Je commencerais par un extrait qui respecte composition et ponctuation :
« ils m'ont dit Yuamï, on va t'apprendre à tuer
j'ai répondu que je ne voulais tuer personne
Ils m'ont dit que si je voulais vivre, il fallait que je sache tuer
que c'était comme ça chez eux »
“Chez eux”, c'est le désert. “Eux”, ce sont des djihadistes. “Yumaï”, c'est Baptiste, ainsi renommé par ceux qui l'ont enlevé avec sa famille. La virée dans l'horreur est sépulcrale. Nous la découvrons, par bribes, tant la mémoire du jeune adolescent est endommagée, disloquée, tant son corps est dépeuplé, vide. Nous comprenons qu'il est le seul rescapé. Il est là, mais il n'existe plus.
Une suite de questions (de celui qu'on imagine un psychologue) et de réponses, dans un dialogue ponctué de silences et exempt de ponctuation, alterne avec un récit distancié des événements, à la troisième personne. Là est le génie d'
Alain Blottière. Cette narration dévoile des fragments de l'histoire, ouvre des voies parfois sans issue lorsque l'esprit de Baptiste résiste, tout en offrant en lecteur des zones de respiration, mais surtout d'acceptation de la barbarie qui se dessine.
Je suis entrée dans l'univers littéraire d'
Alain Blottière avec
le tombeau de Tommy, que je recommande vivement ! J'ai aussi la chance de connaître Alain et d'avoir travaillé avec lui sur le projet d'un beau livre… Et voici ce que je sais : Alain EST son écriture. Simple, pudique et sincère. Sans jugement, d'une grande finesse. Pas un mot de trop.
Dans ce roman, il dit l'indicible. Et c'est sans doute ce qui permet au lecteur de ressentir et éprouver Baptiste dans ses plus noires profondeurs, noyées de douleur, d'espoir anéanti et de morts.
Comment Baptiste est mort est le récit d'un rapt, celui de l'âme. Glaçant.