Le Pacte des MarchOmbres, tome 3 : Ellana : La prophétie

Elle s'assit sur les galets, genoux remontés contre sa poitrine, et se perdit dans la contemplation de l'océan. Le sort des vagues qui déferlaient depuis le sud inconnu l'émouvait. Tant de force, de courage, tant de chemin parcouru, pour se briser contre une falaise ou se coucher sur une plage. N'était-ce pas injustice ?
Elle s'allongea sur le dos et ferma les yeux pour profiter de la caresse du soleil.
Peu à peu, la respiration de l'océan se calqua sur la sienne.
À moins que ce ne fût le contraire.
Le sort des vagues n'était pas si terrible après tout.

Des années plus tôt, Jilano l'avait avertie qu'elle n'était pas de taille à affronter un mercenaire du Chaos.
Qu'aurait-il dit s'il avait su qu'un jour ce ne serait pas à un mercenaire qu'elle s'attaquerait mais à une armée entière?
"Tu as toujours eu les yeux plus gros que le ventre, jeune apprentie!"
Puis il aurait hoché la tête, ses yeux bleu ciel lui auraient souri et il aurait pousuivi:
"Une armée entière? Tu peux le faire."

L'habitude est une route qui conduit droit à l'indifférence.

Nous devons juste nous efforcer de progresser. En réfléchissant à ce qui nous entoure, en acceptant de changer, tout en demeurant nous-même.

Demain, nous serrons nombreux à mourir. Il tendit un doigt vers la foule suspendue à ses lèvres.
Toi, peut-être, et toi. Et toi. Et toi là-bas. Mais cela n'a aucune importance car demain, vous vous battrez pour l'honneur et pour l'amitié, vous vous battrez parce que vous l'avez choisi. Demain, nous serons nombreux à mourir mais demain, une fois encore, nous serons invincibles.

Notre faculté à nous émerveiller est liée à notre état plus qu'au renouvellement de ce qui s'offre à nos sens.

Le nom du monde était souffrance.

Tout en se maudissant d'avoir laissé son arc accroché à sa selle, Salim fit un pas à l'intérieur. Il aurait sans doute été plus prudent de quitter l'auberge. C'était impossible sans savoir ce qui s'y passait. Aoro et Oûl se trouvaient peut-être en danger. Étaient-ce eux qu'il entendait respirer ? Étaient-ils inconscients ? Blessés ?
Un deuxième pas.
A cet instant précis, la salle explosa sous une salve de lumières vives tandis que des hurlements s'élevaient.
Des hurlements de joie !
Salim n'avait pu retenir un cri de frayeur. Ses réflexes avaient toutefois joué à la perfection et il avait bondi sur le coté, prêt à défendre chèrement sa vie.
Il se plaça en garde, lame tendue devant lui...
Se pétrifia.
Mise en valeur par un éclairage multicolore, une table couverte de victuailles trônait au milieu de la salle.
Devant la table se tenaient Aoro et Oûl, un sourire hilare sur le visage.
Et autour d'eux...
- Qu'est-ce que vous fichez ici ? s'écria Salim dont le coeur battait encore la chamade.
- Nous sommes là pour te féliciter, bonhomme ! tonitrua Bjorn.
- Te complimenter, renchérit Mathieu.
- Mais aussi pour partager avec toi ce succulent repas, précisa Sayanel.
- T'apprendre, si tu l'ignorais, que nous avons pensé à toi et à ton épreuve, lança Liven.
- Faire la fête ! cria Illian.
- Te dire que nous sommes fiers de ta réussite, déclara Edwin.
- Découvrir enfin le fameux Salim, ajouta une jeune et jolie inconnue aux yeux gris.
- T'offrir quelques précieux conseils, précisa maître Duom.
- Et notre affection, conclurent ensemble Altan et Elicia.
Seule Ewilan ne dit rien.
Ses yeux parlaient pour elle.
Salim sentit une énorme boule d'émotion se former dans son ventre tandis que sa gorge se nouait et que ses yeux s'embuaient.
- Vous... vous êtes là... pour moi, balbutia-t-il. Mais... mais pourquoi ?
Ellana, sourire aux lèvres, s'était glissée dans son dos. Elle posa une main douce sur son épaule.
- Parce que tu le mérites, Salim.

- Cette branche est solide, jeune apprenti. Elle ne cassera pas.
- Pas sous ton poids, c'est certain. Je pèse toutefois vingt kilos de plus que toi. Peut-être trente.
- Alors il faut te mettre au régime.
- Vingt kilos de muscles.
- Et de langue. Tais-toi un peu et grimpe !

- Je crois mieux préférable de patienter un peu pour attendre, déclara-t-il.