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Critique de CeCedille


Adrien Bosc intitule, de manière un peu énigmatique, "Capitaine" le récit romancé de la traversée du cargo Capitaine-Paul-Lemerle, parti de Marseille le 24 mars 1941, à destination de Fort-de France qu'il atteint le 20 avril 1941, avec, à son bord, 222 passagers, anciens des brigades internationales, républicains espagnols, juifs de France, d'Allemagne, d'Autriche, de Pologne, d'Europe orientale, apatrides, écrivains, artistes... tous fuyant les persécutions allemandes. Parmi eux, figurent les noms de Claude Lévi-Strauss, André Breton, Jacqueline Lamba, Victor Serge, Anna Seghers, Germaine Krull, Wifredo Lam, Alfred Kantorowicz, Jacques Rémy.
Le capitaine du navire, Ferdinand Sagols, favorable au régime de Vichy, assure la traversée en maugréant, mais contre fortes rémunérations, dans un cargo très sommairement aménagé pour le transport des passagers (4 cabines pour l'équipage et deux cales transformées en dortoirs de 100 lits pour 250 passagers).
Claude Levi-Strauss raconte l'épisode dans Tristes tropiques. Les photos du voyage, faites par la photographe Germaine Krull  sont conservées au musée Folkwang d'Essen en Allemagne. Par ailleurs, elle relate la traversée et le séjour dans l'ancienne léproserie du Lazaret aux Trois-Ilets dans son autobiographie, publiée en 2015 (La vie mène la danse). L'épisode figure aussi dans l'ouvrage de Germaine Krull coécrit avec Jacques Rémy (Un voyage : Marseille-Rio 1941, paru en 2019).
Alors que les conditions du voyage sont précaires, sans hygiène, avec une nourriture médiocre, dans les dangers d'une navigation en temps de guerre, la vie à bord s'organise, dans cette société bigarrée. Comme Settembrini et Naphta dans "La Montagne magique", Levi- Strauss et Breton s'engagent dans une savante "disputatio" sur "les rapports de l'oeuvre d'art et du document" dans le surréalisme. Dans cet exode, la croisière s'amuse et s'instruit !
À l'aide de nombreux documents, Adrian Bosc reconstitue minutieusement le trajet des exilés qui se poursuit à Fort de France dans le camp du Lazaret, sous le contrôle tatillon d'une administration Vichiste, à la mode tropicale. Alors que Claude Levi-Strauss fini par rejoindre, de son côté New-York, sur un bananier suédois, les autres doivent attendre que le Duc d'Aumale, un steamer de la Compagnie générale transatlantique en cale de radoub, puisse conduire les deux cents passagers restant du Capitaine-Paul-Lemerle vers l'Amérique promise. le Duc d'Aumale enfin révisé quitte la Martinique le 21 mai et arrive sans encombre à New-York le 29 mai 1941 à Manhattan.
Toutes ces personnalités, un instant réunies, se dispersent, chacune vers son destin.
Il y a autant de romanesque que de tragique dans les destins croisés des hommes et des bateaux. Adrien Bosc tisse sa toile romanesque d'une plume à la fois minutieuse et lyrique dans un journal de bord polyphonique.
Lien : https://diacritiques.blogspo..
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