Citations sur Nous, les vivants (41)
Les régions d'altitude connaissent le double régime des heures de lumière et d'obscurité : quand il fait jour, la haute montagne est un appareil de glaces friables, de névés fondants, de parois d'où pleuvent des matériaux détachés; quand il fait nuit, sous l'effet constricteur des basses températures, ce même assemblage se resserre et se pétrifie -- offrant à l'alpiniste, jusqu'au lever du soleil, la chance d'y évoluer plus en sécurité.
-- Je dois y aller. Ma femme et ma fille m'attendent.
-- Ta fille? Catalina a accouché?
-- Ca fait trois ans, déjà...
-- Trois ans? Bonté divine! je m'y fais pas... De nouveaux être voient le jour. Il faut s'habituer à eux.
-- Se déshabituer des morts, compléta Jésus.
La montagne de l'intérieur? "C'est un monde âpre, tout en arêtes tranchantes et en dévers abrupts. Les vallées sont sauvages et les hameaux épars. Le relief alterne des plateaux nus, rabotés par les vents, et des gorges ténébreuses dont le soleil n'éclaire jamais le fond. Tout en bas, piaffent des torrents d'eau noire, freinés à la mauvaise saison par la neige qui s'amasse sur les berges. Depuis les lointains glaciers, ils charrient des cadavres de bêtes et des pins foudroyés."
Longtemps après l'atterrissage, des images inouïes continuaient d'imprégner ma rétine. Elles me donnaient, paraît-il, l'air songeur et presque hébété des victimes d'envoûtement.
A Upsallata les rues sont peu, quelques rangs de part et d'autre de la nationale 7. Au-delà, la nature reprend ses droits : plaine caillouteuse et champs d'herbes folles, qui sont ici la norme du paysage.
Mais nous, les vivants, nous ne brillons qu'un instant, non pas diamants mais perles de rosée, avant la nuit qui tout avale.
Au début de chaque vol, la prise d'altitude amplifiait considérablement le champ visuel. La chaîne de la Cordillère gagnait en présence et en proximité, remplissant d'un coup tout l'espace jusqu'à l'horizon. Impossible alors de s'en distraire. On pouvait ignorer les montagnes au volant d'un pick-up, pas aux commandes d'un engin volant.
Souviens-toi ; Jésus connait la montagne. Tu dois lui faire confiance. En aucun cas, ne t’écarte de la voie qu’il ouvrira pour vous. Mets tes pas dans les siens, et tout ira bien
Aucune idée de l'altitude mais, si de la vapeur sort de ma bouche, ce doit être haut. Il règne ici je ne sais quelle tension de l'atmosphère, certain silence dont les bruits sont enrobés ou parfois l'écho d'une pierre qui roule, et ce fumet de tourbe, de laine humide : nous avons sûrement franchi les trois mille mètres. Des choucas font cercle au-dessus de nous, au firmament sombre du ciel.
Le refuge Maravilla donnait l'image d'un monde à l'arrêt -- rabâché, plutôt, soumis aux cycles étroits d'une réalité sans imagination. Les mêmes être s'y perpétuaient, exécutant les mêmes gestes, prononçant les mêmes mots.