Citations sur Sommeil de cendres (28)
Elle sortit le pistolet de la poche de son manteau et lui tendit avec un grand sourire. il prit le chargeur dans son blazer, et pendant qu'il le remettait dans l'arme, elle souleva le bras de lecture du tourne-disque et le posa sur le vinyle.
Ce fut d'abord un murmure suave, puis, la vois de Roy Orbison s'éleva comme une caresse dans l'appartement.
Debout au milieu de la pièce, Alba regardait Eperlan et il y avait quelque chose d'immense et tendre dans ses yeux.
Elle fit quelques pas vers lui et posa sa main gauche sur son épaule. Il déposa le pistolet automatique sur la chaise en osier et la musique les emmena dans la danse. Après le premier couplet, leurs jambes étaient emmêlées.
- Vous ne devriez pas avoir ce goût pour le malheur, souffla Alba à l'oreille d'Eperlan dans un chuchotement, tout en passant son bras autour de son cou et leurs deux corps firent comme une accolade et, à ce moment-là, le reste du monde avait disparu avec eux et ils s'étaient effacés en lui.
De nombreuses fois avec Catherine, ils avaient évoqué l'idée d'un voyage aux États Unis, mais il procastinait toujours. Non par peur d'être déçu, mais par sentiment qu'il n'irait vérifier que ce qu'il connaissait déjà. Les stations-service au bord des routes, les drugstores, les villes fantômes. L'Amérique était un fantasme et se devait de le rester. P105-106
Vivre, c’était « apprendre à bien poser la tête sur un ventre de femme » (Guillevic). Et le moins que l’on puisse dire, c’était qu’il ne s’était pas senti vivre depuis longtemps.
— Commissaire Wouters, Brigade criminelle !
Il avait hurlé, tant l’imbrication des strates autoroutières au-dessus de leurs têtes agissait comme une caisse de résonance, amplifiant le bruit de la circulation et du vent.
— Brigadier Deveau. On est en train de prendre la déposition du chef d’équipe dans la voiture. C’est lui qui a découvert le corps, là-bas, sur la droite ! brailla à son tour le policier, un bonhomme ventripotent.
Wouters jeta un regard vers le talus situé à quelques mètres, entre le périphérique et la bretelle d’accès à l’autoroute A3.
— D’accord. On l’interrogera tout à l’heure. Vous n’avez pas touché ni déplacé le corps ? cria Wouters.
— Non, non, vous pouvez y aller !
Le krav-maga, appris à l’armée, était comme une extension naturelle de son être.
Le krav-maga est le nom hébreu d’une technique de combat corps à corps créée par Imi Lichtenfeld au lendemain de la Seconde Guerre mondiale. Célérité, fluidité et précision des mouvements les plus faciles, les plus courts et les plus logiques, sont ses vertus cardinales. C’est par Tal, un instructeur de Tsahal, qu’elle y avait été initiée. Toujours frapper les zones sensibles. « Tes réflexes sont des mouvements simples, ton chemin est direct, rien d’inutile », lui avait-il dit un jour.
Dans la journée, la tempête meurtrière atteignit l’Île-de-France, avec des vents violents, dont certaines rafales furent mesurées à plus de 100 km/h. Le soir, après avoir annoncé l’accord du dégagement des troupes en Israël, le présentateur du journal de la seconde chaîne de l’ORTF fit le point sur les dégâts occasionnés. Le propos fut illustré par l’effondrement d’un mur sur des voitures en stationnement à Laval, en Mayenne. À 23 h 47, une bourrasque s’engouffra dans la rue de Rivoli et un automobiliste perdit le contrôle de son véhicule, une Dauphine immatriculée dans les Yvelines qui alla percuter une arcade de l’hôtel Brighton. Il fut tué sur le coup.
Et le parfum de la mort, quand vous l’avez inhalé, vous reste collé au corps. Incrusté dans la peau, invisible et pourtant indélébile, il vous suit jusque dans vos rêves, il vous hante et vous traque et ce parfum entêtant au goût de cendre, Eperlan avait mis sa plus grande force à s’en débarrasser. Il avait plongé dans des eaux soyeuses, pour se libérer de cette pellicule visqueuse, comme on nettoie la crasse. Mais on ne se dépouille pas impunément d’un tel fumet, toujours il se rappelle à vous, au moment où vous vous y attendez le moins et alors, c’est inévitable, les remugles à nouveau vous happent, vous aspirent et vous vous livrez à eux, désarmé, impuissant.
Il ne pleuvait plus. Elle alla s’asseoir sous le cerisier centenaire, face à la vallée. Le village de Jaujac était enseveli sous une nappe de brouillard, où se réfractaient les quelques rayons de soleil qui avaient percé la croûte des nuages, si bien qu’on eût dit qu’un lac s’était formé dans le cratère du volcan.
Dehors, le ciel s’était découvert. Une gosse déchirure faisait un trou dans les nuages, qui s’étageaient en un demi-cercle, comme les marches d’un amphithéâtre, et sur lesquels se diffractaient les rayons d’un pâle soleil.
Il ne faut jamais se fier aux apparences, toutes les choses ont un double sens.