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Critique de Laureneb


« Tu rimes mal, animal ». Cette apostrophe de Caracole, le troubadour de la Horde du Contrevent lors d'une joute poétique, peut sembler incongru pour parler de l'Art poétique de Nicolas Boileau... Caracole explique que les strophes de son adversaire sentent la sueur et le travail, le labeur, alors que lui, plus libre, improvise, quitte à ce que le rythme soit parfois un peu bancal.
Et c'est l'impression que j'ai ressenti. Boileau écrit un « art poétique », c'est-à-dire une technique de l'écriture, au sens de l'apprentissage fourni par l'artisan qui fait et refait sans cesse les mêmes gestes. Après tout, c'est dans cette oeuvre qu'on trouve une formule proverbiale connue :
« Hâtez-vous lentement ; et, sans perdre courage,
Vingt fois sur le métier remettez votre ouvrage :
Polissez-le sans cesse et le repolissez ;
Ajoutez quelquefois, et souvent effacez ».
Boileau semble vouloir cadrer la langue, « la réparer » (chant I), lui refuser toute fantaisie, toute virtuosité. Ainsi, pas d'image, pas de frivolité et encore moins d'érotisme, pas de mots vulgaires ni grossiers... Son écriture est donc une application par les mots de sa théorie. Ses alexandrins ont donc une « juste cadence » (chant I), à tel point que juste à la lecture on « sent » le découpage des pieds, on entend la césure ; aucune fantaisie dans les rimes qui sont d'ailleurs des rimes plates, aucun enjambement du vers sur le suivant... On sent qu'il a travaillé, au sens étymologique du terme, c'est-à-dire qu'il a souffert pour produire ses vers, recommençant plusieurs fois, comme il le recommande d'ailleurs. On est loin de l'image de la Muse inspiratrice du génie. Pas de génie, mais un homme de règles, de règlement même, qui cherche à donner à l'écriture de l'ordre, une rectitude absolue, lors de ce siècle appelé le Grand siècle, âge d'or du classicisme.
Il donne aussi une hiérarchie des genres, toujours dans cette volonté d'ordre et de classement, en méprisant d'ailleurs ce qui vient d'ailleurs, comme par exemple l'inspiration italienne du sonnet. le chant III est ainsi celui qui fixe par écrit les « règles du théâtre classique », le vraisemblable, l'unité de temps, la bienséance. S'érigeant en arbitre du bon goût, il critique toute la farce et le burlesque de Molière, tout le baroque des pièces de Corneille. Et, en ce Grand siècle qui n'est Grand que parce qu'il est celui de Louis le Grand, il finit en bon courtisan par recommander aux poètes d'écrire de la poésie épique et lyrique pour célébrer les victoires militaires du roi.
Moi qui apprécie en poésie la sensualité de Ronsard, la puissance de Hugo ou la musicalité de Verlaine, je n'ai rien retrouvé de ce que j'aime...
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