais non le désastre de tomber pour ne plus se relever,comme cela était advenu à des camarades dont le souvenir troublait ses instants les plus heureux.
Commenter  J’apprécie          20
Entre les doigts de pied, Garabato introduisit de
petites touffes de coton. Puis, sur la plante et sur le coude-pied, il étendit des plaques de cette molle enveloppe,
et, tirant sur les bandes, il commença de les rouler en
spirales serrées, comme celles qu’on voit aux momies
égyptiennes. Ensuite il prit les aiguilles qu’il portait tout
enfilées sur sa manche, et il cousit soigneusement les
extrémités des bandes.
Commenter  J’apprécie          10
r troublait ses instants les plus heureux.
Les jours de course, après avoir déjeuné de bonne
heure, l’espada s’attardait volontiers dans la salle à manger
et s’amusait à observer le mouvement des voyageurs,
étrangers ou provinciaux venus de loin, qui d’abord
passaient à côté de lui sans le regarder, puis se retournaient curieusement, lorsqu’ils avaient appris des garçons
que ce bel homme à la face rasée et aux yeux noirs, vêtu
en fils de famille, c’était Juan Gallardo, celui que tout le
monde appelait familièrement «le Gallardo2
», l’illustre
matador. Il trouvait là, jusqu’au moment de se rendre aux
arènes, une distraction à sa pénible attente. Comme le
temps était long !
Commenter  J’apprécie          10
Gallardo, debout contre la barrière, essuyait la sueur de
son front avec un linge que lui avait donné Garabato. Puis
il but un verre d’eau, les épaules tournées vers le redondel,
pour ne pas voir les prouesses de son camarade. Hors du
cirque, il estimait ses rivaux, en vertu de cette fraternité
que crée le péril ; mais, dès qu’il était dans l’arène, tous
devenaient pour lui des ennemis, et leurs succès le chagrinaient comme autant d’offenses. À cette heure, l’enthousiasme témoigné par le public à Fuentes lui faisait l’effet
d’un vol commis au détriment de sa propre gloire.
Commenter  J’apprécie          00
Gallardo se moquait des anciens aficionados, graves
docteurs en tauromachie, qui affirmaient qu’un accident
était impossible pourvu que le torero observât exactement les règles de l’art. Les règles ! Il les ignorait, lui, et
il ne se mettait pas en peine de les apprendre. Ce qu’il
fallait pour vaincre, c’était de la vigueur, de l’audace. Et,
presque à l’aveugle, sans autre guide que sa témérité, sans
autre ressource que ses qualités corporelles, il avait fait
une rapide carrière, transportant d’admiration le public,
le stupéfiant par sa hardiesse folle
Commenter  J’apprécie          00
Et il le dévisageait avec colère, comme s’il voulait le
frapper, convaincu que cette impiété pouvait attirer sur
lui-même les plus grands malheurs.
« Bon ! je me découvre ! répondit le Nacional avec une
brusquerie d’enfant maussade, lorsque la croix se fut éloignée. Je me découvre, mais c’est pour le mort ! »
Commenter  J’apprécie          00
Gallardo, comme si son corps eût conservé l’âcre
relent de la misère où s’était passée sa jeunesse, se parfumait avec une scandaleuse prodigalité. Ses ennemis se
moquaient de ce garçon athlétique, qui fleurait bon
comme une courtisane. Quant à ses amis, ils souriaient de
cette faiblesse ; mais quelquefois ils étaient obligés de
détourner le nez, parce que les trop violents effluves leur
soulevaient le cœur. Toute une parfumerie l’accompagnait
dans ses voyages, et les essences les plus féminines embaumaient sa personne, lorsqu’il s’avançait dans l’arène, parmi
les chevaux morts, au milieu des entrailles répandues et
des bouses mêlées de sang. Quelques cocottes enthousiastes, dont il avait fait la connaissance au cours d’une
tournée dans la France méridionale, lui avaient enseigné le
secret de certaines mixtures extraordinaires. Mais rien
n’était comparable au parfum de la lettre, à ce parfum fort
et suave, mystérieux et subtil, le même dont se parfumait
la femme qui lui avait écrit, un bizarre, exquis et indéfinissable parfum qui semblait émané d’une chair aristocratique et qu’il appelait « odeur de dame ».
Commenter  J’apprécie          00
Sur ces entrefaites entrèrent dans la salle à manger
des amis enthousiastes qui, avant d’aller déjeuner, désiraient voir l’espada3
. C’étaient de vieux aficionados4
qui,
heureux de figurer dans une coterie et de posséder une
idole, avaient adopté Gallardo pour « leur matador » et lui
donnaient de sages conseils, non sans rappeler à tout
bout de champ leur adoration rétrospective pour
Lagartijo ou pour Frascuelo5
. Ils tutoyaient le matador
avec une familiarité protectrice ; mais celui-ci, lorsqu’il
leur répondait, ne manquait pas de mettre don devant
leurs prénoms, en vertu de la traditionnelle séparation de
castes qui existe entre le torero, surgi de la plus basse
classe sociale, et ses admirateurs.
Commenter  J’apprécie          00
Des effluves de parfums anglais, suaves et subtils,
répandus avec profusion, émanaient de ses vêtements, de
la chevelure noire et lustrée dont il lissait les boucles sur
ses tempes ; et, devant la curiosité féminine, il se carrait
dans une posture de triomphateur. Non, pour un torero il
n’était pas mal. Il se sentait content de lui-même. Un
autre qui fût plus distingué, plus capable de plaire aux
femmes, on ne l’aurait pas trouvé facilement…
Commenter  J’apprécie          00




    Lecteurs (69) Voir plus



    Quiz Voir plus

    Littérature espagnole au cinéma

    Qui est le fameux Capitan Alatriste d'Arturo Pérez-Reverte, dans un film d'Agustín Díaz Yanes sorti en 2006?

    Vincent Perez
    Olivier Martinez
    Viggo Mortensen

    10 questions
    95 lecteurs ont répondu
    Thèmes : cinema , espagne , littérature espagnoleCréer un quiz sur ce livre

    {* *}