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3,93

sur 277 notes

Critiques filtrées sur 4 étoiles  
Ce roman s'ouvre sur une scène de forge, un spectacle qui convoque les mythes, un « concerto pour enclume et marteaux », avec dans le rôle des maîtres du feu, le père du narrateur, ferronnier d'art, et son employé. le narrateur se replace à la hauteur de l'enfant de cinq ans qu'il était alors. C'est une enfance provinciale, dans les années cinquante, d'un côté un monde d'hommes, de feu et d'acier, de bielles et de vapeur – la famille habite près du dépôt de locomotives –, de l'autre les femmes et la trivialité du quotidien, les fourneaux et les lessiveuses fumantes, le linge qui sèche au vent, toutes choses qui vont bientôt disparaître avec l'avènement des Trente Glorieuses et les débuts de la société de consommation. Mais pour l'enfant ébloui qui voit ces images pour la première fois, tout est tableau qui formera son regard, l'univers semble mû par des forces magiques.
Une tragédie familiale vient renverser l'ordre du monde, le petit frère meurt, chacun devra désormais vivre cet impossible deuil.
Guy Boley a exercé tous les métiers avant d'écrire son premier roman, dans une langue rythmée et visuelle qui fait surgir des images puissantes.
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Fils du feu est le premier roman de Guy Boley. Il parait aux éditions Grasset en cette rentrée littéraire de Septembre 2016.

« le lendemain dimanche, papa ne mégota pas et n'alla pas chercher dans de vagues fourrés de ces matériaux minables avec lesquels d'ordinaire on fabrique les arcs : branches de noisetier, crossettes de vigne ou de figuier, ramilles d'épicéa ou courçons d'arbousier qu'il estimait indignes de moi, fils de forgeron, donc fils du feu, donc fils de roi. Les arcs en bois étaient affaire de mécréant, de Maure ou d'Ottoman. Une seule matière était noble : le fer »

Ce qui marque incontestablement quand on ouvre cet ouvrage, et ce dès les premières lignes, c'est l'écriture. Une rencontre, un véritable choc tant elle est travaillée, pure, concise, subtile et riche. On voit clairement que l'auteur y apporte un soin tout particulier, y attache beaucoup d'importance et ce à chaque phrase qu'il couche sur le papier.

« La lumière d'un tableau participe certainement d'un même mouvement de soi. Qui sait si la lumière qui sourd de la matière que l'on pose sur une toile n'est pas née, elle aussi, d'un grand choc de planètes, d'un grand chaos d'étoiles, d'une conscience qui se meut par-delà le mouvement ? Quelque chose qui pourrait par exemple se nommer tout simplement l'enfance »

Il veut que cela soit littéraire, poétique, beau et souvent très visuel. Il souhaite clairement que le lecteur « en ait pour son argent ». Avec de nombreuses comparaisons, références érudites, voyage entre présent et passé (joie de se retrouver à l'époque mythologique), cette histoire familiale est convaincante et très agréable à lire.

« peu importe dans quelle urne repose la vérité, les dieux ont leurs mystères, les hommes ont leurs légendes, ce qui est d'importance est l'étincelle en nous qu'ils ont su allumer, cette parcelle d'irréel à laquelle on a cru ; le reste n'est que poussière qui s'en va vers la mort et que nous balayons d'un revers de la main »

Certes du coup, même si le roman est court, on n'enchaine pas les chapitres à vitesse grand V. Il faut de la concentration et de l'attention. Tant d'érudition peut faire peur au premier abord, surtout que le début peut apparaître bien décousu mais l'auteur prend garde par petites touches à détendre l'atmosphère, à jouer avec les mots, à garder attentif son hôte. Cela en est devenu limite addictif tant je me suis délecté du style fluide de l'auteur.

« Alors acier acier assieds-toi petit que je te forge l'âme entre enclume et marteau, que je te forge un arc à hauteur de tes rêves »

Que dire de l'intrigue ? Quelques mots tout de même. Elle n'est pas facile, bien au contraire. Je ne dirai pas qu'elle passe au second rang, au contraire, elle est portée par la prose extraordinaire qui délivre un récit cohérent. L'action se passe au moment des trente glorieuses. L'amour d'une famille, beaucoup d'amour (celui de la mère, celui du père, celui du métier de forgeron ou de peintre, celui du narrateur, …), la construction d'un enfant dans les épreuves et le deuil, la folie, l'homosexualité abordée de manière si fine et pudique … une vraie et belle réussite ! Je vous laisse découvrir tant il est difficile pour moi de parler du fond sans spoiler ou vous gâcher votre plaisir.

