Sans avoir la maîtrise et la force de ses derniers romans, celui-ci porte bien son titre et emmène le lecteur en un voyage enchanté sur les rives du Nil en compagnie d'un prince, descendant de Mahomet, qui entretient autour de son personnage une aura mystérieuse et magique. Il vit ses derniers jours et s'apprête à livrer une biographie idéalisée à un écrivain-nègre qu'il a choisi après avoir l'un de ses romans qui lui rappelle sa propre histoire. Mais il laisse échapper, un à un, les secrets d'une existence tourmentée et tumultueuse et plus il se rapproche de sa fin, plus il va se délester de ses masques et artifices pour se mettre à nu, allégé du fardeau inutile que sont à présent les mensonges d'une vie usurpée et finalement vaine, triste et solitaire.
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Pourquoi voyageait-il? Il devait rêver d'une grande aventure, de sensations fortes, d'amitiés vraies, mais ce n'était pas cela qu'il cherchait vraiment, ni ce dont il avait besoin. Je crois qu'il cherchait seulement, sans le savoir, un endroit où se cacher...Il aurait aimé se débarrasser de son goût de la solitude, de l'ombre, des livres, mieux s'accorder au monde de son temps, et sans doute ne savait-il pas encore que c'était impossible, qu'il ne serait jamais fait pour ce monde.
pp.200,201
J'ai incarné l'un de ces mirages devant lesquels chaque jour des milliards d'hommes se prosternent. Je suis fier d'avoir su les tromper. Car c'était cela mon rôle, monsieur Paille, et je l'ai tenu sans faillir jusqu'à son terme. Seulement pour goûter l'ampleur de ce mensonge au moment de partir, pour quitter la scène sans rien regretter, il fallait bien qu'on sache que je n'avais été qu'un acteur. Il fallait que je dise au moins une fois la vérité.
Un vieux potentat qui tente jusqu'à la mort de se débarrasser du fardeau de son destin, de s'alléger, de se détacher, de devenir pauvre, pour un être à peine sorti de l'enfance et démuni de tout mais qui vit sa vie spontanément avec la légèreté d'un oiseau.
pp.182,183
Je crois depuis ce jour qu'il n'est pas d'image plus bienfaisante que le sourire d'un mort, et je comprends qu'on s'acharne parfois à lire sur les traits d'un cadavre l'expression d'une sérénité.
p. 131
Il voulait laisser de lui, apparemment, l'image dont il avait depuis son adolescence tumultueuse distillé les contours en trompe l’œil et les couleurs fausses.
A l'occasion du Prix Orange du livre 2020, les jurés issus de la communauté Lecteurs.com présentent chacun des 5 finalistes.
Voici Hanaë, pour "Azur noir" d'Alain Blottière (Gallimard).
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