Regardez le Forum : https://youtu.be/8WDuMzXxVKI
Regardez le Grand prix des Librairies 2023 : https://youtu.be/sNc4yUYHzzk
Retour en images sur le premier Forum des Libraires ogranisé par Livres Hebdo le 19 juin 2023 à l'occasion de la rentrée littéraire. Un événement inédit dédié aux présentations des nouveautés éditoriales qui marqueront l'automne et présenté par la journaliste Laure Adler ainsi que le rédacteur en chef de Livres Hebdo, Jacques Braunstein.
Au programme, 2 tables rondes thématiques réunissant un large panel d'éditeurs pour faire le point sur les thématiques saillantes de la rentrée de septembre.
Une table ronde dédiée à la littérature générale, avec la participation de :
Olivier Nora @editionsgrasset7893
Manuel Carcassonne @editionsstock7816
Véronique Cardi @editionsjean-claudelattes5488
Sophie Charnavel @edrobertlaffont
Alix Penent @Flammarion01
Adrien Bosc @editions_du_seuil
Anna Pavlowitch @VideoAlbinMichel
Anne-Sylvie Bameule @ActesSud
Une table ronde dédiée à la littérature jeunesse avec la participation de :
Flora Guiheneuf - @Scrineo
Jennifer Rossi - @AuzouEditions
Marie Bluteau @LaMartiniereJeunesse
Un événement @livreshebdo_ en partenariat avec @babelio
© Livres Hebdo
#rentréelittéraire #edition #livres #nouveautés
+ Lire la suite
Et quand chacun abordait, un peu rêveur et sans y croire, à la façon d’un exercice de la pensée, ce que serait le monde d’après, Mohamed Saïl, lui, racontait un monde d’avant que la machine coloniale avait détruit. Ce qu’il nommait un modèle ancestral, toute l’organisation de village berbère, ce sens inné de l’autonomie, sans État, sans police, sans juge ni prison, sans argent, tout entier mû par l’entraide.

"La nouvelle comète d'Air France", pouvait-on lire sur les dépliants publicitaires. Le Constellation allait supplanter les palaces flottants et inscrire définitivement l'hégémonie du ciel sur la mer. Un oiseau chromé né de la folie d'un homme, Howard Hugues.
Principal actionnaire de la compagnie Trans World Airlines (TWA), Hughes avait lancé en 1939 les études pour la construction du "Connie". Associé au constructeur Lockheed Aircraft, le magnat du cinéma et de l'aviation tentait un nouveau pari, un avion de ligne quadrimoteur pressurisé capable de franchir une distance de cinq mille six cents kilomètres d'un seul tenant. Il en dessinait les plans, à main levée, des croquis guidés par une quête d'élégance et d'érotisme, charge aux ingénieurs d'adapter l'esquisse aux règles de l'aéronautique. A la même époque, pour les besoins du film Le Banni, le cinéaste-aviateur imaginait un soutien-gorge à armatures renforcées autoportant muni d'acier et transformait la poitrine de Jane Russell en un missile pointé droit sur l'écran et les ligues de vertu.
Les deux gars débordaient d’affection pour Simone. Ils appréciaient cette façon qu’elle avait de regarder le monde, une solidarité pas bêtement exaltée, quelque chose de tendre, de profond, sincère. Elle possédait cette qualité rare qu’ont certains êtres : dans leurs yeux et à l’écoute de leur parole surgit un mystère qu’aucune réponse ne comble mais qu’aucun questionnement ne recouvre. Son combat ne tenait ni de la posture ni de l’air du temps, mais d’une nécessité intérieure si impérieuse qu’il annulait tout doute, ne laissait place qu’à une forme immédiate d’admiration.
Par gros temps, le pilote induit en erreur par la visibilité réduite aurait ainsi pris ces halos de lumières dispersés au sommet du mont pour une piste atterrissage. Le hasard s'est surpassé pour que l’altitude de l'appareil corresponde au sommet - à quelques dizaines de mètres, le Constellation aurait frôlé le pic. "Dieu ne joue pas aux dés", dit l'adage, le F-BAZN dans la nuit du 27 au 28 octobre a fait Yahtzee.