« je sais désormais que toute ma vie durant, toute ma vie de peintre, je ‘ai rien fait d'autre, absolument rien fait d'autre, artistiquement parlant, que de peindre cela : la mort de Norbert, le chagrin de papa, la folie de maman, la forge en feu, les grenouilles mortes, le dépôt, les cheminots, tout ce passé, tous ces dieux fous qui grouillaient et grouillent encore en moi ; et surtout, lumière d'entre les lumières qui dans ces amas d'ombres illumine ou éclabousse chaque toile : l'absence de Norbert ».

Merveilleusement écrit, Fils du feu est un premier roman fort et remarquable. Comme vous l'avez compris, je l'ai beaucoup apprécié et ne peux que vous le conseiller. Je suivrai à l'avenir cet auteur plus que prometteur.

« Ils étaient incultes, c'est-à-dire intelligents mais sans les livres capables de leur nommer, soit cette intelligence, soit cette inculture »

4,5/5
Lien : https://alombredunoyer.com/2..
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Ce n'est pas très gai, mais c'est un récit d'amour, pour ne pas dire un cri d'amour. le contexte est rude : le travail de la forge, l'enfant qui observe le monde des adultes, avec crainte et désir, la voix du père, la tristesse de la mère, l'absence, la folie, la mort. Cela pourrait être du Zola mais c'est du Boley. Et voilà un premier roman qui mérite toute notre attention. Un roman court mais flamboyant, avec des mots bien choisis qui claquent et quelquefois font frémir. C'est le regard lucide de l'enfant qui glace et l'écriture s'en ressent. Mais, c'est également au-delà de l'histoire tragique, de la belle poésie concise et ciselée.
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Il s'agit d'un roman plein de poésie, qui dit juste ce qu'il faut du deuil pour en faire une véritable catharsis littéraire. J'aime également le flou qui règne entre fiction et l'autobiographie et le très beau dialogue synesthésiques qui se noue entre les différents arts.
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Le début de "Fils du feu" m'a fait immédiatement pensé à la Genèse. le narrateur, encore enfant, décrit la forge où son père travaille avec son ouvrier Jacky. Ces deux hommes, deux Hercule aux yeux du garçonnet, transforment la matière, créent des objets que leur naissance dans un tourbillon de flammes et d'escarbilles anoblit. Les mots de Guy Foley sont autant de flammèches échappées de ce creuset initial, de cette scène fondatrice. Ils décrivent le monde de la forge mais aussi l'univers du narrateur, un quartier populaire d'une petite ville de province. Les mots de Guy Foley ne sont pas ceux d'Emile Zola. Derrière le réalisme affleure toujours un souffle puissant, l'intime conviction que ce quotidien des années 50 ou 60 n'est qu'un voile qui dissimule des forces immémoriales.

La famille de Jérome vit modestement, dans une maison proche de la gare. La suie fascine l'enfant, cette neige étrange qui en retombant devient noire. Dans le quartier, ses parents ne sont pas les plus riches mais régalent leurs voisins avec leur duo de chanteurs d'opérette. le narrateur grandit au fil des pages et les membres de sa famille sont autant de figures emblématiques : le Père, Vulcain moderne, la Mère, que la mort de Norbert, le petit dernier transforme en Mater Dolorosa, le Frère disparu, l'absent qui a emporté dans la tombe l'idée même du bonheur. On devine les forces qui oeuvrent en coulisse, depuis la nuit des temps, la Vie et la Mort dans leur éternel combat.

Les mots de Guy Foley sont des émaux, nés dans le feu de l'écriture. Précieux, brillants, triviaux, violents, tendre ou cruels, des mots de ce roman jaillissent la lumière.

Un livre coup de coeur
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j'ai adoré ce livre, il est prenant, haletant mais il m'a dérangé. Je ne sais pas à qui je pourrai proposer ce livre.
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