Citations sur Isidore et les autres (64)
J'étais persuadé que si je fuguais, ça ferait plaisir à ma mère. Elle se plaignait tout le temps qu'on était pas assez aventureux.
Ce que j'ai bien aimé, par contre, c'est que tout le monde à l'église avait l'air plutôt sympa et triste. Ça m'a changé de l'école, où c'est exactement le contraire. J'ai toujours pensé que j'étais le plus triste de ma classe (enfin, deuxième derrière Denise Galet), et voir que toute cette tristesse pouvait devenir un trait normal à l'âge adulte, ça m'a donné espoir.
Le thé avait trop infusé, il avait un goût de pièces de monnaie qu'on aurait plongées dans de la grenadine.
Vu que notre jardin était le plus mal entretenu du quartier (sa seule gloire était le cerisier, mais c'était pas grâce à nous qu'il survivait, il se debrouillait tout seul), mon état des lieux hebdomadaire était pas beaucoup plus palpitant que l'ennui que je cherchais à fuir en sortant de la maison. A vrai dire, je m'ennuyais autant dehors que dedans, mais disons qu'au moins le silence du jardin était moins pesant que le silence de la maison.
Le salon ressemblait à une salle d'attente. Il y avait plusieurs tables basses avec des magazines. Des soucoupes en verre remplies de bonbons emballés individuellement. On avait jamais eu de magazines à la maison. C'est sans doute pour ça qu'on avait pas de table basse, d'ailleurs.
Le mot "amour", les gens aiment bien parce que c'est festif, ça sonne bien, c'est comme "champagne" : rien que de dire le mot, t'entends sauter le bouchon.
Les enterrements auxquels j'étais déjà allé duraient généralement moins d'une demi-heure, mais celui de la grand-mère de Denise à duré presque aussi longtemps qu'une soutenance de thèse.
J'avais jamais vraiment compris le concept de la récré, son intérêt, sa raison d'être, pourquoi c'était si long. Je passais la récré seul, en général, dans une cage d'escalier isolée, à faire semblant de finir un devoir à la dernière minute au cas où quelqu'un me verrait, qu'il ne pense pas que j'étais juste là à regarder dans le vide, mais ça ne pouvait pas marcher le jour de la rentrée.
Maman mangeait dans des assiettes bleues, parce qu'elle avait lu quelque part que la vaisselle bleue coupait l'appétit, et elle disait toujours qu'elle avait deux kilos à perdre. Ce soir-là, elle avait fait du poisson blanc, et le poisson blanc, on pouvait en manger autant qu'on voulait sans prendre un gramme, d'après elle, mais elle s'était quand même mis une assiette bleue.
J'aimais ma famille, je crois. Je n'en connaissais pas d'autre, c'est vrai, et du coup, je ne pouvais pas trop comparer, mais il me semblait que c'étaient des gens bien, corrects.