Des trente soldats engagés de la ville de Sitges, neuf n’étaient pas revenus. Partout on parlait de vengeance et d’expédition punitive. Une nuit, on exécuta neuf fascistes, ou prétendus tels. On en fit autant la nuit suivante. Des gens s’enfuyaient. Ce qu’elle documentait à ce moment précis, interrogeant autour d’elle, c’était le principe de guerre juste – la pesanteur de la vie et cette tension vers la violence annulaient tout. Les exactions entacheraient le mouvement – la réponse à la cruauté fasciste ferait basculer les troupes dans la terreur.

S’abîmer en mer, ces expressions, mots et verbes marins…
S’abîmer en mer, sillonner la mer, se perdre en mer, se jeter à la mer, prendre la mer, partir en mer, mourir en mer, jeter une bouteille à la mer, noyé, envahi, emporter par la mer, estiver, écumer, courir les mers, disparaître en mer, avoir bourlingué dans les mers du Sud, acculer, aboutir à la mer, « Un homme à la mer ! » crie le capitaine, au fond des mers, vieux loup, fortune de mer, haute, pleine, basse, qui se retire, découvre, embarque, gronde, moutonne, creuse, mine, ronge, érode les falaises, qui baigne une côte, qui scintille, brasille, brille, étincelle, se calme, calmit, baisse, reflue, écume, déferle, monte et descend, mer d’huile, de glace, de sable, secondaire, bordière, intérieure, fermée, froide, tempérée, gelée, calme, agitée, forte, houleuse, étale, tropicale, la mer d’Arthur Rimbaud infusée d’astres et lactescente, les clapotements furieux des marées, les archipels sidéraux, et les îles dont les cieux délirants sont ouverts au vogueur : est-ce en ces nuits sans fond que l’avion s’endort et s’exile ?
Après la chute de Barcelone et des derniers espoirs de la République, la guerre d’Espagne prit fin avec l’exode des réfugiés traversant la frontière des Pyrénées. Deux cent soixante-quatre mille exilés qu’on traita en criminels, parqués dans des conditions effroyables au plus dur de l’hiver 1938. En juillet, on estimait à cinq cent mille le nombre de ceux qu’on appellerait de nos jours des migrants.
Mais deux jours auparavant, au terme d’un rassemblement en soutien aux républicains espagnols, elle avait pris la décision de partir se battre. Elle était revenue à l’appartement familial de la rue Auguste-Comte avec l’empressement que ses parents lui connaissaient, celui-là même qui ne souffrait ni la contradiction ni la prudence, celui-là même qui l’avait conduite à quitter l’enseignement et la philosophie pour l’usine et devenir ouvrière presseuse, chaudronnière au four à bobines de cuivre chez Alsthom, puis fraiseuse à la manufacture Renault. On ne s’engage qu’entier, disait-elle. Il y va de la guerre comme de la lutte, du front comme de l’usine, la fraternité est un élan du cœur.
Ils traversaient des villages déserts, d’autres en liesse. Ils roulaient à bord d’une Ford noire, le toit ouvert. Elle interrogeait les paysans et Ridel et Carpentier jouaient les interprètes. Ils riaient beaucoup. C’était un trio libre qui traçait la campagne. Elle notait dans son journal des détails sur l’organisation des troupes, les effectifs, l’armement, la politique agraire et la collectivisation.
Simone Weil craignait davantage de fuir le péril et le malheur que de s’en protéger. Elle n’était pas aveugle au danger. Elle avait été exclue de l’enseignement public par le premier statut des Juifs promulgué en octobre 1940. Elle était clairvoyante et saisissait le péril – mais ce qu’elle redoutait avec une terreur autre, c’était de se trouver loin de l’Europe en feu, à l’abri, spectatrice du désastre.